Cédric Callenaere

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Cédric Callenaere

Aux Armes de Bruxelles
Rue des Bouchers 13
1000 Bruxelles
T: +32 2 511 55 50
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À propos de

Chef de l’un des plus emblématiques restaurants-brasseries de l’Ilot Sacré, voire de la Capitale, Aux Armes de Bruxelles, Cédric Callenaere est un vrai cuisinier bruxellois. Depuis toujours il se passionne pour les grands classiques de la cuisine belge en général et bruxelloise en particulier, pour les techniques en cuisine et en salle les plus traditionnelles ou encore pour l’atmosphère de ces enseignes typiques du cœur de la Capitale. Avec bonheur et passion, il est à la tête du piano des Armes de Bruxelles depuis 2018. Année durant laquelle les « Armes » ont retrouvé leurs lustres d’antan grâce à leur reprise par Rudy Vanlancker, le tout aussi notoire voisin-propriétaire de Chez Léon … 5e génération, excusez du peu !

Interview

Pourquoi avez-vous choisi de devenir cuisinier ?

Ce n’est pas moi qui ai choisi, c’est ma mère qui a choisi pour moi. J’ai vécu jusqu’à mes 13 ans à Bruxelles où je suis né. Puis nous avons déménagé à la Côte belge. A ce moment, je voulais devenir légionnaire … j’avais vu un reportage tv qui m’avait inspiré ! Mais ma mère a eu peur que j’aille me faire tuer quelque part. Elle n’a pas dit non mais a essayé de me convaincre qu’il y avait de beaux métiers. Et … elle y est parvenue ! Elle a toujours aimé la cuisine et m’en parlait avec admiration dans la voix. Elle m’a proposé d’aller à l’Ecole Hôtelière de Namur qui, à l’époque, était assez prestigieuse. A cet âge, on ne sait pas vraiment ce que l’on veut alors j’ai dit oui à ma mère et suis parti me former à Namur.

Vous êtes d’origine bruxelloise, avez vécu à la Côte belge, avez été formé à l’EH de Namur puis êtes devenu le Chef des Armes de Bruxelles ? Quels sont les détails de votre parcours ?

En 1988, je suis entré à l’Ecole Hôtelière de Namur. Dès ma sortie, en 1992, j’ai alors fait différents stages dans des maisons étoilées et des hôtels tels que le Casino de Middelkerke, le Château de Namur, l’Hostellerie de la Barrière de Champlon. Je suis ensuite retourné à la Côte, à La Panne, où j’ai travaillé dans un petit restaurant gastronomique jusqu’en 96. C’est là que j’ai rencontré ma future épouse. En 96, j’ai alors eu envie de bouger, de revenir à Bruxelles. J’ai contacté celui qui était appelé « Jeff Stoemp » le patron de La Roue d’Or. C’était un ami de Jacques Veulemans, propriétaire des « Armes ». J’ai tout de suite été engagé comme chef de partie à la Roue d’Or et en 2010, la place de Chef m’a été proposée.

Entre temps, les Armes ont été revendues en 2007 au groupe français « Flo » et en 2009, Laurent Veulemans ouvre la Brasserie de Bruxelles sur la Place de la Vieille Halle aux Blés. Sur conseil de son père Jaques, il m’y engage en 2010. Je suis resté jusqu’en 2016 à La Brasserie de Bruxelles mais avec l’arrivée du piétonnier et le peu de certitude quant à l’évolution du quartier, Laurent a décidé de revendre. Pour ma part, j’ai alors été engagé comme chef de cuisine au Cospaïa sur l’Avenue de la Toison d’Or où je suis resté durant deux ans.

Pourquoi et comment êtes-vous entré chez les Mastercooks ?

Pour plusieurs raisons. Je pense qu’il était intéressant d’y représenter les Armes de Bruxelles. Cela leur apporte une identification qualitative. Mes deux parrains ont été : Rocky Renaud du Restaurant Le Passage à Uccle et Jean Castadot, le Président d’Eurotoque qui est, depuis longtemps, Mastercook.

Défendez-vous des valeurs communes avec l’Association ? Si oui lesquelles ?

