Paul Bocuse a tiré sa révérence ce samedi 20 janvier
Perte inestimable pour le monde de la gastronomie internationale, « Monsieur Paul » s’est éteint dans la maison familiale de Collonges-au-Mont-d’Or qui l’avait vu naître le 11 février 1926. De toutes parts, tant en France que chez nous en Belgique, de très nombreux hommages lui ont été rendus tout au long du week-end passé.
Quant aux obsèques de Paul Bocuse, elles auront lieu ce vendredi 26 janvier en la Cathédrale Saint-Jean à Lyon. De nombreux Maîtres Cuisiniers et autres chefs de Belgique y participeront dont Pierre Wynants et les membres belges de l’Académie des Bocuses d’Or, la Winners’ Family tels Roland Debuyst (Bocuse d’Argent 1997), Guy Van Cauteren (Bocuse de Bronze 1993) ainsi que Ferdy Debecker (Bocuse de Bronze 1999).
Hommages multiples et variés venant des plus grands cuisiniers français et de nos plus notoires chefs belges qui l’auront côtoyé tant à travers la célèbre Association Les Grandes Tables du Monde (ex Traditions & Qualité) qu’à travers le plus emblématique concours culinaire professionnel international, Le Bocuse d‘Or.
Frank Fol, Président des Maîtres Cuisiniers de Belgique et Pierre Wynants, Maître Cuisinier de Belgique et ancien Président Benelux du Bocuse d’Or nous ont confié leurs impressions à l’annonce de la disparition de ce grand chef considéré comme « Le Pape de la Gastronomie » et qui avait, notamment, été consacré « Le Cuisinier du Siècle ».
Frank Fol : Paul Bocuse est un grand Monsieur qui a permis aux chefs d’être aussi connus que les joueurs de football !
Je garde un fameux souvenir d’un jour où je me suis attablé dans son restaurant. J’étais déjà cuisinier et, étant attablé seul, je feuilletais le Gault&Millau. C’est alors que je me suis rendu compte que l’on me portait beaucoup d’attention. Et pour cause : tout le monde m’avait pris pour un inspecteur du guide ! Cela m’avait fort amusé et cela restera dans ma mémoire comme un souvenir aussi excellent que le repas que j’y avais fait.
Il y a deux ans, j’étais à nouveau dans son restaurant mais je n’ai pas pu le voir car il n’était plus en bonne santé et ne se déplaçait plus qu’en chaise roulante. Sa disparition est une grande perte pour nous tous, Maîtres Cuisiniers et cuisiniers professionnels de tous types, de tous niveaux et de tous âges. Paul Bocuse était une grande personnalité et il a fait beaucoup de choses pour la cuisine. Il a fait changer les mentalités, la philosophie et le regard des gens sur le métier de cuisinier. Il a rendu toute leur importance aux chefs de cuisine.
C’était aussi un « top manager », un très bon leader. Tout ce qu’il a fait, il y a cinquante ans, pour élever la cuisine au rang de discipline pointue, de métier valorisant et d’atout patrimonial formidable, a irrévocablement entraîné le respect pour tous les cuisiniers de ma génération. Ce respect restera, à travers le temps et les modes, car c’est une fameuse tranche d’histoire de la Cuisine qu’il a ainsi écrit aux yeux du monde entier.
Pierre Wynants : Paul Bocuse était le gardien de la tradition ! Il me laisse des souvenirs extraordinaires !
Même si cela faisait quatre ou cinq ans qu’il n’était plus en bonne santé et que l’on s’en inquiétait, c’est une très grande perte pour la cuisine française et même mondiale. C’est grâce à lui qu’il y a eu une large entente, une belle solidarité entre les cuisiniers dont beaucoup sont devenus amis. C’est aussi grâce à lui que le métier a été reconnu et que nous avons commencé à nous faire davantage connaître en sortant de nos cuisines.
