
Viki Geunes
Viki Geunes: la cuisine au plus haut des niveaux…
Au cœur de son restaurant ‘t Zilte, au MAS d’Anvers, Viki Geunes pratique la cuisine au plus haut des niveaux, ceci au propre comme au figuré ! Autodidacte mais fort d’une motivation sans limite et d’une discipline de fer, l’homme a réussi à atteindre les sommets de la gastronomie.
Des maîtres?
Viki Geunes: “Il n’y pas véritablement quelqu’un que je puisse considérer comme mon gourou d’autant que je n’ai jamais travaillé chez un autre chef. Je n’ai pas fait d’école hôtelière, m’étant dirigé vers les sciences industrielles. Mais une fois mon diplôme en poche, je ne me voyais vraiment pas travailler dans ce secteur. J’ai donc bien dû trouver une autre orientation. A la maison, les plaisirs de la cuisine et de la table avaient toujours occupé à mes yeux une place très importante. Fort de cette motivation, je me suis donc dirigé vers la gastronomie. Et c’est ainsi que, pas à pas, j’ai fait mon chemin, d’abord à Mol et ensuite à Anvers.
Entre temps, j’ai appris énormément. Je voyais chez les autres ce qu’il convenait de faire et comment on pouvait y arriver. Mais j’ai également vu - surtout chez moi – ce qu’il fallait absolument ne pas faire ! En pratiquant une évaluation permanente et en poursuivant sans cesse mes expériences, j’ai réussi à amener ma cuisine à un niveau de plus en plus élevé.
L’inspiration?
“Celle-ci peut venir de n’importe quoi, même de choses à première vue insignifiantes. Les voyages constituent évidemment une grande source d’idées. Ainsi, je suis allé récemment en Thaïlande, et j’y ai dégusté des pousses de bambou fraîches. C’était délicieux! Je me suis immédiatement demandé comment je pourrais travailler un produit aussi magnifique. Dès mon retour je me suis mis à la recherche des meilleurs fournisseurs et je vais me lancer dans des essais.
A mes yeux, tout commence avec le produit. Avec mon bras droit Michiel, nous nous interrogeons sur la manière dont nous allons aborder celui-ci. Après une première phase de réflexion et de sélection, nous nous mettons en cuisine. Et là, sans cesse sur le métier nous remettons notre ouvrage, jusqu’à ce que nous trouvions ce que nous cherchons. Vient ensuite une phase d’affinage jusqu’à obtenir le résultat exact désiré. Nous dégustons d’abord nous même et, dans une deuxième phase, nous demandons l’avis de personnes extérieures.
Un style propre?
“Existe-t-il vraiment un style culinaire? (Rires) Il y a pas mal de « tendances » dans la gastronomie mais, après 17 ans, je suis arrivé à la conclusion que la poursuite de celles-ci n’était pas ma tasse de thé. Je n’ai pas besoin de me situer dans le dernier mouvement à la mode pour arriver à un résultat satisfaisant. Je ne fais donc pas d’efforts particuliers pour me tenir absolument au courant des dernières nouveautés.
La possibilité de reconnaître les mets est à mes yeux de la première importance. Je plaide pour une cuisine à la fois légère et créative, au sein de laquelle les légumes jouent un grand rôle. .”
Les Maîtres Cuisinier, millésime 2013
“A mes yeux, il est de première importance de trouver un équilibre entre les aspects artistiques et commerciaux du métier. On peut évidemment travailler de la manière la plus artisanale possible, mais aujourd’hui, il tout aussi important d’être un bon entrepreneur. Je donne du travail à 35 personnes et je ne suis donc pas seulement un “chef”… C’est qu’il y a a également pas mal de boulot en dehors de la cuisine à proprement parler. Pour ma part, je tente de respecter l’équilibre entre ces divers aspects de la profession.
Le métier est nettement plus valorisé dans d’autres pays. Chez nous, les cuisiniers sont, il est vrai, souvent considérés comme des personnalités publiques… Mais ceci est-il une bonne ou une mauvaise chose? En France, les « MOF (meilleurs ouvriers de France) possèdent un statut tout à fait particulier. Ils font l’objet de toutes les attentions et bénéficient même de subsides, alors que nous sommes la plupart du temps stigmatisés par les autorités.”
Comment la gastronomie est-elle en train d’évoluer?
“On assiste à un retour aux techniques classiques. On abandonne progressivement les préparations à basse température pour en revenir aux cuissons traditionnelles de la viande. On a vu se développer au cours des dernières années énormément de nouvelles tendances, l’évolution ayant été particulièrement rapide, surtout par rapports aux périodes précédents. Avec tout le respect que je dois aux grandes maisons classiques, nombre d’entre elles sont restées un peu figées. Un chef ne doit pas nécessairement être un précurseur mais il doit au moins se situer dans l’esprit de son temps.
La signification du produit?
“Le premier devoir d’un chef est de respecter le produit. Ce point a trop souvent été négligé au cours de ces dernières années. J’essaye, dans la mesure du possible, de me fournir localement en légumes et en herbes, mais ceci n’est possible que dans une proportion limitée.
Anvers et un port mondial et le MAS est un bâtiment qui jouit d’une renommée planétaire sans cesse grandissante. Les clients que nous recevons au ’t Zilte viennent d’un peu partout et il serait trop restrictif de ne travailler qu’avec des produits locaux. En outre, je suis un fou de saveurs du monde et de produits contemporains, comme le bambou, les noix de cajou, les pâtes indiennes… J’adore travailler ce genre de denrées et ce sont elles qui nous permettent de sortir du lot.
Le point qui fait mal ?
“Il y a deux choses qui m’embêtent: les taux de TVA et la législation sociale. Les charges salariales sont vraiment trop élevées chez nous. Il nous est impossible de pratiquer les prix que nous devrions logiquement demander, sous peine de nous exclure du marché.
Le défi à relever?
“Je tire mon énergie des appréciations que m’accordent mes clients. Leurs applaudissements, ne serait-ce qu’au sens figuré, me procurent d’énormes satisfactions. Et cela rend le travail nettement plus agréable !
Fermé le weekend!
“Lorsque le restaurant est ouvert, je m’y trouve depuis tôt le matin jusqu’à tard le soir. Ceci a été vrai au cours des 17 dernières années et continuera à l’être. Par principe, mais aussi pour mon personnel. Je ne veux en effet pas être le chef qui donne des instructions par la bande mais je veux continuer à travailler de manière active.
Le fait de fermer le weekend me permet d’avoir un personnel à la fois de meilleure qualité et plus motivé. Les gens veulent bien travailler dans l’Horeca mais, lorsque leur conjoint n’œuvre pas dans le même secteur- et est donc disponible les weekends - on les voit souvent décrocher.
Et (rire), je peux ainsi consacrer du temps à mon autre passion: le golf! »