Jacques Colemont

Honorary Mastercooks
Honorary Mastercooks
Chef: Jacques Colemont
Figaro (permanent gesloten)
Mombeekdreef, 38
3500
Hasselt
T: 00 32 (0)11 272556

Interview

Jacques Colemont: la cuisine est une grande aventure
Jacques Colemont a reçu cette année, de la part du “Weekend-Knack magazine”, un “Food Award pour carrière exceptionnelle”. Ce qualificatif n’est certainement pas exagéré à l’intention d’un homme qui peut revendiquer une carrière de 51 ans, dont 44 en tant que chef et exploitant de son propre restaurant, le Figaro, à Hasselt. Les mots “pension” ou une “cessation d’activité” ne font pas partie de son vocabulaire et, bien au contraire, il est encore plus passionné que jamais par son métier...
 

Exploiter son propre restaurant durant 44 ans, cela en représente des heures de dur labeur… Vous n’avez pas envie de raccrocher?
“On pourrait le supposer… (Rires). Mais heureusement, je suis en excellente santé et j’éprouve toujours autant de plaisir dans mon travail. Chaque jours, je me rends au boulot plein de motivation et je n’ai pas encore connus de jour “sans”. Voici une vingtaine d’années, j’ai perdu ma première épouse. Et  voici quatre ans, mon fils. Tous les deux des suites d’un cancer. Ma seconde épouse a une fille que j’ai adoptée. Celle-ci a donné naissance voici peu à un enfant ce qui fait qu’à deux mois d’intervalle, je suis devenu à la fois père et grand père. Ceci me donne évidemment énormément d’énergie pour continuer. J’espère encore tenir le coup au moins dix ans. J’ai encore pas mal de projets, parmi lesquels une transformation complète du cadre du restaurant. Ce n’est pas une nécessité mais j’en ai très envie.
Par ailleurs, je retire énormément de satisfaction de mes petites excursions à Paris, à Londres, Madrid, Copenhague... Me promener tout simplement, bien manger, faire de nouvelles découvertes gastronomiques. C’est ainsi que j’ai bien l’intention de me rendre au Japon avec les Maîtres Cuisiniers…

Vous avez des racines familiales dans le monde de l’Horeca?
“Absolument pas. Personne de mes proches n’a jamais travaillé dans le secteur. On m’a donné l’opportunité de poursuivre des études mais les choses semblaient déjà tracées. Mon père m’a fait savoir que j’étais trop mou pour apprendre. Et il avait raison. Cela ne me plaisait pas du tout. Je suis revenu à la maison avec un lamentable 32 sur 100 et la cause a été entendue: j’irais travailler pour apprendre un métier.
Mes parents exploitaient une ferme et ma mère était une cuisinière fantastique. On mangeait remarquablement à la maison. Pas des plats gastronomiques mais bien une cuisine quotidienne savoureuse. Je possédais donc les gènes de la gourmandise et mon choix n’était donc pas si étrange, même si, dans le village, on se posait des questions sur cet hurluberlu qui voulait devenir chef…

Roger Souvereyns comme maître….
"A l’âge de quinze ans, j’ai commencé comme apprenti au Salon Georges, à Louvain (Rires). C’est là que j’ai appris à travailler très dur. Quelques années plus tard, j’avais à m’acquitter de mes obligations militaires. Pendant mon service, j’avais fait la connaissance d’une jeune fille et, pour compléter ma maigre solde, je cherchais un travail de weekend dans un restaurant. C’est ainsi que j’ai atterri chez Roger Souvereyns à Hasselt. C’était encore avant qu’il ne lance le Scholteshof. C’est vraiment chez lui que j’ai appris le métier.
Il a vraiment été mon grand modèle. Du temps de sa gloire, il était un des cinq meilleurs chefs de Belgique. Il était remarquablement innovant et très en avance sur son temps. Je me rappelle l’avoir vu revenir de Rungis avec un grand saumon. Quelque chose d’exceptionnel à l’époque (rires), même si aujourd’hui plus personne n’en veut…

D’autres exemples se sont imposés à vous?
“J’ai toujours essayé d’apprendre quelque chose en plus et c’est encore le cas aujourd’hui. La cuisine est une grande aventure. A l’époque, j’étais très  lié à Willy Slawinski et je suis allé travailler quelques jours dans sa cuisine. Ce fut une expérience passionnante. J’ai aussi été travailler un peu chez El Bulli. Et je me suis risqué dans ma cuisine à faire quelques expériences un peu dingue à la manière de Ferran Adrià. (Rires) Un cuisinier Mexicain de l’équipe d’El Bulli est venu travailler chez moi durant six mois. Et lorsque j’ai vu Heston Blumenthal travailler avec de l’azote, j’ai voulu immédiatement essayer. Aujourd’hui, j’ai un contact privilégié avec René Redzepi. J’ai déjà été onze fois à Copenhague. J’ai été cueillir des herbes avec lui durant toute une journée et cela crée des liens. J’admire énormément sa cuisine “territoriale” mais je sais bien que celle-ci n’est pas exportable chez nous. Nous possédons une autre culture. “

Comment décrieriez-vous votre style de cuisine?
"Je pratique une cuisine classique, savoureuse, qui fait appel à pas mal de produits régionaux, sans pour autant m’emprisonner dans le local au sens strict du terme. Je suis les tendances – disons que je prends le pouls du marché – car celles-ci peuvent apporter quelque chose à, la gastronomie dans la mesure où chaque mouvement présente des éléments intéressants à retenir. Il est évident que l’on est aujourd’hui nettement plus avance en termes de techniques. Je trouve particulièrement intéressant de voir comment je peux intégrer celles-ci dans ma pratique quotidienne. Je n’ai pas besoin d’étoile. Je poursuis simplement mon travail et cuisine pour les gens que j’apprécie. On doit suivre sa voie.”

Comment percevez-vous votre rôle de chef ?
"J’étais un artisan mais je suis devenu un entrepreneur. J’occupe huit personnes à temps plein, sans compter les jardiniers et les femmes de ménage à temps partiel. La pression, surtout celles des inspections sociales, a sérieusement augmenté. Dans le temps, il était nettement plus simple de tenir tout à l’œil. Aujourd’hui, tout doit faire l’objet de paperasse. La semaine dernière, j’ai encore écopé d’une amende de l’inspection économique parce que mon numéro de TVA n’était pas mentionné sur mon site…
Je trouve aussi assez lamentable la manière dont l’inspection du travail exerce ses contrôles. Ils peuvent bien sûr venir chez moi, mais j’éprouve assez peu de plaisir à les voir débarquer à cinq un samedi soir alors que le restaurant est plein et qu’ils commencent à chercher des poux à tout le monde. C’est particulièrement démotivant. Une association comme les Maîtres Cuisiniers a le mérite de rassembler les chefs et, ensemble, nous sommes plus forts.”