Bistro Mariette
Interview
Koen, comment avez-vous atterri dans le métier de chef ?
Koen Lienard: “Mon père a joué un rôle indirect dans cette décision. Cela bien qu’au départ, il ne voulait pas que je me lance dans l’Horeca. Il était technicien en aéronautique dans l’armée et, le soir et les weekends, il travaillait comme serveur dans des restaurant louvanistes comme les Salons Georges, le restaurant Tijl et enfin le Belle Epoque, où il est devenu responsable de salle. J’avais déja perçu le professionnalisme dans toutes ces cuisines. Devenir cuisinier était quelque chose quui m’intéressait. Mais mon père ne le voyait pas du même œil. Il voulait que je termine mes humanités. Or, je n’étais pas précisément un élève brillant. Je préférais faire quelque chose de mes mains plutôt que d’emmagasiner des matières théoriques. A 16 ans, je suis enfin allé au COOVI à Anderlecht et là, tout un monde s’est ouvert à moi. J’ai pu enfin me concentrer et je suis devenu subitement le meilleur de ma classe. Mon premier stage s’est déroulé au Belle Epoque. Un choix logique. Je connaissais l’entreprise et j’y avais déjà travaillé en salle avec mon père. Après ma formation, j’y ai travaillé quelques mois en attente de mon service militaire. L’idée était de poursuivre une septième année mais j’ai atterri au Sire Pynnock chez Frank Fol et j’y suis resté. Cela parce que Frank m’a particulièrement bien reçu et m‘a rapidement accordé sa confiance et donné carte blanche. Il n’y avait que la création des nouveaux plats qui passait par lui. En ce qui concerne la créativité et l’originalité, il reste encore inégalé. J’ai été son bras droit durant 14 ans, à l’exception d’un court passage chez Denis Martin à Vevey en Suisse. Lors de la fermeture du Syre Pynnock, je suis devenu responsable de production pour les sauces “Légumaise” qui ont été développées par Frank. Entre temps, j’avais lancé une activité annexe de catering comme chef à domicile baptisée “Kok-Koen”. Par son travail dans l’Horeca, mon père connaissait beaucoup de monde et ces personnes ont vite constitué ma clientèle pour leurs évènements privés. Et lorsque cette activité avait bien pris, je me suis consacré entièrement à la cuisine à domicile, cela durant 14 ans.”
Et maintenant le Victorie. Pourquoi avez-vous franchi cette étape ?
Koen Lienard: “Après 14 ans, je pensais qu’il était temps de passer à autre chose. Le proposition de devenir chef au Victorie me parlait énormément. Surtout parce que l’on me donnait carte blanche. Des préparations classiques avec une touche moderne, beaucoup de légumes et une belle sauce. Voilà ce qui est ma cuisine et je peux ici pratiquer celle-ci en toute liberté. En outre, je ne suis pas seulement cuisinier mais aussi manager, de la même manière que je le serais dans ma propre affaire.”
Que voyez-vous aujourd’hui comme votre défi principal ?
Koen Lienard: “Trouver du personnel suffisamment formé. Cela fait des années que c’est un problème. Nous devons travailler aujourd’hui avec des gens de moins en moins motivés. La source des écoles hôtelièrs est moins abondante que par le passé mais, en plus, il faut souvent chercher très loin la véritable motivation de ceux qui arrivent chez nous. J’ai l’impression que leur formation ne les a pas préparés à ce que l’on attend d’eux. J’ai pour l’instant dans ma cuisine quelqu’un qui a terminé ses humanité mais n’a aucune expérience de l’Horeca. Pourtant, il est particulièrement enthousiaste et il a envie d’apprendre. Des gens comme cela, je les prends volontiers sous mon aile. Je reçois régulièrement de jeunes collaborateurs qui abandonnent après quinze jours parce que pendant le weekend ils ont une fête familiale ou un anniversaire à célébrer. Or, dans l’Horeca, les choses ne fonctionnent pas comme cela. Je ne suis pas quelqu’un d’autoritaire et, de toutes manières, ce n’est plus à l’ordre du jour. Mais j’attends de l’engagement et si ça n’est pas le cas, je raccroche rapidement “
Voilà cinq ans que vous êtes membre des Mastercooks. Quel expérience en avez -vous tiré ?
Koen Lienard: “J’ai été éduqué de manière très modeste. On m’a inculqué la notion de toujours rester les pieds sur terre. Aussi, je suis toujours étonné quand certaines personnes m’admirent parce que je suis rentré au sein des Mastercooks. Je ne fais jamais que mettre de la nourriture sur une assiette en m’arrangeant pour que ce soit bon. Rien de plus. Je ne me vois pas comme un artiste mais à la rigueur, comme un artisan. A côté de la créativité et du professionnalisme, je veux mettre de l’amour dans mes plats. Et pour cela, en tant que cuisinier, nous devons travailler dur et subir un stress important pur y arriver. Être Mastercook m’apporte beaucoup de prestige. Mais, à mes yeux, ce qui est le plus important, c’est le contact avec les autres membres. Le fait de pouvoir parler des problèmes du métier avec des gens qui sont sur la même longueur d’onde. Les échanges d’idée sont importants mais je vois aussi les Mastercooks comme un label, comme un groupe de gens qui s’aident et tentent de résoudre les problèmes de leur secteur auprès des autorités compétentes.”
Si vous deviez inviter les personnes auxquelles vous tenez à un repas de fête, qui ferait partie de la liste?
Koen Lienard: Mes trois maîtres. Ludo Tubé, du Belle Epoque, car il est le premier à m’avoir donné ma chance dans son restaurant. Mon père, qui y a travaillé longtemps et qui m’a toujours apporté son aide dans l’aventure de mon affaire de catering. Le 29 juin 2018 - il avait à l’époque 82 ans - nous avons encore fait une fête pour 120 personnes. Il a encore une fois assuré tout le service. Deux semaines plus tard, il a été percuté sur son vélo et il est mort sur le coup. Et enfin, il y a bien entendu Frank Fol. Si je pratiquais aujourd’hui la cuisine du Sire Pynnock, celle-ci serait encore parfaitement au goût du jour. Il était toujours très en avance sur son temps et, pour cela, n’était pas toujours bien compris. A cela j’ajouterais encore une dizaine de mes meilleurs clients. Nous arriverions ainsi à un groupe de gens véritablement passionnés par la gastronomie. Et nous vivrions un repas plein d’échanges passionnants. ”