Broes Tavernier

Restaurant
Restaurant
Chef: Broes Tavernier
‘t Vijfde Seizoen
Stationsstraat 9
9880
Aalter
T: +32 (0)9 351 74 60

Interview

Les producteurs locaux jouent un rôle de plus en plus important

Marc Paesbrugghe, Danny Horseele, Peter Goossens, Geert Van Hecke. Cette illustre brochette de chefs ont été les maîtres du Young Master Broes Tavernier. Fort de la science de ceux-ci, aussi bien dans la tête que dans les doigts, c’est bien armé qu’il s’est lancé en ouvrant, le restaurant ‘t Vijfde Seizoene avec son épouse Lien.

Lors de cette ouverture, je demandais à Broes quelle cuisine il voulait pratiquer : « Classique, sans fioritures, pas compliquée, présentée de manière moderne et sur base de produits reconnaissables. » m’expliquait-il à l’époque. “Pas de haricots du Kenya, pas de scampis, pas de surimi mais bien des bons produits régionaux de chez nous. Des produits de la terre comme les topinambours, les choux de Bruxelles, les salsifis, les asperges et les chicons. Mais aussi des races bovines moins connues, comme la Rouge des Flandres ouest-flamande ou encore des morceaux moins usités, comme la joue de veau ou la queue de bœuf.” Sept ans plus tard il continue avec opiniâtreté à mettre en avant sur sa palette les produits locaux de saison et ceux qui les lui livrent. Sa cuisine a évolué d’une synthèse de celle de ses maîtres vers un style très personnel, au sein duquel le produit pour lui-même interprète le rôle principal.

Si l’on passe votre carrière en revue, on voit tout de suite que vous avez été modelé par vos maîtres ?

Broes Tavernier: « Absolument. Cela a débuté déjà du temps des stages effectués à l’occasion de mes études à l’école Spermalie de Bruges, avec l’Hôtel Steigenberger de Lam, en Allemagne, D’Hulhaege, à Deinze et Creades à Beernem. Ensuite j’ai travaillé durant deux ans chez Marc Paesbrugghe, au Sir Anthony Van Dijck à Anvers, trois ans avec Danny Horseele, au ’t Molentje à Zeebrugge, ensuite deux ans chez Peter Goossens au Hof van Cleve. Ensuite, j’ai été le chef du Bistro Refter, la brasserie du Karmeliet à Bruges et enfn je suis devenu sous-chef de Geert Van Hecke. »

Qu’avez -vous appris de vos maîtres ?

Broes Tavernier: “Les beaux produits de Danny Horseele, la finesse de Peter Goossens, la cuisine classique de Marc Paesbrugghe et les saveurs généreuses et pleines de Geert Van Hecke. Cette semaine encore j’ai réalisé une sauce au vin blanc sur base d’un beurre manié à la manière de Paesbrugghe. Il était terriblement exigeant quant à la préparation de celle-ci: il ne pouvait pas y avoir le moindre grumeau. C’est lui qui m’a appris à faire des sauces.”.

Sur lequel de ces maîtres votre cuisine s’appuie-t-elle le plus ?

Broes Tavernier: “Sans aucun doute celle de Geert  Van Hecke. Peu de tripotages, le produit pour lui-même, avec simplicité et générosité. Si j’ai donné le nom de “Cinquième saison » à mon restaurant, c’est en référence au livre « Cuisiner au fil des cinq saisons avec Geert Van Hecke », dans lequel il insiste sur l’importance du rythme annuel pour la cuisine. C’est tout dire. »

Comment votre cuisine a-telle évolué entretemps ?  

Broes Tavernier: “D’une cuisine classique dans laquelle le poisson ou la viande joue le rôle principal vers une pratique culinaire où ceux-ci jouent un rôle secondaire au sein de laquelle on met les légumes à l’avant-plan. . Nous mettons les producteurs avec lesquels nous travaillons encore plus en avant. Nous cherchons nos fournisseurs de manière encore plus locale et surtout juste à côté de chez nous et nous travaillons pleinement leurs produits dans notre cuisine. Notre menu des champs nous a permis de présenter une offre pleinement axée sur les légumes. Ceci ne veut pas dire que voulons devenir complétement végétariens mais que nous sommes conscients que nous devons réduire notre consommation de viande. Nous n’avons pas besoin de plus de 200 g de viande par personne. Dans le temps, la portion était constituée de 70 % de viande et de protéines et de 30% de légumes. Nous pouvons parfaitement infléchir cette tendance vers 70 % de légumes et 30 % de viande ou de poisson. Nous remarquons que notre clientèle nous suit dans cette direction. Près de 20% de celle-ci opte pour le menu légumes. Entretemps, nous avons fait l’objet d’une critique élogieuse de la part d’un couple vegan qui était venu manger chez nous et cela s’est rapidement su.  Cuisiner de manière végane constitue un défi dans la mesure où il faut travailler avec des produits de substitution qui ne sont pas toujours très bons. Mais si on me le demande, je le fais. Ma préférence va toutefois à la cuisine végétarienne, parce que les légumes offrent plus de possibilités que la viande ou le poisson.”

