Daniel Joly

Ambassador
Ambassador
Chef: Daniel Joly
Mirabelle At Bever Creek
Village Road, 55
81620 USA
PO Box 1111 Avon Colorado (USA)
T: +1 (970)9497728
F: +1 (970)8459578

Interview

Portant haut et loin les couleurs de notre gastronomie nationale, Daniel Joly est un Maître Cuisinier belge installé aux Etats-Unis. Aujourd’hui propriétaire de son restaurant dans le Colorado, il n’ a en rien oublié son pays natal et n’hésite jamais à mettre les produits les plus emblématiques de notre terroir à sa carte. Une enseigne et un Maître Cuisinier largement appréciés par de nombreux gastronomes américains et, pour nous, une belle rencontre par interview téléphonique interposée.

Vous êtes un Maître Cuisinier pour le moins singulier puisque belge d’origine, vous vous êtes installé aux Etats-Unis depuis plus de trente ans.  D’où êtes-vous originaire en Belgique ?

Je suis originaire de la périphérie bruxelloise, de Notre-Dame-au-Bois.

Quand avez-vous eu l’idée de devenir cuisinier et où avez-vous été formé ?
Très jeune, vers mes 15 ans, j’ai décidé de devenir cuisinier. Je suis allé à Infobo à Bruxelles et j’ai suivi un apprentissage.

Quel est votre parcours ? En Belgique d’abord puis à l’étranger (EU) ensuite ?
En Belgique, j’ai été travailler chez Alain Deluc au Barbizon, au Comme chez Soi avec Pierre Wynants et chez Jean-Pierre Bruneau.

Quel est le moment les plus important de votre carrière ?
C’est l’achat de mon restaurant dans le Colorado, en 1999. Cela a été un moment très important pour moi personnellement mais aussi pour notre vie familiale puisque je ayant racheté le Restaurant « Mirabelle » avec mon épouse, qui est anversoise, nous avons décidé d’établir notre famille ici, en Amérique. Au départ, Mirabelle appartenait à des alsaciens. Après la Caroline du Sud, je suis venu y travailler de 1991 à 1999 avant de le racheter en 99.

Pourquoi et quand êtes-vous parti en Amérique ?
C’est grâce à Nathalie, mon épouse, que je suis allé pour la première fois en vacances en Floride où elle avait de la famille. Puis, à l’âge de 22 ans, j’ai été travailler dans un Relais & Château en Caroline du Sud. En 1990, cette région a connu un très gros ouragan qui a démolit la ville de Charleston. C’est alors que nous nous sommes installés dans le Colorado que nous n’avons plus quitté depuis. C’est un état où il est très agréable de vivre et où il y a de nombreuses facilités de connexions avec le reste du monde.

Quels sont les produits belges que vous travaillez dans le Colorado ?
L’aéroport de Denver, qui est très proche, est l’un des plus importants des Etats-Unis. Grâce aux avions qui nous apportent quotidiennement des produits frais de partout, je peux avoir des crevettes grises qui sont pêchées le mardi et que je vais acheter le jeudi matin ! Je fais venir des asperges blanches ou tout autre produit de saison qu’il est ainsi facile d’obtenir en provenance directe de Belgique.

Quel est le type de clients que vous accueillez à Mirabelle ?
Il faut savoir que la ville de Beaver Creek est un peu le « Courchevel » de l’Amérique. Des gens très huppés viennent y passer leurs vacances pour se déconnecter complètement de leur quotidien. Ils viennent de Chicago, Los Angeles ou New-York et même de Grande-Bretagne ou du Paraguay. Beaucoup d’européens viennent aussi ici et en février prochain, nous accueillerons le Championnat du monde de ski car nous sommes dans l’une des deux meilleures stations de ski au monde ! C’est une région qui est un peu une bulle dans l’Amérique.

Vos clients savent-ils que vous êtes belge et Maître Cuisinier, également ?
Oui, bien sûr et je n’hésite jamais à le faire savoir. Nous avons une très belle culture gastronomique dans notre pays, il faut en être fier.  Notre clientèle voyage dans le monde entier et connait bien la Belgique !

De quel type est votre cuisine dans le Colorado ?
Ma cuisine est locale mais avec un accent belge prononcé. Au début, la cuisine de Mirabelle était une cuisine française très classique. En arrivant, j’ai changé cela en proposant quelque chose de plus actuel, en laissant parler les produits et cela à très bien fonctionné.

Qu’en est-il justement des produits que vous trouvez dans votre région ?
Dans le Colorado, il y a toujours eu beaucoup de fermes. Il suffit de conduire une vingtaine de minutes et l’on trouve rapidement des fermes qui produisent des agneaux, de la viande comme le Bœuf Buffalo et les légumes et les fruits sont formidables. Il suffit de goûter les pêches en été et vous aurez tout compris ! En hiver, c’est facile de faire venir les produits de Californie ou du reste du monde.

