Brasserie Latem
Interview
La Brasserie, c’est ma vie ! Salle ou cuisine ? Peter Vandenbossche n’a jamais vraiment tranché. Il a pratiqué et pratique encore les deux facettes du métier avec plaisir. Ce qu’il savait néanmoins dés le départ, c’est qu’il voulait ouvrir une brasserie et non un restaurant. Et que le vin jouerait un rôle important dans sa vie. C’est en 1992 qu’il a lancé sa Brasserie Latem, à Laethem-Saint-Martin, avec le succès que l’on sait.
TB. Comment êtes-vous devenu cuisinier ?
Peter Van den Bossche: “A la maison, j’ai toujours connu une cuisine savoureuse. Je pense que mon amour du métier vient de là. Mon père travaillait dans une cuisine et depuis mes sept ans, je le sentais : je deviendrais cuisinier. Lorsque j’ai eu douze ans, mes parents ne m’ont pas dirigé vers le secondaire classique mais bien vers une école hôtelière. Je leur en suis toujours reconnaissant.”
TB De quelle école s’agissait-il?
PVDB: “Ter Groene Poorte à Bruges. Je suis né en septembre et j’étais toujours le plus jeune de la classe. Curieusement, à l’époque, il y avait toujours un long stage de quatre mois entre la deuxième et la troisième année, quelque chose d’un peu bizarre. L’objectif de ce stage n’était pas seulement d’apporter une expérience pratique mais aussi d’apprendre le français. Comme j’étais trop jeune pour aller en France, je me suis retrouvé à Bruxelles, à l’Oasis, à l’époque où c’est Philippe Van Heule qui en était le chef..”
TB Ce stage se déroulait en salle ou en cuisine ?
PVDB: “Durant mes études, je travaillais déjà en salle pendant les week-ends. J’ai également accompli mon stage à l’Oasis en salle, ce qui ne m’empêchait pas de m’intéresser à ce qui se passait en cuisine. C’est comme cela que j’ai beaucoup appris !”
TB Vous avez entamé votre carrière professionnelle dès la fin de vs étude….
PVDB: “Il avait été convenu que, dès mes études finies, je commencerais à l’Oasis. Néanmoins, il se fait qu’à l’époque Philippe a déménagé à Ninove, où il était devenu le chef de l’Hof Ter Eycken et c’ est ainsi qu’en fin de compte, c’est là que j’ai commencé, ceci jusqu’à mon service militaire. ”
TB Vous avez donc servi votre patrie!
PVDB: “J’ai atterri au mess des officier de l’Ecole Royale Militaire. A nouveau en salle. Après cela, je suis retourné à l’Hof Ter Eycken. Le propriétaire y avait lancé une brasserie, au sein de laquelle j’ai recommencé, toujours en salle. J’étais fan du concept “brasserie”. Régulièrement, j’allais à Paris pour découvrir ce style d’établissements.
TB C’est à ce moment que commence l’histoire de la Brasserie Latem?
PVDB: “En effet, à tout le moins dans ma tête. Mais pour se lancer dans sa propre affaire, il faut des moyens financiers. Pendant trois ans et demi, j’ai été gérant dans une taverne sur la chaussée de Courtrai qui avait en annexe un restaurant et une salle de snooker. Travailler très dur et épargner sous par sous. Au-delà de ma gérance, j’assumais également la salle et l’essentiel du travail de cuisine.
TB Le vrai départ est donné en 1992.
PVDB: “Un bon client est venu vers moi en me demandant pourquoi je n’ouvrirais pas une brasserie à Latem-Saint-Martin. Il savait en effet que j’étais fou du principe des brasseries. L’idée était excellente mais je ne disposais pas encore de moyens suffisants.
