Alexandre Lambert

Ambassador
Ambassador
Chef: Alexandre Lambert
La Bagatelle
Calle Halcon Maltes, 2
29678
Benahavís, Málaga
T: +34 684 41 42 18

Interview

Installé en Espagne depuis de nombreuses années, Alexandre Lambert est Maître Cuisinier depuis 2015. A Marbella, dans son nouveau  restaurant La Bagatelle, il jongle entre préparations emblématiques belges et les meilleurs produits locaux qu’il adapte à sa façon dans sa cuisine personnalisée. Son enseigne grâce à sa cuisine mais aussi grâce à de joyeuses soirées animées par des musiciens en live, est rapidement devenue un passage obligé pour tout belge de passage à Marbella ; les collègues Maîtres Cuisiniers en tête !

Quel est votre parcours familial et comment êtes-vous devenu cuisinier ?

Dans les années 70, mes parents tenaient un hôtel-restaurant en Ardennes. Mon père venait du Limbourg (Belgique), ma mère de Reims (France) et moi, je suis né à Anderlecht (Bruxelles) ! Je suis donc le pur produit d’une famille franco-belge !

Cependant, j’ai passé une grande partie de ma vie à Bruxelles, à Knokke et, alors qu’en hiver l’hôtel-restaurant de mes parents était fermé, nous passions cette saison en Espagne. A Malaga, j’ai été au Lycée français mais les études ne me plaisaient pas vraiment. J’avais un caractère trop explosif ! Dès mes 13 ans, mes parents m’ont demandé ce que je voulais faire. Ils m’ont donné 4 options possibles. Mais entre cuisinier, plombier, mécanicien ou électricien, il n’y avait qu’une option qui me tentait : celle de cuisinier. C’est ainsi que je suis rentré en Belgique pour aller à l’Ecole Hôtelière de Libramont. J’ai ainsi marché dans les traces de ma mère !

Quel a été ensuite votre parcours professionnel en Belgique et en Espagne ?

Durant mes stages et après l’Ecole Hôtelière de Libramont, j’ai fait plusieurs maisons dont, notamment, Comme chez Soi à Bruxelles, le Moulin Hideux (en salle), Mucha (avec Yves Ducobu), à l’Orangerie (Roland Debuyst), au Caracin du lac (Genval) ou encore, à Bruxelles, aux restaurants Stromboli, Les uns et les Autres et à la Brasserie de la Gare (Berchem-Ste-Agathe), à La Clé de Champs et d’autres restaurants-brasseries haut de gamme. J’ai aussi travaillé à Knokke (La Bohème avec Fabrice Vuillemin) puis je suis parti en Espagne où j’ai travaillé dans plusieurs restaurants avant d’ouvrir mon premier restaurant à Marbella. Mon restaurant Alexandre s’ouvrira en 2014 et je le fermerai pour ouvrir La Bagatelle le 1er mai 2019.

Pourquoi êtes-vous entré chez les Maîtres Cuisiniers et qui sont vos deux parrains ?

J’ai la chance d’avoir deux très bons amis parmi les Maîtres Cuisiniers ; Eddy Münster (Wine in the City à Bruxelles) et Fabrice Vuilemin (Bel Etage à Knokke). C’est grâce à eux, qui sont mes parrains, que j’y suis entré dans l’association. Un soir que je dînais chez Eddy au Wine, il y avait une réunion de responsables de l’association. Ils m’ont demandé de parler de mon restaurant, de mon parcours et j’ai eu un très bon contact avec eux. Ils m’ont ensuite envoyé une lettre m’annonçant que je pouvais rentrer dans l’association en tant qu’ambassadeur à l’étranger.

Qu’est-ce qu’une telle adhésion vous apporte ?

C’est une grande fierté d’être Maître Cuisinier. On représente son pays à l’étranger mais aussi notre cuisine, nos produits, notre culture.

Beaucoup de Maîtres Cuisiniers belges viennent chez nous lors de leurs vacances et, rien que ces deux dernières années, j’ai aussi eu la visite de plusieurs clients qui sont venus par le biais du Guide des Maîtres Cuisiniers distribué dans les restaurants des membres. Enfin, faire partie de l’association apporte la possibilité de faire de nouvelles connaissances, de lier ou consolider des amitiés. Cela créé des liens, ne fût-ce que par facebook, vu la distance qui nous sépare. Nous nous tenons informé de nos activités respectives, ce qui est très toujours sympa et amical.

Défendez-vous des valeurs communes avec l’Association ? Si oui lesquelles ?

Avoir le respect du produit, veiller à la qualité, aux saisons, à ce que l’on fait doit toujours être au top pour les clients ; ce sont pour moi comme pour tous les membres de l’association des valeurs évidentes que nous respectons.

De quoi est faite votre cuisine à Marbella ?

