Ingrid Neven

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chef

Ingrid Neven

Pazzo
Oude Leeuwenrui, 12
2000 Antwerpen
T: +32 (0)3 2328682
F: +32 (0)3 2327934
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À propos de

Ingrid Neven: le respect du produit

Ingrid Neven fait partie des rares chefs au féminin de notre pays. Elle appartient à la race des femmes à qui on n’en conte pas et cuisine avec créativité et talent pour les clients du restaurant Pazzo à Anvers. Pour ce faire, elle part résolument du produit comme base de sa cuisine. Elle n’est pas du tout une fanatique des musts technologiques et des tours de passe-passe culinaires. Son credo est la simplicité des préparations et le respect des produits.

Interview

Qui furent vos grands modèles?
Ingrid Neven: “En premier lieu ma mère. Mes parents exploitaient une ferme et on y cuisinait –comme aujourd’hui encore d’ailleurs - extrêmement bien, avec des produits de qualité. Aujourd’hui, il n’y a plus que des vaches laitières mais autrefois, il y avait également des porcs. Ma mère était charcutière de formation et elle sacrifiait toujours les petits cochons de notre consommation personnelle elle-même. Je me suis toujours retrouvée avec des choses délicieuses dans mon assiette et c’est ainsi qu’est né mon amour de la cuisine.

Après ma formation à l’école hôtelière de Herk-de-Stad  j’ai été travailler au Château Neercanne à Maastricht. Là, j’ai énormément appris du chef Hans Snijders auprès de qui je suis restée trois ans. Et puis il y a évidemment William (Wouters, le propriétaire du Pazzo) Il m’a donné le chance de m’embarquer dans l’aventure du Pazzo. A mes débuts, lorsque je manquais encore d’expérience, il m’a énormément soutenu et conseillé.

D’où tirez-vous l’inspiration de vos préparations?
“Pas mal d’idées me viennent de mes lectures. J’aime également sortir, surtout à l’étranger : New-York, Boston, Londres… Je veux rester “dans le coup” et me tenir au courant de ce qui se passe dans le monde de la gastronomie, ainsi que savoir quelles sont les nouvelles tendances. Pas dans l’idée de copier mais bien pour en faire quelque chose de personnel. Dans le cas d’un restaurant comme le Noma, je me sens moins concernée car le chef Redzepi travaille avec des produits très locaux qui ne sont pas disponibles chez nous. Ce qu’il fait est magnifique mais n’est pas réalisable chez nous.
Je suis surtout une fan de la cuisine italienne: il s’agit d’une véritable cuisine du produit, comme la cuisine japonaise au demeurant . Ces deux gastronomies me passionnent.”

Comment décriveriez-vous votre style de cuisine?
“J’ai bénéficié d’une formation classique, mais j’aime faire intervenir des influences d’un peu partout dans ma cuisine. Dans le passé, on aurait pu parler de  « fusion » dans mon cas – un terme assez laid dans mon esprit- mais ce n’est plus le cas depuis longtemps. J’apprécie les préparations simples et je ne suis jamais aussi heureuse que lorsque je prépare un risotto avec juste un peu de truffe ! On peut s’amuser avec les produits mais il ne faut jamais compliquer inutilement les choses. Ainsi, au Pazzo, nous servons une assiette de tortellini. De la gastronomie réconfortante, qui rend la cuisine accessible.”

Comment percevez-vous le rôle du Maître Cuisinier? Artisan, artiste, entrepreneur, saltimbanque, enseignant?

“Pour moi, un maître cuisinier doit porter toutes ces casquettes. Si on n’est pas un entrepreneur, on se casse la figure. Si on n’est pas un artiste, tout autant…  Toutes ces facettes forment un ensemble.

Comment nait un plat?
“Tout est d’abord fonction de la saison.  Nous  regardons  quels sont les produits qui sont à leur meilleur niveau à ce moment là. Nous choisissons alors un ingrédient de base et ensuite ceux qui vont l’accompagner. Ce n’est qu’à ce moment qu’on essaye de leur conférer une touche intéressante. A cet effet, je pense le plus généralement à l’Italie ou au Japon.  Mais parfois également à la Thaïlande, un pays dont la  cuisine m’attire également beaucoup.

Je n’élabore jamais la carte toute seule, me reposant aussi sur mon équipe. Nous travaillons ensemble sur les recettes et goûtons également collectivement. Les choses ne doivent jamais être trop compliquées. Une trop grande quantité d’ingrédients sur une assiette rends les choses très difficiles à maîtriser. Il faut faire une distinction claire entre le produit principal et ses accompagnements »

Comment voyez-vous l’évolution de la gastronomie de haut niveau?
“Il existe une grande diversité de styles de gastronomie et j’espère bien que cette situation va perdurer. Il est passionnant de voir fleurir des nouvelles tendances et des concepts nouveaux, mais je suis persuadé que l’on reviendra toujours aux bonnes vieilles techniques classiques..”

Quel est pour vous le point qui fait mal dans le secteur Horeca ?
“Les coûts salariaux élevés ont provoqué l’apparition de toutes sortes de rémunération alternatives et ont favorisé le travail au noir. Lorsque je rencontre des amies, je dois toujours leur expliquer pourquoi il existe autant de noir dans l’horeca.  Le fait que, dans un magasin, on ne parle jamais de pourboire est un des arguments que j’entends très souvent de leur part. Si quelque chose pouvait être fait dans le domaine des charges sociales élevées, je pense que tout le monde en profiterait : aussi bien les employés que les employeurs.
Une chose qui me dérange également , c’est le fait que celui qui veut travailler honnêtement est plus souvent contrôlé et puni que ceux qui n’ont rien en ordre et trainent des casseroles énormes. La « Blackbox » . semble arriver de manière inéluctable et chacun va devoir trouver des solutions.  Je crains que, pour certains, la chose risque d’être difficile..”

Comment combinez-vous travail et famille ?
“L’horeca ne jouit pas d’une réputation excellente dans ce domaine mais, en ce qui me concerne, les choses se passent très bien. Le Pazzo est fermé le weekend et, en semaine, nous travaillons en service coupé. Je commence à neuf heures et je peux donc conduire ma fille Pia à la crèche. Il faut évidemment pouvoir compter sur un conjoint avec qui s’arranger et alors les choses se déroulent facilement.
Par ailleurs, il arrive que les choses ne se passent pas comme on avait prévu. Ainsi, lorsqu’on se lance dans des plats difficiles et qui demandent beaucoup de travail, on est parfois bien obligé de rester au travail l’après-midi. C’est pourquoi il est très important de trouver un équilibre entre un travail que l’on adore d’une part et sa famille d’autre part…

Le client est roi?
“Parfois, le chef ne cuisine pas pour le client mais pour lui-même. C’est William qui m’a appris qu’il fallait travailler en fonction des clients. On peut évidemment mettre son style, son goût personnel en avant, mais il faut d’abord penser au client. Lorsque celui-ci dit : ça, c’est bon, alors on peut garder une préparation sur la carte..”

D’où tirez-vous l’énergie, la motivation qui vous permet de fonctionner ?
“Nous disposons au Pazzo d’une cuisine ouverte. Chacun peut nous voir au travail. Et il est tout particulièrement agréable d’avoir, en fin de service des gens qui viennent vous dire qu’ils ont passé une soirée formidable.