Hans Porteman

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chef

Hans Porteman

Rooden Scilt
Dorpsplein, 7
3071 Erps-Kwerps
T: + 32 2 759 94 44
F: + 32 2 759 74 45
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Interview

A mes yeux, il existe d’excellents choux de Bruxelles et de mauvaises truffes!

“Je me retrouve pendant dix-huit heures par jours avec des embouteillages devant la porte et cela rend l’organisation d’un service coupé impossible”. La petite localité d’Erps-Kwerps se trouve à mi-chemin entre Louvain et Bruxelles. C’est là, en plein cœur du petit village, juste devant la maison communale, que le Maître Cuisinier Hans Porteman tient son restaurant. Depuis 1991, année où il l’a repris, beaucoup de choses ont changé. Mais certainement pas sa passion et son engagement à proposer à sa clientèle la plus haute qualité gastronomique. “Et ceci”, s’empresse-t-il d’ajouter, « à des tarifs raisonnables”.

Comment êtes-vous devenu cuisinier?
“Ouille, ouille, ouille… (rires). C’est une vieille histoire. Peut-être dois-je exprimer ma gratitude à ma mère, qui était une excellente cuisinière au quotidien. Nous mangions très bien à la maison. Ainsi, si pas souvent  mais en tous les cas régulièrement, nous mangions de la sole, du turbot et du homard. Par contre nous n’allions pas manger cela au restaurant.”

Où avez-vous fait vos études?
HP: “Je suis né et j’ai vécu à Izegem. L’école hôtelière de Coxyde était donc le choix le plus logique. A la fois toute proche et considérée à juste titre comme une excellente école.”

Dès le diplôme en poche, vous avez abandonné la Flandre Occidentale pour Bruxelles….

HP: “J’ai en effet débuté ma carrière à Bruxelles, à La Pomme Cannelle. Mais après cela, j’ai été à Knokke (La Réserve), à Deinze (Dullaege), retour à Bruxelles (Maxim’s), Paris (Maxim’s) et Lucerne (Hôtel de ka Gare). Tout un périple!”

Et cela pour débuter en 1991 avec votre propre restaurant à Erps Kwerps.
HP: “Ce n’était pas mon intention au départ. Je travaillais comme sous-chef dans les cuisines du Rooden-Scilt, lorsque le chef de l’époque est tombé malade. J’ai alors eu la possibilité de reprendre le restaurant et j’ai saisi ma chance.

J’avais alors 28 ans et j’étais encore tout jeune. Aujourd’hui, ceci n’aurait rien d’exceptionnel mais à l’époque il n’y avait pas encore de jeunes chefs.”

Quels sont les produits que vous travaillez le plus volontiers?
HP: “Tout ce qui est bon et de bonne qualité. A mes yeux, on trouve de très bonnes  côtelettes et du médiocre filet pur autant que d’excellents choux de Bruxelles et de mauvaises truffes.” 

C’est donc le rôle du chef de trouver de bons produits.
HP: “Acheter est un art. Préparer quelque chose de délicieux avec des produits de très haut niveau n’est pas très compliqué. La chose est moins évidente lorsqu’on se consacre à des mets moins sophistiqués. Déposer un morceau de foie gras sur une assiette n’est en rien un exploit mais pour braiser un carré de veau entier, là il faut savoir cuisiner. Les produits ne doivent pas nécessairement être chers. Mais préparer de manière délicieuse un petit quelque chose de bon marché constitue un véritable acte de cuisine.”

Où vous procurez-vous vos marchandises?
HP: “Chez une série de fournisseurs avec qui je travaille depuis des années. C’est assez confortable. S’ils me livrent des choses inintéressantes, je les leurs renvoie  simplement. Ils savent que je veux un excellent niveau de qualité. Et pour certains produits, je vais au marché matinal à Bruxelles.

U lest aujourd’hui beaucoup plus facile qu’autrefois de trouver de bons produits. La traçabilité est nettement meilleure, les transports bien plus rapides et la fraîcheur est elle aussi supérieure. Avant c’était souvent un peu n’importe quoi, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. “

La situation a tellement changé?
HP: “Il n’y avait pas autant de restaurants dans les années septante. Il n’y avait pas non plus d’offre abordable ou plus démocratique. Le restaurant était réservé à quelques happy few. La population de base mangeait à la maison ou allait à la friture.