En Espagne, ce qui me semble dommage c’est que tous les cuisiniers travaillent dans le même style et avec les mêmes produits. Ma façon de cuisiner, avec des produits différents, venant le plus possible de Belgique, est donc plus difficile. Comme je propose une cuisine belge, il est difficile d’obtenir tous les produits composant nos plats traditionnels. Je dois donc souvent m’adapter ; s’il est trop difficile d’avoir du cabillaud, je le remplace par un poisson local tout aussi bon. Il faut toujours trouver une filière comme par exemple pour les moules ; ici, je sers des moules Bouchot venant de France.  Je prépare aussi un tartare de bœuf, des noix de Saint-Jacques et du chicon, des tomates crevettes grises à ma façon, revisitées en quelque sorte. Les belges venant en vacances à Marbella, viennent toujours chez moi car ici c’est toujours la même chose qui leur est proposée : paella, tapas, poisson. A un moment ou un autre au cours de leurs vacances, ils finissent toujours par avoir envie d’un bon morceau de viande ; ils ont envie de quelque chose venant de leur pays !

Qu’apportez-vous à l’Association des Mastercooks ?

J’essaye de tenir au mieux mon rôle d’ambassadeur de la cuisine belge ici. Deux fois par an, il y a à Marbella une rencontre de tous les chefs et restaurateurs. Nous nous y retrouvons tous et, pour ma part, je porte toujours ma veste de Maître Cuisinier belge. Le reste du temps, à La Bagatelle, je fais découvrir au maximum notre cuisine de Belgique adaptée à ma façon.

Vous avez fermé votre restaurant Alexandre et ouvert le 1er mai 2019, dans un autre quartier, La Bagatelle, pour quelles raisons ?

Je voulais garder les deux mais comme je n’avais pas le staff suffisant pour faire les deux, j’ai dû fermer Alexandre. Là, le concept était de présenter la cuisine dans le salon. J’étais à la fois en salle et en cuisine en contact direct et permanent avec les clients. Il n’était donc pas possible d’avoir un autre chef et comme je ne trouvais pas assez de personnel, j’ai bien dû faire un choix.

Qu’est-ce qui a changé avec ce déménagement ?

Actuellement, nous avons 7 employés, 1 sous-chef, 1 au froid, 1 plongeur, moi au passe, 3 personnes en salle. Ceci pour 30 à 40 couverts en intérieur et 40 places en terrasse.

Avant je proposais un menu mais maintenant, le choix se fait à la carte. Le retour du menu de 3 ou 4 services est prévu pour l’hiver. Il y aura un jour fixe en semaine où ce sera la cuisine de chez Alexandre ce qui débutera en octobre prochain sous le nom de « La bagatelle by Alexandre ».

Quels sont les « plus » que vous avez apportés à La Bagatelle ? J’ai cru comprendre qu’il y avait aussi des expos, une programmation musicale avec des musiciens et DJ’s en live certains soirs ?

Oui et c’est là un attrait supplémentaire. Nous accueillons des musiciens, des dj’s, une chanteuse de jazz-soul, et la programmation est toujours annoncée sur facebook. Ainsi, les belges (et tous les autres) en vacances dans la région ont une raison de plus de venir nous voir et passer un bon moment avec nous ! Lors de ces soirées, les gens mangent relax et à 23 h on met de la musique.

J’aimerais créer un lieu où les gens peuvent manger de qualité et rester après le repas afin de pouvoir assister à un concert de qualité également. On a l’endroit pour le faire alors autant ne pas s’en priver ! Parallèlement nous exposons aussi des tableaux et pour le moment ce sont des œuvres de pop art de l’artiste belge bien connu, Fabrice Ginero. Ces œuvres sont également en vente.

Que pensez-vous de l’avenir de la gastronomie, de la cuisine ?

Cela est compliqué ; on est trop nombreux sur la terre, il y a trop de demande et je pense qu’il y aura toujours d’excellents produits mais qu’il faudra les payer de plus en plus cher.

Quand on propose des produits de luxe, les gens disent que c’est top mais d’autres disent que c’est cher. Ce qui est de plus en plus compliqué pour notre métier par rapport à tous ce qui se fait en parallèle et à bon marché mais sans qualité. Avoir de la qualité à un prix raisonnable ce n’est pas possible. Et si c’est possible pour le client, comment nous, nous gagnons notre vie ? D’ailleurs, il y a beaucoup de restaurants en reconversion actuellement. Des étoilés qui transforment leur restaurant et servent des burgers ou des choses plus simples mais toujours de qualité. C’est le cas pour un chef étoilé bien connu ici en Espagne ; c’est une façon de ne pas perdre d’étoile, de vivre de façon plus équilibrée, de proposer plus de simplicité et dès lors de garder ses clients. Ceci dit, je comprends cela car moi-même je n’ai plus envie de passer 16 h dans ma cuisine ; il faut être malade pour passer tant de temps en cuisine ! Et si l’on travaille seul, comme je l’ai fait longtemps, on apprend à trouver des raccourcis, des moyens différents pour arriver au bout de ce que l’on a à faire en gagnant du temps.