Mes valeurs sont pareilles à celles de l’Association : respect de notre identité culinaire, de ce que nous représentons. On ne peut pas se permettre de faire tout et n’importe quoi. Il faut aussi avoir le respect des clients, des produits ; cela coule de source. De même pour la traçabilité des produits ou encore pour l’accueil des clients, le service en salle, cela fait un tout et forme nos valeurs communes.

Vous accordez une attention particulière à vos fournisseurs ?

Oui, c’est important. Beaucoup de producteurs locaux viennent spontanément se présenter. Je suis toujours partant pour les accueillir, pour les écouter, tester leurs productionsw. Certains sont très intéressants, voire singuliers, comme par exemple, les Champignons de Bruxelles qui nous sont livrés à vélo ou la livraison d’herbes aromatiques. J’essaye d’être fidèle aux fournisseurs principaux come Walravens (boucherie), Joël Hivet pour les légumes, Maxi Fish ou encore la Maison Foreston pour les produits secs.

Que pensez-vous pouvoir apporter à l’Association des Mastercooks ?

Très humblement, tout ce que je peux proposer, c’est l’assurance du respect d’une cuisine traditionnelle bruxelloise. C’est perdurer la tradition culinaire des Armes de Bruxelles. En 2021, la maison aura 100 ans ! C’est un héritage que l’on doit assurer au niveau de la qualité mais aussi au niveau de la tradition. Avec en exemple, le vol au vent traditionnel, les flambages en salle ou encore les croquettes de crevettes dont la recette ici est même plus vieille que moi ! Par ailleurs, je me fais un plaisir d’aller parler avec les clients en salle quand c’est possible. Certains me disent que le vol au vent est le même que celui qu’ils ont mangé pour leur communion solennelle qu’ils avaient fêtée aux Armes ! C’est l’un des plus beaux compliments que l’on peut me faire. C’est l’esprit de famille, les valeurs traditionnelles qui donnent de la cohésion, qui nous maintiennent et nous font aller, tous ensemble, dans la même direction et c’est cela qui fait que l’affaire marche.

Actuellement et à Bruxelles en particulier, qu’en est-il de la survie d’un restaurant tel qu’Aux Armes de Bruxelles. La tradition, voire les plats les plus classiques, ont-ils plus de chance de survivre à la crise du Covid-19 d’après vous ?

La tradition va toujours tenir, c’est une valeur sûre. Comme les investisseurs qui investissent dans l’or, le diamant. On va traverser le temps, les crises, mais je ne dis pas que l’on ne va pas en souffrir. Par exemple, j’ai dû réduire mon personnel de 30 % dans l’équipe de cuisine ; sans parler salle, entretien, secrétariat. Mais nous continuons à tenir bon et à offrir le meilleur à nos clients fidèles.

Qu’en est-il des mesures qui ont été prises ?

La direction, « Monsieur Rudy » comme son fils Kevin qui reprend le flambeau se sont fait un point d’honneur à respecter les règles d’hygiène les plus strictes : espace entre les tables, distributeurs de gel, personnel masqué, … Dans la brasserie, la salle d’entrée, les tables sont plus espacées. Il y a plus de 2 m entre chaque table et nous avons toujours les cloisonnements en bois séparant les tables dans un esprit à l’ancienne. Cet aménagement avait été rénové à l’identique lors de la reprise ce qui vient à point nommé pour cette période de crise.

Comment voyez-vous l’avenir de notre assiette ?

On a toujours eu des crises alimentaires. Rappelez-vous la dioxine, la vache folle dans les années 90. C’est un peu le problème entre la demande et l’offre ; quand la finance se met à la place de la distribution, de la restauration, on arrive à créer une situation problématique. Personnellement, je pense que les gens vont continuer à aller au restaurant, à vouloir bien manger. L’Horeca va toujours exister à travers les crises qui laissent néanmoins des traces. Le plus important est d’apprendre de nos erreurs, d’en tirer des leçons et, si possible, de faire en sorte que les crises ne reviennent plus ! Mais notre première tâche, notre premier devoir est de garder notre professionnalisme, de faire passer un bon moment à table à nos clients.

Remettez-vous en question la grande distribution, les pouvoirs publics et parfois leur « ignorance » du secteur ?