Il me laisse plusieurs souvenirs extraordinaires, en France comme à Bruxelles. C’est d’ailleurs pour les 50 ans du Comme chez Soi, qu’il avait donné son accord pour que s’y réunissent les prestigieux membres de l’Association « Traditions & Qualité » (aujourd’hui « Les Grandes Tables du Monde »). C’est lui qui a eu l’idée de faire signer le mur de notre salle de banquets, dite la table en cuisine au Comme chez Soi. Nous avons laissé ces prestigieuses signatures de Roger Vergé, Alain Chapel, Troisgros et de lui-même sur notre mur et elles y sont toujours visibles aujourd’hui.
Pendant vingt ans, j’ai été Président Benelux du Bocuse d’Or. Je l’y ai beaucoup côtoyé et nous sommes devenus amis. Dans un tout autre domaine, nous partagions la passion du football ! J’étais – et suis toujours !! - pour Anderlecht et lui pour Lyon. Une année, nous avons tous deux eu le plaisir de voir remporter les matchs de nos équipes respectives lorsqu’elles jouaient ensemble à Lyon et ensuite à Anderlecht ; chacune remportant le match à domicile, ce qui nous avait beaucoup fait rire ! Je me souviens qu’à Lyon, la veille du match, alors qu’avec les 9 responsables de l’équipe d’Anderlecht, nous dînions dans son restaurant initial et que nous n’avions pas hésité à nous faire plaisir – comme tout bon belge – il nous avait tous invités ! Nous l’avons invité en retour à Bruxelles et lorsqu’il est venu nous avons fait une photo avec toute l’équipe d’Anderlecht en maillot. Comme pour les signatures, nous avons aussi gardé cette photo qui est toujours visible dans l’espace banquet au Comme chez Soi.
Paul Bocuse a fait énormément pour la cuisine. Je pense, moi aussi, que déjà rien qu’à ce titre il mérite des funérailles nationales. Pour moi qui me suis déplacé pour celles de Bernard Loiseau, je vais m’organiser pour me rendre à Lyon à ses funérailles. Cela me paraît tout à fait normal de me déplacer pour ce dernier grand hommage à ce très grand Monsieur qui était LE gardien de la tradition.
Paul Bocuse en quelques dates
1926 : naissance à Collonges-au-Mont-d’Or (Rhône)
1958 : reprise du restaurant familial, l’Abbaye de Collonge - 1ère étoile au Guide Michelin
1961 : obtient le titre de MOF (Meilleur Ouvrier de France)
1962 : 2e étoile au Guide Michelin
1965 : 3e étoile au Guide Michelin
1975 : devient Chevalier de la Légion d’Honneur (sous Valéry Giscard d’Estaing)
1983 : devient Président d’Euro-Toques (jusqu’en 1990)
1984 : à Bruxelles, au Comme chez Soi, signe le mur de la salle de banquets (table en cuisine)
1987 : création du plus grand concours culinaire professionnel international, les Bocuse d’Or
1987 : devient Officier de la Légion d’Honneur (Président Jacques Chirac)
1989 : devient président du MOF
1989 : Le Guide Gault&Millau le désigne Meilleur Cuisinier du Siècle, comme Joël Robuchon, Fredy Girardet
1991 : sa statue de cire est installée au Musée Grévin (Paris)
1993 : devient Officier de l’Ordre National du Mérite
1994 : ouverture 1ère Brasserie « Le Nord » à Lyon (suivront : Le Sud, l’Est, l’Ouest, l’Argenson respectivement en 95, 97, 2002)
2004 : création de la Fondation Paul Bocuse (école de formation)
2004 : reçoit le grade de Commandeur de la Légion d’Honneur (Président Chirac)
2011 : l’Institut Culinaire Américain le désigne comme Le Cuisinier du Siècle
2013 : ouverture du Restaurant Bocuse, restaurant-école de l’Institut Culinaire Américain (New-York)
2013 : ouverture de la brasserie Marguerite (Lyon) avec poru chef de cuisine une ancienne candidate de l’émission tv Top Chef (Tabata Bonardi)
2018 : ce samedi 21 janvier, décède dans sa maison familiale de Collonges-au-Mont-d’Or qui, en 1926 l’avait vu naître.