Aujourd’hui, l’offre s’est largement démocratisée. La plupart des gens peuvent aujourd’hui aller au restaurant et ceci est un progrès appréciable. Ce que je ne voudrais absolument pas c’est que les prix grimpent à ce point qu’à nouveau, seule une élite puisse se permettre d’aller manger à l’extérieur. Comme c’était le cas autrefois.

Est-ce que le public n’a pas changé, maintenant qu’il y a tellement d’émissions qui tournent autour de la cuisine à la télévision?
HP: “Aujourd’hui les gens parlent beaucoup de cuisine mais avant , ils en avaient une bien meilleure connaissance. Beaucoup de jeunes grandissent aujourd’hui avec des plats tout préparés, un sachet de soupe le midi et une boîte de spaghettis le soir. Dans le temps, on cuisinait à la maison et les gens avaient de vraies connaissances. Aujourd’hui, il n’y plus qu’un vernis télévisuel.”

Sur votre site, on peut lire que, “Pour le moment, il est impossible de trouver des collaborateurs de haut niveau en Belgique. “ C’est pour cela que vous avez décidé de fermer un certain nombre de jours par semaine?
HP: “Ma localisation est parfaite pour ma clientèle mais pas pour mon personnel. Dans un restaurant classique, on travaille en service coupé. Mon problème est que mon restaurant se trouve sur l’axe Louvain Bruxelles et que je me retrouve avec des embouteillages dix-huit heures par jour devant ma porte. Or, on ne peut pas dire que le village d’Erps-Kwerps regorge de bons cuisiniers et de serveurs compétents. Donc, il faut qu’ils viennent de Bruxelles ou de Louvain. Et si, entre deux services, ils veulent rentrer chez eux, ils ont à peine le temps de boire un café avant de reprendre la route pour le restaurant…

J’ai longtemps réfléchi à la chose et c’est comme cela que j’ai décidé en fin de compte d’organiser une semaine de travail plus courte mais avec ces plages horaires plus étendues.”

Comment vous positionnez-vous face à la caisse blanche?
HP: “Je suis très favorable à celle-ci. Elle doit bien entendu être accompagnée de mesures d’accompagnement. En effet, l’Horeca est un secteur extrêmement intensif pour le travail et la Belgique connait des salaires bruts parmi les plus élevés du monde. Je ne dois pas vous faire un dessin. Nous pouvons bien entendu augmenter nos prix et demander 50 € pour une petite casserole de moules mais ce n’est absolument pas ce à quoi je veux qu’on arrive. Je n’ai absolument pas envie de vivre dans une Belgique où seuls les riches peuvent aller au restaurant et où les autres peuvent se contenter de manger leurs tartines sur un banc.

Par contre, le grand avantage de la caisse blanche, c’est qu’elle va précipiter la chute des “triporteurs”. IL est évident que quelqu’un qui n’inscrit pas son personnel correctement et qui ne suit pas les règles peut pratiquer des prix inférieurs. Mais c’est de la concurrence déloyale. Si on est en règle, on est évidemment obligé de pratiquer des tarifs plus élevés..”

Pourquoi êtes-vous devenu Maître Cuisinier? Vous avez même fait partie pendant un certain temps du bureau de leur association….
HP: “Ce n’est pas le côté association commerciale qui m’intéressait mais bien la manière dont mes collègues percevaient mon travail. Devenir Maître Cuisinier signifie être apprécié par les meilleurs représentants de notre profession. 

J’ai été le premier de ma génération à devenir Maître Cuisinier. Lors des réunions, je voyais bien mes respectables collègues se demander ce que ce petit morveux pouvait bien venir faire ici (rires). Plus tard, je suis rentré dans le bureau et je me suis attelé à des dossiers comme la baisse des taux de TVA et la diminution des charges sociales.”

Aujourd’ hui, vous n’êtes plus au bureau.
HP: “Le manque de temps en est la raison mais, également, je ne voulais pas rester sur le même siège pendant trente ans. J’ai fait mon temps, place aux jeunes!”

(Interview Tine Bral – traduction Philippe Bidaine)