L’opportunité se présentait néanmoins. La brasserie Latem, qui n’était pas encore un restaurant, était à remettre et me semblait parfaitement située. A l’époque, il n’y avait encore aucune autre brasserie à Latem. Avec une autre connaissance, le client évoqué plus haut m’a aidé financièrement et j’ai pu reprendre l’affaire. ”
TB La localisation est en effet parfaite…
PVDB: “Il y avait une vaste cuisine, une cave, une salle bien disposée, énormément d’espace et, ce qui n’est pas négligeable, un grand parking. Mon objectif était tout tracé: monter une brasserie de qualité au sein de laquelle l’accent serait mis sur le vin.
Au cours des premières années, c’est mon épouse qui assurait le service tandis que la cuisine et la cave étaient mes chasses gardées. Mais les choses ont changé après notre divorce. Je devais tout assurer tout seul et je suis devenu l’hôte. Pour la cuisine, j’ai engagé un chef mais j’ai continué à déterminer la carte. Aujourd’hui, je travaille avec une équipe de trois chefs avec lesquels nous fixons cette même carte ensemble.”
TB Hôte, sommelier et marchand de vin. Vous n’avez pas seulement une belle carte de vins mais vous en vendez également.
PVDB: “On peut sans trop se tromper me décrire comme un “fana du vin” Ce domaine constitue mon principal hobby. Il s’agit d’une véritable passion. La présentation d’un beau livre de cave confine pour moi à l’obsession. En tant que grossiste, je suis toujours à la recherche des “meilleurs coups”. Pour moi, une belle carte des vins, c’est celle qui offre à la fois la diversité et le sommet de la qualité. Non, je n’ai pas 300 bordeaux, parce que cette région est devenue tellement commerciale et si chère. Mais j’ai de magnifiques bourgognes. Au total, je propose un bon millier de références, dont pas mal originaires du Nouveau Monde et d’Afrique du Sud. Je n’ai pas de pays de prédilection, mais bien certains viticulteurs. “
TB Une belle offre de vin dans un établissement de qualité est assurément un atout mais pourquoi êtes vous devenu également marchand?
PVDB: “Le vin est aussi un magnifique agent de relation. On vient manger, un bois un bon cru et, rapidement, on demande si on peut en acheter une bouteille. Le client peut alors jouir du vin en question à la maison et, en le dégustant, pense à votre établissement... Et c’est ainsi que se crée un contact durable et un lien de confiance avec les habitués.
TB Comment décririez-vous la cuisine de la Brasserie Latem?
PVDB: “C’est de la brasserie française classique avec une attention vraiment toute particulière accordée à la qualité des produits. Beaucoup de chefs prétendent la même chose mais, sur le terrain, je constate que c’est de moins en moins souvent le cas.
Un beau produit, des portions royales, servis dans un style de brasserie. Chez moi, une sole c’est une grande sole et pas trois petites. Le rythme des saisons est bien entendu respecté mais néanmoins, toute l’année, une série de plats de brasserie incontournables restent sur la carte. Je suis toujours à la recherche du meilleur jambon, de la meilleure viande, du meilleur poisson et, c’est vrai, ce n’est pas bon marché. Parfois, j’entends dire que je suis un peu cher mais c’est le prix à payer pour pouvoir servir la meilleure qualité dans l’assiette. On dit que je suis fou d’utiliser de la volaille de Bresse pour confectionner mon vol-au-vent mais en attendant, celui-ci est un de mes best-sellers. Par ailleurs, je suis aussi un grand amateur de truffe.
Ce qui ne veut pas dire que je suis fermé à ce que nous propose le reste du monde. Trois de nos entrées sont froides et crues : le sashimi, le carpaccio de Saint-Jacques, le poisson cru frais… Tout ceci pour rappeler que le terme brasserie englobe une offre assez vaste. Nous ne nous cantonnons certainement pas à la seule cuisine traditionnelle. Mais qu’ils soient mise en œuvre dans des préparations classiques ou contemporaines, les produits doivent être d’une qualité irréprochable. Je ne transige jamais avec cette exigence.”
