Mastercooks au féminin “La créativité n’a pas de genre”
Au sein d’une profession dominée par les hommes, les femmes représentent encore une minorité. Elles ne sont que six au sein des Mastercooks. Comme perçoivent-elles leur métier et peuvent-elles faire la différence avec leurs collègues masculins ? Nous avons posé la question à Isabelle Arpin, Laurence Haegeman, Arabelle Meirlaen, Ingrid Neven, Vinciane Spronck, et Francesca Sterckx.
Les “cheffes” au féminin peuvent-elles faire la différence dans un monde de cuisiniers dominé par les hommes ?
“Ce sont les gens riches de passion et de connaissance qui comptent. Le genre n’a rien à voir là-dedans“ nous dit Francesca Sterckx. Ingrid Neven la rejoint : “Femme ou homme, qu’importe…Tant que la qualité est au rendez-vous…”
Arabelle Meirlaen considère que le plus important est de rester soi-même. « Les hommes ont toujours voulu tout dominer. Il faut donc s’arranger pour ne pas être dominé soi-même et cela m’a plutôt réussi jusqu’à présent. Personnellement, j’ai choisi d’être toujours moi-même. Aussi, je ne vois pas de différence entre hommes et femmes, ce n’est qu’une question d’ego, de confiance en soi et de savoir ce que l’on veut. Pour cela, il faut être déterminé, avec des objectifs positifs, être libre de stress et passionné. Je vais de l’avant avec un objectif, à savoir assurer l’équilibre entre ma vie et ma famille.
“Femme ou homme, cela n’y fait rien… Tant que la qualité est au rendez-vous.”
Ingrid Neven
Pour Isabelle Arpin, la domination est une perception très relative. « Il est vrai que la génération qui est aujourd’hui aux manettes a été formée à la dure et qu’elle perpétue cet état d’esprit dans les faits. Et même si pas mal de femmes reçoivent une formation de cuisinière, on en retrouve en fait relativement peu sur le marché du travail et encore moins dans la gastronomie de haut niveau. Ceci démontre que pour être une femme dans ce secteur, il faut bénéficier d’un solide tempérament. »
Vinciane Spronck ne veut pas faire de différences entre homme et femme dans la cuisine. « Il s’agit dans tous les cas de faire toujours mieux et de partager, de donner et de prendre. »
“La domination des chefs masculin est une perception. Mais, dans ce secteur, en tant que femme, il faut témoigner d’un solide tempérament.”
Isabelle Arpin
Francesca Sterckx remarque quand même que les cheffes au féminin ne sont pas prises autant au sérieux que les hommes. « Peut-être est-ce parce que je parais plus jeune ou suis relativement plus petite mais autant auprès des clients, des fournisseurs que des collègues, je remarque souvent que je ne suis pas prise au sérieux lorsque je dis quelque chose. Toutefois, lorsque je me fâche une bonne fois et lorsque je décide de rester sur mes positions, on me regarde en disant : « Ah, celle-là, elle ne se laisse pas faire ». Je trouve tout de même dommage de devoir chaque fois faire mes preuves ou remettre les choses au point. J’ai suffisamment travaillé dans d’autres cuisines pour voir la différence. Encore aujourd’hui, toutes les semaines je remarque que, lorsque je suis à côté de mon responsable de salle masculin, certains clients ne s’adressent qu’à lui et ne m’accordent même pas un regard. Cela jusqu’à ce qu’il leur explique qui a le pouvoir de décider. Leur bouche se décroche alors en une seule fois et il se montrent subitement nettement plus agréables. C’est à en devenir fou! .”
Est-ce que la formation par des chefs masculins constitue une bénédiction ou plutôt une limitation pour une cuisinière?
Francesca: “Vu a posteriori, c’est plutôt une bénédiction même si, sur le moment même, cela peut être limitant. Dans certaines places, j’ai véritablement renoncé, non pas parce que j’étais une femme mais parce que le travail était dur et que j’avais encore beaucoup de choses à apprendre. Les chefs au masculin sont en effets plus durs que les femmes. Mais dès qu’ils ont compris que nous pouvons travailler comme les autres, on en est souvent plus respecté.
“La créativité n’a pas de genre. Plutôt l’expérience, la persévérance et l’intérêt.”
Francesca Sterckx
Ingrid Neven confirme : “Les hommes ont moins d’empathie pour ce qui se joue derrière ‘l’homme’ qui est en cuisine avec eux. Ce qui permet d’assurer une super formation. Mais c’est ça la cuisine !” Vinciane : “Lorsque j’ai voulu devenir cuisinière, j’étais encore très jeune et je ne me suis pas demandé s’il s’agissait bien d’une profession pour une femme.