Vous aviez pris ce “cap vert” dès le début de votre établissement ?  

Broes Tavernier: “J’ai toujours eu ma vision personnelle de la chose sans tomber dans la caricature des chaussettes en poil de chèvre. Au cours des sept ans déjà passés ici, nous avons assisté à toute une évolution. Autrefois, il n’y avait que les militants de la cause verte qui mangeaient végétarien, aujourd’hui, c’est un peu tout le monde qui se met à ce mode de consommation de temps en temps. Dans notre menu, nous insérons toujours un plat végétal, sans qu’il soit ainsi baptisé. Il s’agit d’un plat tout à fait comme les autres, si ce n’est qu’il ne met en œuvre ni viande ni poisson.  C’est un changement de mentalité et un glissement qui s’est déroulé sur le long terme. Nus somme encore ici dans l’environnement rustique d’Aalter mais je remarque que même les gens d’ici veulent de plus en plus savoir ce qu’ils mangent et quel en est la provenance.”

Pourquoi le caractère local joue-t-il un rôle si important dans votre cuisine ?

Broes Tavenier: “La base se trouve chez les producteurs. Ils nous livrent l’excellent fruit de leur travail et nous voulons exprimer cela au mieux. De la même manière qu’avec les Northseachefs nus travaillons le poisson de la Mer du Nord avec certains pêcheurs précis, nous travaillons de la même manière avec les fermiers. Si l’un d’entre eux me dit qu’il a trois rangs de carottes à récolter, nous travaillons sur base de celles-ci et pas avec ce que nous voulons. Car ses carottes sont super-fraîches. Si je les commande chez un grossiste, elles sont déjà en route depuis deux jours.  Cela demande bien sûr une autre approche. Il est évidemment facile de faire sa commande en ligne, de nuit et après le service, et de réceptionner celle-ci à sa porte le lendemain à 8h00 du matin. Travailler avec différents producteurs implqiue également qu’en tant que cuisinier on soit plus activement à la recherche de marchandises et la logistique de ceci est également différente. Aller chercher un kilo d’anguilles à Watervliet, les tomates cerises d’un fermier de Ruddervoorde, le lait et le fromage de chèvre à Kaprijke, les asperges d’un cultivateur à Edde: tout cela n’est pas excellent pour la signature environnementale. Il faut donc se creuser et chercher de quelle manière organiser cette logistique au mieux. Il y a déjà des gens qui ont essayé de regrouper les producteurs ensembles à un même point logistique, mais ceci a échoué la plupart du temps. C’est souvent un poil trop lointain. Mais c’est déjà bien que l’on oublie les criées. Beaucoup de paysans en ont marre de celles-ci. Ainsi, je travaille avec un cultivateur de légumes qui ne s’en sortait plus avec  le prix des poireaux qu’il proposait à la criée. Cultiver seulement pour moi n’est pas possible, il doit travailler sur une plus grande masse. Ce qui signifie que nous devons motiver plus de gens susceptibles de travailler avec ses produits. C’est pourquoi nous avons créé l’”Equipe du goût” du Meetjesland. Voici déjà deux fois que nous avons organisé pour les gens, en bus, la tournée des différents fermiers qui sont concernés par « l’Equipe du goût ». Chez chacun d’eux il y a un cuisinier qui travaille avec ses ingrédients. Ainsi, ce n’est pas seulement le grand public mais aussi les cuisiniers qui apprennent à faire connaissance avec des fournisseurs intéressants et nous pouvons les mettre en relation afin d’augmenter le volume des affaires.”

Quels sont, selon vous, les défis du secteur ?

