
Benoît Bourivain
Vice-Président Wallonie de l’Association des Mastercooks of Belgium, Benoît Bourivain affiche une longue et belle carrière de talentueux chef de cuisine. Son parcours débuta à l’Ecole Hôtelière de Namur puis, après de multiples passages dans de grandes maisons de bouche en Belgique et en France, continue avec la gestion de son propre restaurant à Laroche-en-Ardenne. Il poursuit ensuite son parcours en étant, durant près de 30 ans, à la tête du notoire Traiteur Paulus (Ciney). Avec la crise sanitaire du Coronavirus, Benoît Bourivain va totalement changer de cap et s’orienter vers une tout autre activité. Une activité professionnelle qu’il va pratiquer en famille, cette fois, avec l’orchestration d’une table et chambres d’hôtes. L’Ardenne Autrement verra alors le jour en été 2020 à Laroche-en-Ardenne.
Benoît Bourivain, de quoi est fait votre long parcours ?
Je suis Maître Cuisinier depuis le début des années 2000. J’ai passé quasiment 30 ans dans l’entreprise Traiteur Paulus. Auparavant j’avais mon propre établissement à Laroche-en-Ardenne, l’Hôtel Restaurant de la Place mais qui, aujourd’hui, n’existe plus. Mon parcours est assez long à raconter mais je vais tenter de vous en parler en peu de temps. Avant la dernière guerre, mon père et mon grand-père étaient boulangers en Ardenne puis est arrivé l’Offensive des Ardennes où ils ont tout perdu. C’est alors qu’ils ont décidé d’ouvrir une friture qui évoluera en pension de famille et, par après, en petit restaurant gastronomique. Ma mère était au fourneau et mon père en salle. Personnellement j’ai fait l’Ecole Hôtelière de Namur et j’en suis sorti en 1972. Mon idée était de rejoindre ma famille et d’aider à l’évolution de notre maison.
Fin des années 60, n’entrait pas qui voulait à l’école hôtelière !
A l’époque, il fallait réussir un examen d’admission pour entrer à l’Ecole Hôtelière de Namur. L’année de mon admission il y avait 300 candidats et seulement 60 ont été retenus. J’ai réussi ce concours d’admission mais si cela n’avait pas été le cas comme j’étais aussi passionné par les langues et le journalisme, je serais peut-être devenu interprète ou journaliste sportif. J’ai réussi et suis donc devenu cuisinier. Je me suis ensuite perfectionné en service de salle et en œnologie car j’étais déjà passionné de vin.
Ensuite vous partez découvrir la gastronomie en France
A la sortie de l’école, mes parents m’ont aidé et m’ont permis de faire le tour de France, non pas sportif mais bien de grandes maisons dans le cadre d’un compagnonnage. J’ai notamment travaillé chez Gérard Boyer au restaurant Les Crayères à Reims*** mais aussi, toujours avec Gérard Boyer, au Château de Pommery, un endroit extraordinaire, très prestigieux.
Comme l’était également le Negresco à Nice, L’Ousteau de Baumanière aux Baux-de-Provence, chez Georges Blanc à Vonnas, la Côte d’Or chez Bernard Loiseau, chez Bocuse, chez Robuchon où celui-ci goûtait tout ce que l’on faisait, même sa fameuse purée et je peux dire que s’il n’en était pas content, sa réaction était plutôt spectaculaire !
En Belgique, j’ai effectué mes premiers stages, au Val d’Amblève à l’époque étoilé. Ainsi qu’à Laroche-en-Ardenne à l’Air Pur avec le chef-propriétaire Roger Trullemans, qui avait reçu le Prix Prosper Montagné et 2 étoiles Michelin. Il a été mon premier maître. Il était très dur mais j’ai beaucoup appris avec lui et il est resté le chef qui m’a le plus marqué. Ensuite, je suis aussi passé par chez Pierre Romeyer, par la Cravache d’Or où j’étais en même temps que Luigi Ciciriello (La Truffe Noire) et Geert Van Hecke (Karmeliet).
Il faut dire qu’une fois que l’on a le pied à l’étrier, ces grands chefs vous envoient un peu partout et c’est ainsi que vous parvenez à entrer dans de grandes maisons.
Plus tard, j’ai aussi fait des émissions culinaires sur RTL à Luxembourg avec de grands chefs tels que Emile Julg qui, au Crocodile à Strasbourg, avait alors 3 étoiles Michelin. Ou encore avec Antoine Westermann qui avait le Buerenghunel aussi avec 3 étoiles à Strasbourg.