C’est dure de ne pas être critique vis-à-vis des grands pouvoirs. On a l’impression qu’ils ne savent pas eux-mêmes que faire. Il est très dur pour nous d’être critiques mais il nous faut garder nos propres valeurs et être responsables de ce que nous faisons. Aujourd’hui l’appât du gain prime sur tout et c’est dommage mais ce n’est pas nouveau et j’ai tendance à dire que cela a toujours existé chez certains.

La situation actuelle pourrait-elle vous obliger à changer de métier ? Et si oui, pour peu que vous ayez le choix, lequel préféreriez-vous ?

Je me vois mal faire un autre métier. J’irais peut-être vers l’enseignement car la cuisine sera toujours un métier qui existera, on fera toujours à manger pour les gens. Le métier de chef qui apprend est intéressant : faire évoluer, faire grandir les petits commis, ceux qui seront chefs demain. Ce n’est peut-être pas le plus beau mais c’est un métier valorisant malgré tous les sacrifices que nous devons faire. Et à mon sens, c’est toujours intéressant de faire plaisir aux gens. C’est un peu comme les artistes, peintres, sculpteurs qui ont eux aussi de très beaux métiers.

Quel est votre plus beau souvenir de table ?

En Ecosse l’été dernier (2019). J’ai été épaté par la cuisine outre-manche, la qualité de l’offre, de ce que j’ai reçu dans les rares restaurants où je suis allé. J’ai plutôt apprécié le poisson, les langoustines achetés dans une échoppe de rue et c’est surtout les produits, leur qualité, leur fraîcheur qui m’ont séduit. C’était aussi top pour la convivialité, j’ai envie de dire que j’ai même mieux mangé en Ecosse qu’en France !

Quelles sont vos sources d’inspiration, votre maître à « penser/cuisinier » ?

Je n’ai pas vraiment de maître à penser. Par contre, j’ai beaucoup d’intérêt pour les vieux livres de cuisine. Ceux de Gaston Clément, Raymond Oliver, Louis Willems mais aussi pour le Larousse Gastronomique.

J’aimerais chercher de vieilles recettes que l‘on peut actualiser avec les moyens techniques actuels (cuisson sous-vide, à basse température, avec sonde, Thermomix, …) ; pouvoir remettre au goût du jour des recettes qui me passionnent et que j’aime offrir aux clients.

J’ai aussi le répertoire de recettes de mon arrière-grand-mère maternelle qui a été gardé avec beaucoup d’attention par ma mère. Ceci dit, je pense qu’en cuisine il faut rester humble car tout a déjà été fait ! Il est important de garder de l’humilité. Notre tâche n’est jamais que de s’assurer que ce soit bien fait, assurer la qualité plutôt de s’autoproclamer nouveau créateur.

Quel est le produit que vous préférez cuisiner ? Et votre plat « signature » ?

J’aime laisser libre ma créativité à travers les suggestions mais en bon bruxellois, c’est le chicon que je préfère cuisiner. C’est un des rares produits que l’on peut travailler cru et cuit, accommoder à toutes les sauces : chicon en potage, poêlé, en confiture, en gratin. Il est l’emblème de la Belgique autant que le chocolat, que les frites ou la bière ! Et le poulet ! Le poulet à la bruxelloise (lardons, oignons), ça j’aime aussi beaucoup !

Mon plat « signature » ? Je dirais le vol au vent des Armes de Bruxelles, c’est plutôt « LE » plat signature des Armes avec ris de veau ou non mais toujours fait de façon traditionnelle : cuit dans un double bouillon. Tout est dans le bouillon et la cuisson de la volaille. Le petit secret du chef ? Faite un bouillon au départ à froid, faite ensuite bouillir pour extraire les saveurs puis plongez la volaille dans le bouillon bouillant. Quand on la décortique, on récupère les os et on recuit une deuxième fois. Donc, c’est un double bouillon de volaille et c’est ce qui donne à la sauce des arômes incomparables ! Pour le rendre plus noble, on peut « l’upgrader » de différentes façons en y ajoutant des ris de veau, des queues d’écrevisse, des boulettes, …  

Quel est le plat « mémoire » de votre enfance ?

L’omelette aux crevettes grises de ma mère. Un vrai régal !

