Eric Patigny

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Eric Patigny

Chef à domicile
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Interview

Quel est votre parcours de chef cuisinier ?

Je suis tombé dans la casserole petit avec une maman qui tenait une taverne et ma marraine qui elle, gérait un hôtel-restaurant dans la région de Couvin d’où je suis originaire.

Ensuite, je suis allé à l’Ecole Hôtelière de Namur car elle avait bonne réputation  et était proche de Couvin. C’était dans les années 84-86 et je dois avouer que je ne m’y plaisais pas ; je n’aimais pas l’internat, je me sentais enfermé dans ma chambre, ce cadre n’était pas fait pour moi.

Après les choses ont changé pour moi et je suis parti en apprentissage durant deux ans chez Jean-Pierre Bruneau, ce qui me plaisait beaucoup plus et m’a beaucoup appris.

En 88, Jean-Pierre Bruneau m’envoie au Snippe à Bruges. J’y travaille en tant que commis durant trois mois, puis je passe chef au froid et six mois plus tard, je deviens chef de cuisine. Tout cela en moins d’un an et à 20 ans à peine. C’est aussi à ce moment-là que nous allons décrocher l’étoile au Michelin. J’y resterai encore pendant un an et demi puis, malheureusement j’ai dû partir faire mon service militaire. Sans quoi, j’y serais peut-être resté encore une paire d’années - tant pour le charme de la ville de Bruges que pour la cuisine que l’on faisait qui me plaisait beaucoup.



Une étoile à 20 ans, c’était entrer dans la profession par la grande porte. Qu’avez-vous fait après votre service militaire encore obligatoire à l’époque ?

Entre temps ma mère a repris l’hôtel-restaurant de ma marraine, le Château de Foncourt. Je rentre donc y travailler avant que Jean-Pierre Bruneau ne me fasse une nouvelle proposition, celle d’aller travailler chez Guillou au Luxembourg où je serai sous-chef au poisson.

C’est ensuite le décès de mon frère qui frappa notre famille et me fit avorter le projet de parcours gastronomique que j’avais envisagé à travers la Belgique et la France. Je reviens alors à la maison où, avec mon épouse, nous finirons par gérer à deux le château, ses cuisines,  ses 40 hectares de jardin et la dizaine de chambres. Nous avions beaucoup de monde, surtout en période de chasse mais il fallait faire des investissements (au moins une quarantaine de chambres pour répondre à cette demande en milieu rural) ; on travaillait tous deux 18 h par jour, nous nous levions à 5 h1/2 du matin et l’on ne voyait pas nos deux enfants grandir.  Un troisième enfant est arrivé et pour privilégier la vie de famille ainsi qu’un confort de vie professionnelle nécessaire, j’ai décidé de vendre le château.

C’est l’époque où je rentre dans l’association Euro Toque et en  deviens vice-président. J’ai alors la possibilité et le temps de voyager beaucoup car je suis alors le seul membre à ne pas avoir d’établissement. Parallèlement je suis aussi chef à domicile et suis devenu professeur à l’Ecole Hôtelière de Wavre-IPS où actuellement je donne toujours un jour de cours (traiteur) par semaine.

C’est ensuite seulement que je deviendrai Maître Cuisinier et plus tard encore que j’entrerai chez le Traiteur Paulus.



Pourquoi, être devenu traiteur plutôt qu’à nouveau chef de cuisine d’un restaurant, même plus petit ?

A l’époque, je suis déjà ami avec Benoît Bourivain (Traiteur Paulus) et ce depuis quelques années (7-8 ans) lorsque nous allons organiser une semaine de galas au Portugal pour la Chambre de Commerce belgo-luxembourgeoise. On travaille bien ensemble, le courant passe très bien et c’est ainsi qu’il y a maintenant à peu près deux ans, que Benoît m’a appelé. Il avait besoin d’un coup de main chez le Traiteur Paulus et j’ai été heureux de venir l’y rejoindre.



Quel rôle chez le Traiteur Paulus ?

Je suis spécialisé dans les cours de cuisine pour tout un chacun ou pour les entreprises notamment au Château de Modave (dont le Traiteur Paulus est responsable). Cela s’étend  parfois sur 3 jours lors de séminaires des entreprises ou encore je présente des shows cooking dans la cuisine du château ; c’est  très sympa et j’apprécie beaucoup le contact avec les gens, les participants.