Comment êtes-vous devenu traiteur et non plus propriétaire de votre restaurant ?
C’est un métier exigeant et quand j’avais mon propre établissement gastronomique, j’ai gagné quelques concours de cuisine dont celui de Meilleur Jeune Restaurateur de la Province du Luxembourg. J’ai aussi reçu le Prix Maurice Des Ombiaux et j’ai été finaliste du Prosper Montagné. Malheureusement le jour de la finale j’avais 40° de fièvre et n’ai donc pas pu m’y présenter !
Les concours sont intéressants car ils forgent aussi le caractère mais c’est également très prenant et très difficile. C’est le niveau personnel (un divorce) qui m’a fait changer d’orientation. Plus tard, j’ai quelqu’un qui a repris la maison et avec cet argent j’ai pu investir ailleurs, à savoir chez Paulus.
Vous arrivez chez le Traiteur Paulus, en Belgique, suite à une rencontre chez Robuchon, en France ?
C’est en travaillant chez Robuchon – où j’étais allé car Joël Robuchon était un précurseur de la cuisson sous-vide - que j’ai rencontré Pierre Paulus, le fondateur de l’entreprise Traiteur Paulus qui n’est plus dans la société actuellement. Pierre Paulus était en plein développement de son entreprise et il avait besoin d’aide. Comme on s’est lié d’amitié, j’ai pensé que je pourrais tenter de le rejoindre. J’ai d’abord testé le métier durant trois ans, comme des fiançailles et ensuite j’ai pris des parts dans la société. Cela a été possible puisque j’avais vendu mon hôtel-restaurant.
Les trois premières années ont été dures mais l’on a grandi et toute la société s’est bien développée. Nous avons déménagé ici à Ciney, dans le zoning industriel et avons acheté des installations toutes nouvelles, c’était en 1999. Nous avons évolué petit à petit et avons construit peu à peu une grande entreprise reconnue un peu partout en Belgique et à l’étranger. Elle est aussi reconnue pour son engagement sur le plan écologique, en matière de durabilité. Ceci avec le label EMAS (Eco Management and Audit Scheme) qui nous a été décerné, en 2017. Nous en avons été fiers car nous étions le premier traiteur en Europe à le recevoir.
Vous avez de bons souvenirs de votre métier de traiteur ?
Oui et beaucoup d’ailleurs tels un banquet pour 1400 personnes pour Bill Clinton. C’était à Anvers et très insolite pour un traiteur francophone d’aller travailler en Flandre pour une telle personnalité ! Deux ans après nous avons fait un autre grand banquet pour le Président d’Afrique du Sud. J’ai aussi rencontré le Roi Albert lorsque nous avons fait son anniversaire dans les serres de Laeken et nous avons encore travaillé avec le Prince Philippe lors d’une mission économique, avec la Princesse Mathilde et bien d’autres ailleurs comme la Grande Duchesse au Luxembourg. Si je dois garder un seul souvenir, ce sera celui d’avoir pu approcher et parler avec Bill Clinton malgré l’impressionnante quantité de gardes du corps qui l’entouraient !
Plus tard, je ne peux pas omettre d’évoquer l’installation du Traiteur Paulus dans le monde du football. Ainsi, à la reprise de la direction du Royal Sporting Club Anderlecht par Marc Coucke, nous avons été sélectionnés pour gérer les cuisines des 3 restaurants du Stade d’Anderlecht.
Avec Paulus, nous avons également géré, pendant 15 ans, le catering du Stade du Standard à Liège et en 2019, celui du Stade d’Antwerpen. En 2020, avant la crise du Coronavirus et la fermeture des stades de football, nous avions toujours en charge la gestion du restaurant du Stade de Charleroi.
Malgré la crise et les diverses fermetures du secteur, avez-vous maintenu vos liens avec le Traiteur Paulus ?
A l’avenir et quand la crise sera derrière nous, je vais garder un rôle de conseiller et la gestion de certains événements que je gère depuis des années. Des événements, comme certains dans le secteur du football. Par exemple à Anderlecht mais également d’autres liés à différentes sociétés avec lesquelles je collabore depuis des années.
Vous êtes très positif dans la vie ?
Tout à fait et je pratique au quotidien la pensée positive car il faut aller de l’avant, il faut avancer dans la vie. Je retiens toujours ce que me disait mon père : qui n’avance pas recule !
