Christophe Pauly

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chef

Christophe Pauly

Le Coq aux Champs
Rue du Montys 71
4557 Soheit-Tinlot
T: +32 85 51 20 14
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Interview

Cette année 2016, Christophe Pauly, le chef-propriétaire du restaurant « Le Coq aux Champs », a rejoint les rangs des Maîtres Cuisiniers de Belgique. Une place plus que justifiée pour celui qui, en quelques années, est brillamment parvenu à hisser sa jolie enseigne de la Province de Liège au niveau des plus séduisantes maisons de bouche contemporaines de Wallonie. Tout à la fois respectueux de son terroir local comme des produits en AOC les plus pointus venus de chez nous ou d’ailleurs, il donne à déguster une cuisine moderne des plus épurées.

Rencontre avec un chef wallon qui, tout en discrétion et talents conjugués, caracole aux sommets des plus grands guides (1 étoile, 17/20 au GaultMillau) et fait l’unanimité des palais les plus délicats. 

Sans aucune formation en école hôtelière, comment êtes-vous devenu le chef reconnu que vous êtes aujourd’hui ?

J’ai d’abord suivi une formation de comptabilité mais je me suis rapidement rendu compte que je ne voulais pas passez ma vie dans ce secteur. Il faut dire qu’enfant déjà, j’étais souvent au restaurant avec mes parents. Lorsque j’étais trop fatigué, je terminais la soirée sous la table où j’avais pris l’habitude de m’endormir !  C’est ainsi que j’ai d’abord préféré l’ambiance dans les restaurants mais j’ai toujours bien aimé manger. L’intérêt pour le geste de cuisiner est venu après.

Plus tard, j’ai fréquenté l’Ecole hôtelière de Spa. Cela n’a duré que deux jours, seulement ! Les produits que l’on devait y travailler étaient vraiment trop peu attrayants. J’ai donc arrêté tout de suite après en avoir parlé à mes parents qui m’ont compris et qui m’ont alors envoyé en apprentissage. J’ai suivi mon premier apprentissage au Pré Mondain, chez Daniel Van Lint à Somme-Leuze (aujourd’hui devenue le Fou est Belge).Après, je suis parti à Lavaux-Ste-Anne chez Eric Martin, également durant trois ans. Ensuite, j’ai travaillé en France chez Troisgros, durant un an et demi et à mon retour en Belgique, je suis allé travailler avec René Mathieu au « Capucin Gourmand » où il était à l’époque avant de partir au Luxembourg où il est actuellement.

Quels sont vos plus beaux souvenirs de cette période ?

J’ai passé d’excellents moments et une très bonne formation avec Daniel Van Lint au Pré Mondain. A l’époque et en Wallonie, il était une vraie star ! Il m’a beaucoup appris et je lui en serai toujours reconnaissant. Chez lui, c’était l’école de la rigueur, de la discipline. Il était un chef très calé et très exigeant en terme d’apprentissage.

Un autre souvenir a été déterminant pour votre travail ; pouvez-vous nous en parler ?

En tant que cuisinier, j’ai eu un gros déclic lorsque je suis allé manger, pour la première fois, chez Alain Passart. J’étais littéralement scotché ; je me disais « comment ce gars arrive-t-il à une telle perfection, à un tel aboutissement avec une cuisine si simple ?! Ce jour-là j’ai pris une grosse claque ! Mais c’est aussi à partir de ce moment-là que j’ai commencé à réfléchir à la cuisine. C’est ce genre d’expérience, de rencontre qui fait réfléchir et, aujourd’hui, je suis convaincu que cuisinier c’est aussi se poser des questions, ne pas être, trop vite, satisfait de ce que l’on fait. 

Après cette expérience, cette « claque » chez Passart, comme avez-vous continué votre travail ?

C’est simple, plus j’avance dans ce métier, plus j’essaye d’enlever et non d’ajouter ! Des cuisiniers comme Alain Passart ou Pascal Barbot m’interpellent : leur cuisine paraît simple et facile mais ce n’est pas le cas ! Je n’ai pas peur du trop peu dans l’assiette ; simple et pur ne veut pas dire désuet et nu. Et plus j’avance, plus je constate que souvent, l’on ne met des choses dans l’assiette que pour le côté démonstratif.

Ce qui m’intéresse, c’est mettre en avant un produit principal. Ceci sans oublier qu’il a toujours besoin d’autre chose mais qu’il ne doit pas être surchargé. Il faut toujours éviter d’arriver à saturation avec trop de choses dans l’assiette.

Le but de mon travail est de ne plus faire une cuisine d’assemblage mais d’atteindre une osmose entre les ingrédients ! Il s’agit d’assurer un vrai travail sur tout, sur l’ensemble de ce qui fait la cuisine : les textures, cuissons, températures et évidement, sur l’origine du produit.