En plus, je suis responsable de la gestion des banquets pour les banques au Luxembourg.



Vous êtes 4 Maîtres Cuisiniers chez le Traiteur Paulus, c’est plutôt exceptionnel mais y avez tous des rôles différents ?

Tout à fait et c’est tant mieux car on ne pourrait pas faire tous la même chose, on se marcherait sur les pieds. On a tous notre propre rôle, nos responsabilités, notre caractère. Je ne pourrais pas gérer tant de monde en cuisine ; j’ai besoin de bouger, j’ai trop la bougeotte, je préfère courir à gauche et à droite alors que d’autres n’aimeraient peut-être pas cet aspect du métier.



Quel est attrait trouvez-vous à travailler dans ce secteur « traiteur » ?

Le fait de bouger et l’événementiel sont très attrayants pour moi. Et puis, il ne faut pas se leurrer lorsque l’on travaille au Luxembourg, là où il y a les moyens pour organiser de grands banquets, pour aménager les salles et pour être dans de bonnes conditions de travail, c’est beaucoup plus séduisant de travailler dans ces conditions. Même si ce n’est pas toujours facile car être traiteur c’est aussi être un peu déménageur ce qui est loin d’être un job de tout repos. Il faut donc accepter d’avoir des tâches très physiques. Enfin, je suis passionné de rencontres, j’aime rencontrer des gens différents chaque week-end, chaque banquet. J’aime également transmettre ma passion, toujours donner aux autres, aux équipes qui sont avec moi.



Serait-ce là l’une des principales qualités qu’il faut avoir dans votre profession ?

Tout à fait. Il faut pouvoir transmettre son travail, son savoir, sa passion de façon simple, en toute modestie. Je trouve qu’il faut surtout rester humble dans son travail, que l’on soit un grand ou un petit chef ; il ne faut pas avoir la grosse tête.



Un conseil pour ceux qui vous suivront, pour la prochaine génération de cuisiniers ?

Cet autre conseil que je donne aux plus jeunes, c’est celui de voyager tant que l’on peut et tant que l’on n’a pas d’obligations familiales. Ils doivent aller se former à l’étranger, être curieux, voir ce qui se passe ailleurs. On a un métier qui a des débouchés extraordinaires et qui permet d’apprendre tous les jours ; c’est très important et j’essaye de faire prendre conscience de cela aux jeunes qui sont à mes côtés.

Quels sont les bémols, les difficultés que vous rencontrez dans votre secteur ?

La masse salariale. En tant que responsable, il faut gérer des gens qui n’ont pas beaucoup d’argent et sont peut-être un peu moins motivées tout en étant dans un secteur de luxe où parfois de gros budgets sont dépensés. Par ailleurs, avec la crise, nous souffrons moins que les restaurateurs. Nous avons moins de charges fixes car s’il n’y a pas d’événement il n’y a pas de personnel à payer.

Ceci dit, plusieurs traiteurs ont été amené à fermer leurs portes et c’est logique par temps de crise vu que s’il n’y a pas d’argent pour les fêtes, il n’y a pas de banquets à organiser pour les traiteurs.

Autre bémol, ce que l’on trouve dans l’assiette aujourd’hui. La qualité des produits qui, chez certains, est parfois sacrifiée face à la nécessité économique. Les produits en vingt ans ont plus que triplés. Il suffit de voir le prix du ris de veau d’il y a 25 ans et celui d’aujourd’hui ou encore le simple prix du pain qui s’est multiplié par dix ! Tout a explosé au niveau des prix sauf les marges bénéficiaires des restaurateurs qui n’ont pas pu augmenter leurs prix en conséquences et qui ont été tentés de prendre des produits de moindre qualité.



A contrario votre plus grand bonheur ?

Le sourire des gens ! Je donne cours de cuisine régulièrement à des gens qui sont tellement satisfaits qu’une dame un jour m’a dit que c’était là une cuisine orgasmique ! On traite et on parle de produits nobles, de beaux produits bien cuisinés qui apportent beaucoup de satisfaction à chacun.

J’ai déjà cuisiné pour deux personnes dans un hôtel à Bruxelles, ce qui les avait aussi enchantés et là c’était du bonheur pour moi aussi.



Quels est le plus marquant, l’évolution dans le secteur  « traiteur » ?