Y a-t-il plus de facilités ou plus de difficultés à travailler aux Etats-Unis ?
Je pense qu’ici il y un avenir assuré pour des jeunes qui sont travailleurs, qui ont des capacités et qui aiment leur métier. C’est parfois plus valorisant de bien travailler en Amérique qu’en Europe. Mais il faut aussi savoir bien s’entourer et, ici en particulier, bien choisir la localisation de son entreprise. Par ailleurs,  il y a en Amérique, beaucoup de jeunes chefs de cuisine qui sont très doués. Le métier est fort médiatisé depuis quelques années et les jeunes veulent en faire partie. Je trouve que c’est très sympa de constater cela et d’assister à cette évolution du métier.

Quel est votre plat signature ?
Un plat à base de produits locaux comme l’agneau du Colorado ou la sole meunière de la Mer du Nord.

Quand avez-vous rejoint l’Association des Maîtres Cuisiniers de Belgique ?
Je suis entré dans l’Association en 2000, après avoir réalisé un événement gastronomique avec le président de l’époque qui était Monsieur Pierre Fonteyne. J’ai beaucoup de respect pour lui qui est un grand monsieur de la cuisine belge. C’est un homme formidable.

Avez-vous d’autres liens professionnels avec l’Europe ?
Je travaille avec des jeunes cuisiniers européens. Nous les faisons venir avec un visa de travail de 12 mois. Aussi, je pense que je suis pour eux une référence aux Etats-Unis.

Défendez-vous des valeurs communes avec l’Association des Maîtres Cuisiniers ?
Je pense que ses fondateurs, dont Pierre Romeyer, ont voulu créer une association qui rassemble la profession, les cuisiniers de métier et donc de haut niveau en Belgique. Je suis 100 % pour cette optique et je crois donc que même ici au Colorado je parviens à représenter notre pays avec notre culture gastronomique. Je peux ainsi poursuivre la diffusion de nos valeurs gastronomiques en Amérique.

Que pensez-vous de l’avenir de la cuisine gastronomique ?
Je pense que les gens sont plus informés sur la bonne nourriture et font davantage attention à manger sainement. Un bon artisan aura toujours sa clientèle et il sera toujours important pour lui de s’établir là où les gens pensent de la sorte, ce qui contribuera à aider cet artisan dans son travail et sa vision des choses.

Autour de nous, en Europe, il y a actuellement un grand intérêt pour tout ce qui est sain, bio, naturel. Est-ce pareil dans votre région de l’Amérique ?
Le Colorado est un état très bio, avec une nature environnante productive, des montagnes et une façon de vivre de la population très active en ce sens.

Comment travaillez-vous pour votre clientèle spécifique ?
Mirabelle est un restaurant qui a une importante clientèle d’élites représentée par des politiciens, des vedettes, des hommes d’affaires à la tête de grandes multinationales. Mais je traite tous nos clients de la même manière et je reste vrai dans ma cuisine. Je pense que c’est le mieux à faire en toutes occasions.

Quelles sont vos sources d’inspiration 
Elles sont partout vu que je voyage beaucoup pour des événements gastronomiques. Cela me permet de voir beaucoup d’autres choses, pas mal d’autres chefs, je vais goûter leur cuisine, je vais chez des collègues faire de bons repas ou je vois des jeunes participer à des concours. Cela m’est possible car je travaille en saison à Mirabelle et je ferme quelques semaines hors saison.

Avez-vous un maître à penser, un chef que vous admirez ?
Je pense qu’il y a plein de grands chefs que je respecte. Je suis sensible à des gens vrais et pas trop prétentieux. Je pense que notre métier de bouche est un métier simple qui doit être remis en question à chaque service.

Quel est votre plus beau souvenir de « table » ?
C’est un repas que j’ai fait chez Yves Mattagne au Sea Grill à Bruxelles. J’ai aussi un très bon souvenir d’un excellent dîner, plus récent, chez Joël Robuchon à Las Vegas. C’était réellement superbe !

La cuisine est-elle un art ?
Je peux comprendre cette allusion à l’art lorsque l’on parle de cuisine. Cependant je corrigerais en spécifiant que c’est un art fragile car en vérité on est respecté en tant qu’artiste que si l’on réussit financièrement et culinairement. En général, on n’est pas reconnu en tant que cuisinier lorsque l’on est mort à l’inverse de certains peintres. Notre « art » est quotidien. Et si notre cuisine est bonne et le reste au jour le jour, alors on dira de nous que l’on est un artiste. C’est pour cela que je dis que notre métier est un métier simple ; il suffit de savoir où est sa place et de donner à notre clientèle le plaisir de la table. Ce n’est pas de la magie, c’est du travail, des connaissances et de la volonté, de la capacité aussi à savoir évoluer et peut-être, en plus, un peu de chance dans nos choix !