Que ne mangerez-vous jamais ? A contrario : vous vous damneriez pour … ?

Ça étonne les gens mais je ne sais pas manger de champignons : girolles, morilles, champignons de Paris, je n’aime pas du tout ! Ce n’est pas le goût qui me dégoûte, c’est plutôt la texture ; cela me donne des haut-le-cœur depuis l‘enfance. J’ai pourtant beaucoup essayé mais n’y suis jamais arrivé !

Par contre, je me damnerais pour du chocolat ! Il y a toujours 3 ou 4 tablettes de chocolat dans mon armoire ! Si vous avez le malheur de laisser un ballotin sur la table, il y passera tout entier ! C’est mon pêché mignon.

Vous êtes plutôt invitant chez vous ou invité chez des amis ?

Les gens ont peur de m’inviter ; surtout depuis que je suis le chef exécutif d’un restaurant aussi connu. C’est donc moi qui les invite : j’adore les grandes tables, cuisiner pour la famille … les grands plats sur la table, c’est vraiment top !

Vous préférez vous attabler dans un restaurant gastronomique ou dans une brasserie ?

Si je peux choisir, plutôt un gastro pour la découverte de nouvelles saveurs. J’aime le côté créatif des restaurants gastronomiques mais j’y vais rarement car en temps que professionnel, je vois tous les défauts, c’est cela qui me freine et ça m’ennuie de voir tout ce qui ne va pas.

Quel est votre style de cuisine préféré ?

La cuisine japonaise. Mon restaurant préféré dans ce style est le Samouraï à deux pas des Armes de Bruxelles. Mais j’ai autant de plaisir chez un petit italien ou un grec modeste comme s’il faisait a manger pour eux-mêmes avec – et c’est important – une vraie honnêteté dans l’assiette. Des produits mal préparés, impersonnels ne m’intéressent pas, je leur préfère une pâte avec une bonne huile d’olive et bonne sauce tomate.

Enfin en 2018, les Armes de Bruxelles sont « sauvées » par « Monsieur Rudy ». Lequel vous confie l’orchestration de son emblématique piano. Voulez-vous nous raconter comment cela s’est passé ?

Cette année-là, je reçois un coup de fil de Laurent Veulemans (pour qui j’avais travaillé à la Brasserie de Bruxelles) qui me dit que je dois voir Monsieur Rudy qui veut absolument me parler rapidement ! Le quartier de la Grand’Place me manquait lorsque j’étais au Cospaïa dans le haut de la ville, aussi je réponds présent quand Laurent Veulemans me propose d’aller déjeuner chez Léon avec M. Rudy (tout le monde l’appelle ainsi). Nous sommes en avril et c’est là que M. Rudy, qui est tout de même la 5e génération de patron de Chez Léon me fait part de son projet de remettre les Armes de Bruxelles sur le devant de la scène. Il me rappelle que c’était le plus grand restaurant « Brasserie » de Belgique à l’époque de la Famille Veulemans. Je connaissais les Armes de réputation puisque Laurent m’en avait parlé en long et en large à l’époque de La Brasserie de Bruxelles. Celle-ci en était d’ailleurs un copier-coller. Et là, j’avoue que j’étais dans le jus des Armes et j’en connaissais les recettes sur le bout des doigts !

Comment s’est passé votre contact avec « M. Rudy » qui vous lançait un tel défi ?

M. Rudy avait d’abord contacté M. Jacques Veulemans. Il lui avait parlé de son projet, de sa tristesse face à cette descente aux enfers d’une telle institution depuis son rachat par le groupe français « Flo ». C’est là que Jacques Veulemans lui a conseillé de me contacter car il savait que j’ai toujours fait la cuisine bruxelloise, que c’est celle que j’ai toujours aimé.

Pour moi, c’était un vrai défi, une occasion inespérée. Et aujourd’hui, je n’ai aucun regret, chaque jour qui passe je suis toujours aussi enthousiaste et convaincu que toutes les conditions sont là pour réussir. On était bien partis mais on a été abattus en plein vol avec le Coronavirus mais on s’en remettra car ici tout est fait dans les lettres, tout est en ordre, tout est respecté. J’ai bon espoir et je reste positif quant à l’avenir.