Mais la cuisine était l’endroit où je désirais me retrouver et où je me sentais bien. Ce n’est que plus tard que j’ai réalisé que le monde des cuisiniers était relativement…macho. J’ai souvent dû serrer les dents. Mais j‘ai eu la chance d’être formée aussi bien par des hommes que des femmes qui croyaient en moi. Et tant que l’on fait bien son boulot, on en retire beaucoup.” Arabelle: “Si tu es bien dans ta peau, que tu travailles bien et que tu as un patron intelligent, celui-ci ne va pas ridiculiser une femme et détruire ce qu’il a édifié. » Isabelle : “Je ne crois ni que ce soit un avantage ni un inconvénient. L‘important, c’est d’être formé par des gens compétents et expérimentés. Il s’agit essentiellement d’une question de qualité de la formation et des valeurs qui sont transmises. ”. Laurence Haegeman: “Un mélange des deux me paraît idéal. Entretemps, les choses ont évolué et le genre n’a plus tellement d’importance contrairement à la vision. Je pense qu’une formation, aussi bien chez des chefs masculins que féminins présente des bonus en elle-même. Cela apporte de l’équilibre, lorsque l’on peut apprendre des deux.”
Est-ce que les cheffes au féminin réfléchissent différemment que les chefs au masculin lors de la création d’un plat ?
Nos Mastercooks féminines voient peu de différences. Arabelle: “Je ne pense pas autrement qu’un homme, parce que je sais ce que je veux et je veux y arriver. Je connais beaucoup de femmes qui cuisinent comme des hommes. Franchement, en cuisine, je ne vois pas de différence entre hommes et femmes. Je ne pense pas que la différence de genre influence la création d’un plat, mais bien la personnalité, l’expérience et le goût de celui qui élabore la préparation. ” Vinciane non plus ne voit pas la différence : « Nous pensons en premier au plaisir que doit procurer un plat, aux saveurs, à l’exactitude des cuissons, à la pointe d’acidité et à l’harmonie de la présentation. Ceci est tout de même universel. ”
“Je ne vois pas de différence entre hommes et femmes. Il s’agit simplement d’une question d’ego, de confiance en soi et de détermination ! ”
Arabelle Meirlaen
C’est ce que confirme aussi Ingrid : “’Il s’agit plutôt de la personnalité que l’on est. On dit que les femmes témoigneraient de plus de finesse. Pour moi, la finesse réside dans la saveur et pas dans les chipotages sur l’assiette. C’est toute la palette de saveurs qui doit fonctionner. Et ceci est aussi masculin que féminin...”
Selon Laurence, les femmes pensent sans doute plus à élaborer des plats à la fois plus équilibrés nutritionnellement parlant et meilleurs du point de vue de la santé. “Elles cuisinent plus des préparations orientées clients et ont plus rapidement tendance à se laisser guider par leur intuition. Ceci alors que chez les hommes, l’accent est plus mis sur le produit et sur la technique. Mais il ne faut pas généraliser. C’est toujours la personnalité du chef qui prend le dessus.” Francesca : “La créativité n’a pas de sexe. Ce sont plutôt l’exercice, la persévérance et l’intérêt.”
Est-ce que les “cheffes” travaillent différemment en équipe que les chefs masculins ?
Francesca : “Je pense bien. Les femmes sont souvent plus douces et plus empathiques. J’ai très volontiers travaillé avec des hommes mais je ne pourrais plus me passer des 10 femmes et des 3 hommes de mon équipe actuelle..” Laurence : “Pour moi, les femmes sont plus soigneuses et se préoccupent plus de ceux qui les entourent. Dans une équipe il est aussi très important de savoir écouter et de ressentir les situations, deux qualités importantes. Vinciane : « Je traite mon équipe un peu comme une mère le ferait. Je me mets toujours à leur place afin qu’ils se sentent bien, même si ce n’est pas toujours facile. Ingrid : ”Les femmes sont plus empathiques et remarquent plus rapidement quand quelque chose est en train de tourner de travers. Nous allons essayer de récupérer ce qui a mal tourné, afin que le stress s’évanouisse et que le travail se déroule mieux. Ainsi, je constate au sein de mon équipe que l’empathie pour les problèmes domestiques crée des liens incroyables. C’est sans doute ce qui fait la différence entre un chef masculin et un chef féminin.”
Arabelle : “Tout dépend également du fait que la cheffe ait ou non travaillé avec un chef masculin. Je leur apprends à être indépendantes afin de leur ouvrir les yeux. A être responsables pour équilibrer le stress. Par contre, j’ai déjà eu à faire à de jeunes hommes qui aimaient l’autorité et avec qui cela ne marchait pas. Mais pour eux, il y a assez de mauvais chefs pour s’en occuper !” Isabelle : “La gestion d’une équipe est une question d’entrainement, de formation, de psychologie et de compréhension des gens. Lorsqu’une femme pilote un Boeing, est-ce qu’on s’interroge sur sa capacité à gérer son équipage ? Non. Elle est aux commandes d’un avion et est responsable de la même manière qu’un homme. Et c’est ainsi également dans une cuisine.”