
Le Prieuré Saint-Géry
Interview
Qui sont vos parrains ?
Philippe Vanheule
Frank Fol
Avez-vous toujours su que vous deviendrez cuisinier ?
Durant les années 60, chaque samedi était consacré à mes grands-parents. Le midi, nous ne manquions pas l'une des premières émissions culinaires à la télévision, animée par Raymond Oliver, le chef légendaire du Grand Véfour – une véritable célébrité à l'époque. Son aura et sa maîtrise technique me fascinaient. C'est ainsi qu'est née très tôt ma vocation : devenir cuisinier, peut-être même passer à la télé comme lui ! Ironie du sort, aujourd'hui, je fuis les projecteurs et les interviews.
Parallèlement, nos voyages familiaux en France étaient ponctués d'étapes gastronomiques dans des relais charmants. Mon père, fin gourmet, m'a transmis son œil critique pour les vraies grandes tables. C’était une éducation du palais aussi précieuse que inconsciente.
Où avez-vous appris votre métier ?
J'ai acquis l'essentiel de mon savoir-faire chez Mastercook Eddie Van Maele, à l'époque où il officiait encore à Wemmel dans son emblématique restaurant « La Chaussée Romaine ». Bien que je n'aie pas fréquenté d'école hôtelière, cette expérience auprès de ce chef talentueux – connu pour sa maîtrise des produits locaux et son approche généreuse de la cuisine – a été ma véritable formation. Travailler dans ce lieu chargé d'histoire culinaire m'a inculqué des valeurs fondamentales : le respect des saisons, l'importance des relations humaines en cuisine, et cette exigence du travail bien fait qui caractérise Mastercook Eddie Van Maele.
Comment décrivez-vous votre cuisine ?
Je puise mon inspiration dans les bases classiques, parce que regarder vers l'avenir est essentiel, mais tourner le dos au passé serait une erreur. Une base technique reste une base même si on peut la moderniser, la rendre plus séduisante. Les nouvelles méthodes ne valent que si elles honorent le produit.
Prenez un filet ou une selle de chevreuil : les cuire sous-vide par effet de mode ? Inutile. En revanche, observez le chef Alexandre Mazzia à Marseille : il réinvente le beurre blanc en y intégrant café torréfié, safran, ou même des fruits de la passion. Son audace m'inspire : pourquoi pas un beurre blanc au vin rouge ? La tradition est un tremplin, pas une cage.
Qui sont vos modèles ? Qui admirez-vous dans la profession ?
J'ai eu le privilège de partager de longues conversations avec Mastercook Jean-Pierre Bruneau - un véritable monument de la gastronomie belge. Mais je ne m'enferme dans aucun dogme culinaire. Mes références ? Elles sont aussi éclectiques que Michel Guérard et son esprit pionnier, qu'Alain Chapel et son perfectionnisme viscéral, ou encore l'audace contemporaine d'un Alexandre Mazzia ou d'un Kobe Desramaults. Chacun apporte sa pierre à l'édifice.
Prenez Pierre Gagnaire : c'est un Rimbaud des fourneaux ! Toute une génération de chefs - plus cérébraux, plus poètes - s'inscrit dans cette lignée. La preuve ? Chapel faisait spécialement dessiner une typographie unique pour ses menus. Cette obsession du détail, cette quête d'harmonie, c'est bien plus que de la technique : c'est de la poésie pure.
Que signifie pour vous rejoindre l'Association ?
Le partage des savoir-faire, la transmission des connaissances et la libre circulation de l'information créent une véritable alchimie dans notre métier. N'est-ce pas là l'essence même de notre art culinaire ? Car au fond, ne sommes-nous pas tous plus épanouis lorsque nous avançons en équipe, unis par cette solidarité qui fait notre force, plutôt que de nous isoler dans notre tour d'ivoire ? La cuisine est un langage universel qui se nourrit du collectif. Chaque recette améliorée, chaque technique affinée est le fruit de cette belle intelligence commune.