Restaurant Vrijmoed
Interview
Ne pas hésiter et se donner à 100 %.
Avoir son propre restaurant, sa propre cuisine: voilà quel était son rêve dès le premier jour de ses premières expériences culinaires en tant que sous-chef du Hof van Cleve. Et ce rêve allait se concrétiser en 2013: “Vrijmoed” ouvrait ses portes à Gand. Moins d’un an plus tard arrivait la première étoile au Michelin. Et voilà la nouveau Maître Cuisinier Michel Vrijmoed.
TB Comme êtes-vous devenu cuisinier?
Michael Vrijmoed: “Au départ, je voulais devenir boulanger mais l’école hôtelière offrait de meilleurs perspectives d’avenir. Je me suis décidé pour Coxyde et c’est là que j’ai compris que la cuisine était vraiment mon truc et que j’allais donc devenir cuisinier et non pas (rires) boulanger…. »
TB A l’école hôtelière de Coxyde, vous avez reçu les bases du métier mais il y avait encore tout un chemin à parcourir…
MV: “On prend la passion du métier en travaillant avec de véritables passionnés, comme Guy Van Cauteren et Peter Gossens. Cuisiner est quelque chose que l’on doit faire autant avec son cœur qu’avec son âme et ce n’est qu’à cette condition que l’on peut s’épanouir dans ce secteur. “
TB Guy Van Cauteren et Peter Goossens sont vos grands modèles?
MV: “En grande partie, même s’il y a d’autres chefs auprès desquels j’ai également beaucoup appris. On emmagasine toujours un peu de chaque chef avec qui on collabore ou on a collaboré. Chacun d’entre eux influence votre style de cuisine et votre manière de travailler. Ils contribuent à votre formation en tant que personne et en tant que chef.”
TB Vous avez volontairement choisi de travailler chez ces chefs?
MV: “A 19 ans, lorsque j’ai terminé mes études, je ne me préoccupais pas le moins du monde de l’endroit où j’allais aller travailler. A cette époque, comme mes condisciples, je pensais surtout à sortir et à m’amuser. (Rires…)
TB Les choses ont sérieusement changé en entretemps….
MV: “A partir du moment où je suis arrivé dans les cuisines de Guy Van Cauteren, la récréation a été terminée… Guy était un professeur tout à fait correcte mais très sévère. Au boulot, il fallait toujours se donner à 100 %. Ce qui également ma vision des choses. En dehors de la cuisine, chacun fait ce qu’il veut mais une fois aux fourneaux, chacun doit se concentrer et se donner au maximum. “
TB Voici deux ans, vous avez ouvert votre restaurant “Vrijmoed” à Gand. Comment décririez-vous votre style de cuisine?
MV: “Lors de l’élaboration d’un nouveau plat, je pars toujours du choix d’un produit principal. Après, j’y associe d’autres ingrédients et j’ajoute alors des herbes et des épices. Chaque élément doit jouer un rôle. Je ne mets jamais rien sur une assiette simplement pour faire joli. Tout doit être là pour une raison bien précise.”
TB Où trouvez-vous l’inspiration de vos préparations?
MV: “Ma principale source d’inspiration réside dans la succession des saisons et dans les produits que celles-ci proposent. Plus on avance dans le métier, plus l’expérience de ces produits augmente et plus on évolue en tant que cuisinier.
Dans ce métier, il faut se montrer ouvert aux autres cultures, aux autres manières de cuisiner. Il faut toujours se remettre en question. Même si on a fait quelque chose dix fois de la même manière, il ne faut pas hésiter de tenter de le faire autrement. Le résultat ne sera peut-être pas meilleur mais il ouvrira peut être de nouvelles perspectives… C’est pour moi le meilleur moyen de poursuivre son évolution et de créer son propre style de cuisine. C’est ce que je fais aujourd’hui et que je continuerai à faire, car ce n’est que comme cela que l’on peut se créer une identité. ”
TB Quels sont les produits que vous travaillez le plus volontiers?
MV: “J’apprécie tout particulièrement le poisson et les légumes. Depuis un an, je propose un menu végétarien et je considère vraiment les légumes comme le sommet. Rechercher la meilleure manière de travailler ceux-ci constitue une aventure fascinante. En m’occupant aussi intensivement de ces légumes, j’ai énormément évolué dans ma quête de pureté des saveurs.”
TB Sur votre carte se retrouve des associations auxquelles on ne penserait pas à première vue, comme, par exemple, un dessert au chou-fleur et au chocolat.
MV: “Mon idée n’est pas de proposer des associations excentriques pour le plaisir. Beaucoup de gens me regardent bizarrement lorsque je leur propose un dessert avec du chou-fleur et du chocolat. Ce chou-fleur, on le retrouve chaud ou froid mais rarement en tant que dessert. Mais si on y travaille, on peut obtenir une combinaison parfaite. J’en ai fait une glace qui, au départ, goûtait trop fort… le chou-fleur! (Rires) En y ajoutant un leu de café, je suis arrivé à quelque chose de plus amer mais aussi de plus intéressant. C’est ainsi que je suis arrivé à un dessert associant le chocolat, les noisettes, le café et le chou-fleur. Certains considéreront que je suis allé un peu trop loin mais je trouve la chose aussi amusante que passionnante..”
TB Les choses ont-elles beaucoup changé depuis l’étoile?
MV: “En fait, non. Depuis le premier jour, nous avons une démarche de qualité et nous essayons d’évoluer. Et c’est toujours le cas aujourd’hui. “
TB Et une deuxième étoile?
MV: “Si nous pouvons poursuivre notre chemin de la même manière, en évoluant pas à pas, tant mieux. Nous verrons bien ce que nous réserve l’avenir. “
TB Comment voyez-vous évoluer la gastronomie?
MV: “La caisse blanche constitue un grand défi pour l’Horeca dans son ensemble. Il s’agit d’un secteur à main d’œuvre intensive et les coûts salariaux sont très élevés. Je fais mon boulot avec grand plaisir mais je ne peux le faire tout seul. Je dois pouvoir compter sur des personnes avec qui je peux partager ma passion et ma motivation. Il est très agréable de constater qu’il existe aujourd’hui une “super génération” de jeunes gens qui en veulent vraiment. Il y tant de talents en Flandre, en Belgique. Ce serait dommage de décourager ceux-ci.”
TB Quel est le meilleur moment de table que vous ayez vécu jusqu’à présent?
MV: “Il y en a beaucoup. A commencer chez les chefs avec qui j’ai travaillé. Voici huit ans, j’ai mangé au Oud Sluis et j’ai été subjugué par la manière avec laquelle Sergio Herman réussissait à conférer de le fraîcheur à ses préparations. Je garde également une grande impression d’un repas chez Michel Bras. Ses plats sont d’une telle pureté! “
TB La cuisine est une activité exigeante? Comment vous détendez-vous?
MV: “En faisant du sport, même si ce n’est pas toujours évident. Il n’est pas facile de trouver le juste équilibre entre la détente et le travail. Je vis et je travaille au même endroit, aussi, en vacance, il faut que je m’éloigne, sinon je deviendrais cinglé! (Rires). La planche à voile constitue pour moi une véritable soupape de sécurité. Un vent intense, de hautes vagues, un combat contre les éléments, une sensation de planer…
J’ai besoin d’éprouver des défis dans tout ce que je fais. Si on réfléchit trop, on n’y arrive pas nécessairement car on hésite. Il faut se donner à 100 % dans tout ce qu’on fait, sinon il vaut mieux ne pas le faire.”
(Interview Tine Bral – Traduction Philippe Bidaine)