Comment concevez-vous votre travail aujourd’hui?

Je connais toutes mes bases ; je les ai apprises dans les divers restaurants où j’ai travaillé mais je me suis adapté à un rythme plus actuel, plus sain. Il est important de gagner du temps mais pas de changer le goût et la qualité des choses.

Je ne travaille pas pour les étoiles, pour les reconnaissances, mais si les gens me disent qu’ils ont mangé comme dans un étoilé, je suis très content ! Il ne faut jamais oublier d’où on vient et ce que l’on a fait avant ! On a tous travaillé dans un petit resto de quartier, on a tous débuté quelque part et je trouve qu’il ne faut pas se prendre le chou, jamais !

Quelles sont vos sources d’inspiration ?

Les grands cuisiniers historiques, d’autres grands chefs, partout dans le monde. En Belgique, j’ai beaucoup d’estime aussi pour Pierre Fonteyne. C’est un grand Monsieur de notre cuisine belge. Un jour que l’on buvait un verre à Knokke, lors de l’ouverture du Bel Etage de Fabrice Vuillemin, il m’a dit : à côté de tous ces trucs qui arrivent, il n‘y a rien de tel que la vieille cuisine ! Mais il faut tout de même être au goût du jour et connaître les ustensiles de son temps surtout s’ils apportent les mêmes résultats avec plus de facilité de travail. Il faut vivre avec son temps et toujours être attentif aux nouveautés.

Quel est le produit que vous préférez cuisiner ?

J’adore travailler tous les produits – pour peu que ce soit de beaux produits tels que : homard, loup, poussin, poisson, cabillaud, gibier ; j’aime tellement les bonnes choses ! Un peu au hasard, je dirais que c’est le turbot grillé que je préfère préparer.

Quel est le plat « mémoire » de votre enfance ?

Spaghetti bolognaise ! Le chicon au gratin de ma mère ! En Ardenne, dans le restaurant de mes parents,  à 5/6 ans, je mangeais des escargots, du sanglier, du chevreuil, du marcassin, de la truite aux amandes, ... ! Mes parents avaient d’ailleurs un vivier à truite dans la cave ce qui assurait la fraîcheur de ce poisson local à tous moments.

Et votre plat « signature » ?

L’oeuf poché façon Alexandre ! Eddy (ndlr : Münster – Wine in the City) va être mort de rire quand il verra ça ! Car c’est un plat qui m’a été inspiré par lui ! Cet œuf est accompagné d’asperge blanche ou verte (en Espagne il y en a toute l’année), de girolles, jus de truffe, caviar de truffe. C’est mon plat signature ... largement inspiré d’Eddy !! C’est lui qui me l’a montré !

Il y a aussi le Cabillaud à la moutarde. Un plat que j’ai toujours fait ; je le faisais déjà à Knokke avec Fabrice Vuillemin lorsque nous travaillions ensemble. Il y a aussi le poussin à l’estragon grillé au four. Des gens viennent expressément chez moi pour cela car il est bien rôti et la sauce est top.

Personnellement que détestez-vous manger ?

Les tripes si elles ne sont pas bien préparées. Je ne suis pas fan des andouillettes, des rognons. Mais s’ils sont bien cuisinés avec une bonne sauce à l’estragon, je peux aussi aimer cela.

A contrario : vous feriez des kilomètres pour ... ?

Les ris de veau ; je ferais des kilomètres pour en manger s’ils sont meilleurs que ceux que je prépare moi-même. Je peux aussi me déplacer plus loin pour une bonne paëlla. Avec ma femme, nous allons parfois jusqu’à Malaga, qui est à 50 kilomètres, pour un ou deux plats vraiment super.

En privé, vous êtes plutôt invitant chez vous, invité chez des amis ou vous allez dans un autre restaurant ?

J’aime aller au resto avec des amis. A la maison, on aime inviter mais je ne cuisine pas, c’est madame qui cuisine chez nous ! Je déteste cuisiner à la maison, c’est peut-être bizarre pour un chef mais c’est ainsi à l’exception des chicons au gratin que je prépare moi-même pour nos invités !

Quel est votre style de cuisine préféré : gastronomique française, méditerranéenne, de bistrot, brasserie, étrangère (d’Asie, Amérique latine, Bassin Méditerranéen) ?

J’adore la bistronomie mais celle qui est proche de la bonne gastronomie et surtout simple dans les goûts ! C’est d’ailleurs bien plus difficile de cuisiner simple et de faire en sorte que cela explose en bouche sans avoir 36.000 goûts différents.