Le retour au produit, aux valeurs sûres des produits de qualité. On en a marre d’avoir des amuse-bouche qui fument, qui croustillent sans avoir de goût. Les vraies valeurs qualitatives des choses sont à nouveau mise en avant.



Des revendications, des choses que vous trouvez déplorables et que vous aimeriez changer ?

Si j’avais le temps je m’impliquerais plus dans le mouvement, notamment, des Maîtres Cuisiniers qui veulent faire bouger les choses, défendre la profession. Je suis toujours vice-président d’Euro Toque et le temps me manque donc actuellement pour m’impliquer. Je suis prêt à m’investir dans quelques combats pour le bien-être de la profession mais actuellement ce n’est pas possible. Par contre, ce sera peut-être possible dans deux ans car comme j’ai la bougeotte, je ne sais pas où je serai à ce moment là mais peut-être que j’y serai avec plus de temps ! Je rejoindrai peut-être le comité des Maîtres Cuisiniers d’ici quelques années.



Voyez-vous une évolution de l’association depuis que vous y êtes entré  ?

je suis devenu Maître Cuisinier il y a trois ou quatre ans. Avec l’arrivée de Frank Fol, il y a eu un nouveau dynamisme, une modernisation permettant l’accès à internet, des innovations, bref une évolution positive. Les choses bougent et j’aime beaucoup cela. Et je constate de plus en plus souvent que l’on en parle en bien autour de moi ; c’est une évolution très positive même si Robert van Duuren a fait pas mal de choses sur plusieurs années de sa présidence.



Quels sont les souvenirs les plus marquants de votre carrière ?

J’en ai plusieurs mais je retiens la joie quand Jean-Pierre Bruneau a eu sa 3e étoile. Je faisais partie de l’équipe depuis 1 an et demi, j’y étais apprenti. Ce fut une grande joie pour tout le monde.

Un autre est le souvenir mémorable que j’ai d’un très bon restaurant au Luxembourg, La Bergerie, un 2 étoiles au Michelin.  J’y ai fait un des meilleurs repas de ma vie. Je ne connais plus le nom du chef du moment mais je me souviens avoir mangé du foie gras poêlé en entrée et du ris de veau en plat. Je vois encore l’établissement et c’était un super moment gastronomique !



Avec qui aimeriez-vous dîner ?

Mes amis ! Sincèrement mes amis, tout simplement. Autour d’une bonne table avec un bon vin car on ne peux pas être bon cuisinier si l’on n’est pas vraiment gourmand et, personnellement, mes meilleurs moments sont des moments de table.



Auriez-vous une astuce à donner pour gérer un grand dîner chez soi pour une personne lambda ?

Je dis toujours aux ménagères auxquelles je donne cours et aux messieurs qui accompagnent ces dames : je déteste lorsque je suis invité à dîner chez quelqu’un voir la maitresse de maison passer tout son temps en cuisine. Je donne donc le conseil de veiller à tout préparer à l’avance pour passer le plus de temps à table avec ses invités. C’est tout à fait faisable et c’est aussi cela que j’apprends lorsque je donne cours : préparer un maximum de plats à l’avance, même des produits délicats d’autant qu’il existe actuellement un matériel technique à la portée de tous et qui facilitent largement la vie des cuisinières.



Un grand chef qui vous épate ?

Bien sûr c’est Jean-Pierre Bruneau qui restera toujours mon mentor, sans hésitation. J’ai de très bons souvenirs de l’Auberge de l’Ile, de la Meuloise et j’ai moins aimé Passart. Avant j’adorais aller chez Boyer à Reims, avant l’arrivée de Philippe Mille, le chef actuel. Je ne suis pas très loin de Reims et ma femme adore y aller, j’aimerais y retourner car c’est une grande maison.

Cependant, le plus proche de chez moi, c’est Le Prieuré Saint-Géry ; c’est donc là que je vais quand je veux vraiment bien manger et en plus je dors sur place car Vincent Gardinal, que j’admire beaucoup est aussi un ami.

Le reste du temps, je préfère rester chez moi ou à proximité si je vais au restaurant, même dans un plus petit restaurant. Je circule beaucoup tout au long de l’année pour mon travail alors le soir je préfère ne pas reprendre la route et même rester chez moi pour mieux décompresser.