Effectivement, vous semblez avoir totalement fait vôtre la devise de votre père : « Qui n’avance pas recule ». Cette année 2020, vous avez donc superbement rebondi en ouvrant L’Ardenne Autrement. Mais en quoi consiste ce lieu, effectivement bien différent de ce que l’on trouve dans le secteur de l’hospitalité en Ardenne ?
Avec ma fille Virginie, qui est désormais à mes côtés en cuisine et son mari, Serge qui, pour sa part, est un spécialiste de domotique en aménagement d’intérieur et d’extérieur, nous avons ouvert L’Ardenne Autrement en été 2020. C’est une nouvelle aventure qui, malgré la crise sanitaire du Coronavirus a très bien débuté. Les gens, avec les confinements, ont très vite eu envie de venir s’aérer, de se changer les idées, de sortir de la morosité ambiante et in fine de se dépayser en Ardenne. C’est un établissement d’un tout autre genre que ce que j’ai pu faire jusqu’à présent mais vous vous doutez bien qu’il était en préparation depuis un bon moment. Je suis heureux qu’il soit né cette année et qu’il a ainsi pu me rapprocher des miens mais aussi rendre les gens heureux d’y venir séjourner.
A L’Ardenne Autrement, nous proposons 5 chambres confortables et modernes avec, pour chacune, un thème différent. Celui-ci est basé sur le type de bois qui décore la chambre (Mélèze, platane, acacia, noyer, chêne) et qui lui donne ainsi une ambiance largement inspirée mais aussi intégrée à la nature. A cela, il faut ajouter l’important apport en matière de domotique que mon beau-fils y a intégré. Toutes les chambres ont une terrasse privative et certaines disposent d’un jacuzzi.
Quant à la table d’hôtes pour laquelle nous cuisinons ma fille Virginie et moi-même, elle permet de prendre le repas du vendredi et du samedi soir à cette grande table créée par un artisan local jouxtant d’une part la cuisine et d’autre part un salon avec feu ouvert puis une vaste terrasse extérieure. Nous servons les vendredis et samedis soir en temps normal bien entendu car lors du confinement, nous pouvons seulement servir les repas en chambre. Mais c’est déjà très bien et nos hôtes adorent cette formule qui rend leur séjour encore plus exclusif.
Et qu’en est-il de votre cuisine à L’Ardenne Autrement ?
Dans cette cuisine d’hôtes, je propose deux menus gastronomiques (un petit et un grand). Je peux faire tout ce que j’aime et m’amuser à refaire des plats à l’ancienne que je revisite de façon moderne, comme les quenelles de brochet, par exemple. Ainsi, il s’agit d’une cuisine de terroir associant techniques à l’ancienne et outils contemporains, tradition et modernité, beaux produits régionaux et produits plus luxueux. Et puis nous avons aussi une très agréable cave à vin avec distributeur de vin Invineo, un espace de rencontres pour nos hôtes et toute la domotique adaptée par mon beau-fils qui, lui aussi, s’en est donné à cœur joie !
Quel est donc votre plus grand bonheur dans votre profession et dans votre vie d’aujourd’hui ?
Rendre les gens heureux, donner beaucoup de bonheur et partager tout cela au maximum avec tous ceux, amis Maîtres Cuisiniers du sud ou du nord du pays compris, qui décident de venir nous dire bonjour !
Vous nous parliez de votre père disant toujours « Qui n’avance pas recule » mais il n’y a pas que sa citation qui vous inspire. Quelles sont vos autres valeurs ou autres citations qui vous portent dans la vie ?
Je ne peux pas vous citer toutes celles auxquelles je pense, mais en voici quelques-unes pour terminer en beauté !
De Saint-Exupéry : « Fais de ta vie un rêve et de ton rêve une réalité ».
De Paul Bocuse : « Pour doubler le bonheur, il faut le partager » ou encore « Il faut bien partir un jour ! »
Du Dalaï Lama : « Personne n’est né sous une mauvaise étoile, il n’y a que des gens qui ne savent pas lire le ciel »
D’Albert Camus : « Il n’y a pas de honte à préférer le bonheur »
Et puis, pour terminer, je ne vous cache pas que j’ai toujours 5 mots-clés qui m’animent dans la vie. Les voici, je vous laisse y méditer : Bonheur, Partage, Amour avec un grand A, Beauté, Passion !