TB Autrefois vous avez beaucoup voyagé… Est-ce encore le cas?
Non, nettement moins. A l’époque, l’établissement fermait trois fois par an pour deux semaines. Aujourd’hui, ceci n’est financièrement plus possible. Nous ouvrons actuellement cinquante semaines par an.
TB Pourquoi n’est ce plus possible ?
PVDB: “Parce que je veux maintenir la qualité de mon offre et que je désir continuer à travailler avec des professionnels. Le prix de la main d’œuvre en Belgique a terriblement augmenté au cours de ces cinq dernières années. Je travaille aujourd’hui avec des indépendants mais le prix reste élevé. Pour l’instant, je peux conserver le même niveau de prestations souhaité mais ce n’est pas facile.”
TB Ce quui nous amène inéluctablement à évoquer le problème de la “black box”… Quel va être l’impact de celle-ci sur votre établissement?
PVDB: “Je fais pour l’instant de mon mieux pour ne pas augmenter mes prix mais je crains néanmoins que je ne doive passer par une hausse de quelques pourcents. Nous cherchons fiévreusement d’autres solutions : adapter les horaires, ouvrir moins… Pour l’heure, mon entreprise tourne plutôt bien mais si les prix augmentent trop, le public risque de nous tourner le dos. En ce qui me concerne, il n’y a en Belgique qu’un seul gros problème : le coût beaucoup trop élevé de la main d’œuvre. Si l’on pouvait apporter une solution à cette situation, nous habiterions dans un pays magnifique, nous nous situerions au sommet des pays. Je le pense sincèrement”
TB: Beaucoup de concepts voient aujourd’hui le jour. Comment imaginez-vous l’avenir de la Brasserie Latem?
PVDB: “Les annes 2013 et 2014 ont été plus calmes et ceci m’a fait réfléchir. C’est fantastique d’avoir de nombreux clients fidèles mais ceux-ci vieillissent inéluctablement et il faut s’employer à ce que leurs enfants viennent à leur tour. Ceci implique donc un rajeunissement du concept et de s’inscrire dans son époque.
Cela va se concrétiser dans la communication, grâce à un tout nouveau site web, beaucoup plus contemporain mais également dans la brasserie elle-même. Les classiques ne sortiront évidemment pas de la carte mais nous proposerons également une sorte de menu avec des préparations proposées en portions plus petites. On choisira soi-même la composition et l’ordre de service. J’ai en effet un problème avec les menus tels qu’ils sont en général construits comme le chef l’a décidé. Chez moi, il n’y a aucun problème pour commencer par quelques copeaux de jambon ibérique, de poursuivre par un sashimi et de déguster ensuite un vol-au-vent. Chacun choisi ce qu’il préfère.
La mise en place d’une nouvelle formule me donne un nouveau dynamisme. Mon histoire avance palier par palier. D’abord monter l’établissement avec ma femme, ensuite me retrouver seul à bord, puis me retrouver avec une équipe de chefs. Et aujourd’hui, je me ressens plus comme un capitaine qui doit assurer la bonne marche du navire, être un manager. C’est un nouveau défi.”
TB Qu’est-ce qui vous motive pour poursuivre votre parcours?
PVDB: “J’éprouve vraiment énormément de plaisir à faire ce que je fais. Je me suis construit une clientèle unique en son genre, avec laquelle j’ai tant de contacts à la fois humain et économiques. Le plaisir de faire à manger, de cuisiner pour les autres, d’être passionné par les produits, par le vin… Tout cela est dans mes gènes. Etre aux petits soins pour les clients est un plaisir. Etre toujours au taquet pour présenter la plus belle carte des vins, déguster des découvertes, profiter de tous ces produits et plats merveilleux…
La Brasserie, c’est ma vie. “
(Interview Tine Bral – Traduction Philippe Bidaine)
Brasserie Latem, Kortrijksesteenweg 9 à 9830 St. Martens-Latem http://www.brasserielatem.be