Comme pour beaucoup, le terroir est-il important pour vous ?

J’aime l’idée de terroir contemporain. Mais je n’achèterai jamais les tomates ici, en Belgique. Il y a un terroir pour chaque chose, pour chaque produit et je pense que chacun, chaque cuisinier a son style et ça c’est très gai !

Je pense aussi qu’il faut rester ouvert – et surtout - respectueux de nos prédécesseurs tels Bocuse, Troisgros qui se sont battu pour le terroir international – il faut aller chercher le produit là où il est. Et rester dans sa région si le produit y est le meilleur, comme par exemple, pour la volaille si elle est très bonne près de chez soi !

Pourquoi êtes-vous entré dans l’Association des Maîtres Cuisiniers ?

C’est Eric Martin (Maison Lemonnier) qui connaît bien mon travail qui me l’a suggéré ! Il y a aussi une question de maturité et Eric avait les arguments pour me convaincre que, de temps en temps, il faut bouger et se rapprocher des gens de ce métier.

Pour ma part, je ne suis pas quelqu’un qui aime se « montrer » : je suis bien dans ma campagne, dans mon petit restaurant avec mes potes de la région (il n’y en a aucun qui est cuisinier). J’ai besoin d’une famille sociale différente ; je suis donc rarement dans des associations. 

Qu’est-ce qu’une telle adhésion vous apporte ?

Actuellement, je n’ai encore aucun contact mais il faut que j’en prenne. Ce sera intéressant de participer à l’une ou l’autre activité, ne fut-ce que pour rencontrer les collègues.

Les Maîtres Cuisiniers sont plus dynamiques que par le passé ; il y a un grand élan de modernité, de dynamisme et j’apprécie cela.

Avez-vous de nouveaux projets pour l’année prochaine ?

En janvier nous prévoyons des travaux d’agrandissement. Je  transforme la terrasse mais la cuisine, qui a été transformée il y a peu et qui est largement ouverte sur la salle, reste telle quelle. Nous avons aussi récemment agrandi le parking et le hall d’entrée. Ainsi, l’esprit « nature » reste et l’atmosphère est réchauffée.

Que pensez-vous pouvoir personnellement apporter à l’Association des Maîtres Cuisiniers, si ce n’est l’aura « étoilé » de votre nom ?

C’est tôt pour le dire mais je pense que chacun peut apporter quelque chose quand il est entier. Caractère et personnalité, recul et même d’autres passions.

Quand un restaurateur à une vraie identité, il est capable d’amener quelque chose à tout le monde et même si tous ne sont pas d’accord, il me semble important d’avoir des avis francs et toujours progressifs.

Actuellement et malgré la crise, l’objectif « étoile » est-il toujours un leitmotiv pour un restaurant gastronomique ?

Non, il ne faut surtout pas avoir cela pour objectif. Pour ma part, je ne me lève pas le matin pour une 2e étoile. J’adore mon métier ; je ne ferais pas autre chose et c’est une vraie passion.  Mais pour assouvir cette passion, il faut des sous. Il faut donc toujours voir son restaurant comme une entreprise. En fait, on se lève d’abord pour le bizness car, comme tout le monde, j’aime partir en vacances et faire plaisir à mon gamin. Maintenant il faut garder un équilibre entre la notion financière et celle de s’aboutir, d’assouvir sa passion.

Je ne veux pas, non plus, travailler pour le paraître, pour la démonstration. Je cuisine ce que j’ai envie de manger d’abord ; après ma cuisine plaît ou pas. Elle ne peut pas plaire à tout le monde mais c’est bien sûr, très heureux, si elle plaît aussi aux guides !

N’empêche que la plus belle étoile reste, à mon sens, le remplissage du restaurant. C’est ma façon de dire que je travaille aussi et surtout pour la clientèle ; si les honneurs et reconnaissances suivent ce sera tant mieux.

Quel est l’avenir de notre assiette ?

Cela passera par le respect du produit, par la simplicité. Le secteur «food » local ou bio, je trouve que l’on en revient à cause de l’aspect mode, tendance. L’avenir, c’est avoir un maximum de pureté, une identité culinaire personnelle qui permet de ne pas suivre ce genre de mode afin que le client ne s’y perde plus.

Quel est le produit que vous préférez cuisiner ?

Ma « signature » est la saisonnalité ! La confirmation de cela est le fait que les clients, par leurs réactions, en décident et le redemandent. Quant à mes produits « chouchou », je dirais que ce sont les langoustines, les huîtres. J’adore ce que l’on peut faire avec et la sensation qu’elles procurent et puis, vous savez, moi, je mange des huîtres et je suis au paradis !