Broes Tavernier: “Les gens changent plus rapidement de besoins et d’habitudes. Moi aussi. Nous ne pourrons pas maintenir cette cuisine jusqu’à l’âge de la pension. C’est un véritable défi, au coût actuel du personnel, de mettre au point des formules qui permettent de maîtriser ces mêmes coûts et de continuer à proposer aux gens quelque chose de plaisant dans une atmosphère détendue. Défi également que de trouver du personnel qualifié qui peut offrir une expérience de pointe. Les écoles hôtelière jouent un rôle important dans ce cas de figure. Et il ne s’agit ici pas seulement de compétences en cuisine mais aussi d la prise de conscience de ce que les gens attendent en matières alimentaires et comment le local joue un rôle de plus en plus important. Par ailleurs, les attentes financières des élèves doivent également être confrontées à la réalité. Un cuisinier débitant de 19 ans qui veut commencer en gagnant 2000 €, ce n’est plus possible. Nous voulons bien payer quelques extras sous formes de chèques repas et d’autres avantages légaux mais rien en noir. « 

Comment relevez vous vous même ses défis dans la pratique ?

Broes Tavernier: “Fin 2017, nous avons ouvert notre commerce d’aliments « Eetalage », juste au coin de notre restaurant. Ceci s’est fait à la demande de clients qui désiraient des plats à emporter. On peut y trouver tout qui est nécessaire pour faire un bon repas. Nous y travaillons avec la même philosophie que celle du restaurant : local, avec le respect pour le producteur, pour la saison et pour le produit.  Nous rêvons encore d’un bistro/café avec des bières artisanales, des vins et des plats délicieux dans une atmosphère détendue. Nous voulons aussi soutenir des collaborateurs qui ont des aspirations raisonnables et rentables. Notre magasin n’a pu voir le jour que parce que notre sous-chef Jeroen Poppe était la personne idéale pour ce faire.  Et ma femme rêve encore d’un magasin de jouets (rires).”

Vois travaillez avec des gens qui n’ont pas de formation Horeca?

Broes Tavernier: “Je donne volontiers leur chance à des gens et cela m’a déjà amené un certain nombre de déconvenues. Mais il arrive que des gens venus d’autres milieux que celui de l’Horeca soit plus motivés que certains qui en viennent. Pour le service, je préfère quelqu’un qui n’a pas d’expérience mais qui est cordial et spontané que quelqu’un de formé mais qui marche sur la tête des clients. “

Comment les Young Masters et les Mastercooks peuvent-ils jouer un rôle dans tout ceci ?  

Broes Tavernier: “En portant une vision et en transmettant un message, sans vouloir jouer au professeur. Nous essayons aussi de faire passer notre vécu. Mais si, le midi, deux hommes d’affaires sont assis pour parler, ils n’ont rien à faire de ce vécu. Mais en tant que Young Masters et Mastercooks, nous pouvons faire passer notre vision et nos idées de l’un à l’autre et nous inspirer mutuellement. Et dans ce cadre, inclure nos producteurs dans un réseau. En termes de sources d’approvisionnement, nous avons ici beaucoup de chance car nous nous trouvons sur la route qui se situe entre Bruxelles et la Côte. Mais des restaurants qui se trouvent dans des endroits plus excentrés ont plus de difficultés à trouver de bons fournisseurs. Ces derniers ne se déplacent pas jusqu’à chez eux pour des commandes trop modestes. Si, par exemple, ils se rendent jusqu’à chez Maxime Collard pour une livraison de moins de 100 euros, cela ne rapporte rien. Créer un réseau de fournisseurs privilégiés pour les Mastercooks peut être intéressant mais, d’un point de vue logistique, cela reste compliqué. Dans ce cas de figure, le fournisseur local reste le plus intéressant. ”

Quels sont les gens qui fint l’objet de votre attention et que nous pouvons amener dans votre restaurant pour un délicieux repas ?  

Broes Tavernier: “Surtout des gens porteur d’une vision et d’idées, comme le photographe Heikki Verdurme. Il est passionné par l’alimentation et est particulièrement motivé. Il est aussi le parrain de notre enfant. Je suis aussi jaloux des gens qui savent jouer de la musique car j’en suis incapable. Je pense à quelqu’un comme Frank Van der Linden  Il  y a aussi Wim Opbrouck dont je trouve qu’il sait beaucoup et est bon dans tout ce qu’il fait. Et puis Esther Lybeert et Maarten Flamand de l’orchestre belge The Antler King. Elle a été la première chanteuse d’Hooverphonic. Il s’agit là de toutes des personnes tolérantes et chaleureuses, avec un intérêt pour la gastronomie et que je recevrais volontiers à table. ”