Dirk Myny

Restaurant
Restaurant
Chef: Dirk Myny
Les Brigittines
Place de la Chapelle, 5
1000
Bruxelles
T: +32 (0)2 5126891
F: +32 (0)2 5124130

Interview

Dirk Myny: “Les chefs ne sont pas des mannequins!”
Il le dit avec son délicieux accent bruxellois: “Pour moi, tout ce show n’est absolument pas nécessaire!” Le chef Dirk Myny est le fils d’un père ouest-flamand et d’une mère wallonne. Son restaurant, Les Brigittines, se trouve à l’ombre du Palais de Justice, tout près des Marolles. Le décor, de style typiquement Art Nouveau, renvoie à l’époque “où Bruxelles chantait” Une chère de qualité, un bon verre et une joyeuse ambiance: voilà ce qui compte aux yeux de Dirk Myny.

Dirk Myny: “Une soirée n’est réussie que si l’on a ri et si l’ambiance a été à la hauteur. Pour moi le plus beau compliment dont un chef peut faire l’objet, c’est lorsqu’il a réussi à transmettre ses émotions gustatives. J’aime le plaisir et je veux avant tout que chacun s’amuse.”

Vous venez d’une famille liée à l’horeca?
 “Absolument pas! Ma mère cuisinait simplement bien et je n’ai jamais entendu une seule fois mon père faire une remarque sur ce que nous mangions. J’ai plus probablement pris le virus par ma grand-mère maternelle. Mon grand-père était mineur. Lui et ma grand-mère cultivaient un beau jardin dans lequel ils cultivaient tous les légumes dont la famille avait besoin. Ma grand-mère faisait le pain elle-même, elle confectionnait des confitures. Il est très possible que les odeurs de sa cuisine et son potager m’ont amené sur le chemin que j’ai pris..”

Pourquoi avez-vous opté pour le métier de cuisinier?
 “Je n’ai jamais hésité quant à ce que j’allais faire. Depuis ma plus tendre enfance, je le savais: je deviendrai cuisinier. Un point c’est tout! Une fois que j’’ai eu quinze ans, j’ai commencé à l’école hôtelière de Wemmel. Le weekend, je travaillais dans des restaurants. Après ma formation, j’ai travaillé deux ans chez Eddy Van Maele, puis deux autres années chez Guy Van Cauteren et enfin encore un an et demi chez Michel Beyls. Et puis j’ai démarré Les Brigittines.”

Ces chefs ont été vos grands maîtres?
 “Tout à fait. Ils étaient de grands chefs parce qu’ils parvenaient à communiquer leur passion aux autres. Voilà pour moi l’essentiel de notre métier, et pas tout le show auquel nous assistons pour l’instant. Lorsqu’on regarde un catalogue de vêtements de travail aujourd’hui, on y trouve des vestes de toutes les couleurs de l’arc en ciel. On ne parle plus de cuisiniers mais bien de mannequins…”

Pourquoi êtes-vous devenu Maître Cuisinier?
“Pour moi, les Maîtres Cuisiniers sont des professionnels qui mettent toute leur âme dans le travail des produits. Et c’est ce que je fais. “

Comment décrivez-vous votre style de cuisine?
“Je recherche la perfection dans la simplicité. Je pourrais exprimer cela en une phrase: donner leur maximum de chance aux beaux produits. Une cuisson optimale avec un assaisonnement bien adapté. Et c’est tout! J’adore une simple plie poêlée, une simple sole meunière ou encore un pigeonneau “à la française” avec des pommes de terre rissolées. Voilà des plats que j’aime et que je sers à mes clients...”

Il y a peu de chance que l’on en revienne à la caisse “blanche”!
 “Le plus grand danger réside selon moi ans la banalisation de la cuisine. Les chefs propriétaires vont devoir revoir leur organisation et il sera quasi-obligatoire de faire des économies sur les frais de personnel. Moins de personnel implique moins de préparations et de plus en plus de choses achetées toutes préparées et prêtes à l’emploi. Fini la mayonnaise maison et bonjour les légumes coupés à l’avance. Avec comme conséquence qu’à l’arrivée, on se retrouvera partout avec la même chose sur notre assiette. Les mêmes produits, les mêmes saveurs… Les seuls qui y gagneront, ce seront les fournisseurs en gros de l’horeca.”

Mais pas aux Brigittines?
“Certainement pas. Je continuerai à tout faire dans la maison. Evidemment, je ne pourrai sans doute pas éviter d’augmenter le prix des menus. C’est dommage car si un menu à 50 ou 60 euros est encore abordable pour beaucoup de gens, des menus à 80 ou 90 euros vont décourager pas mal de clients.

Mais ce qui, à mes yeux, présente un problème encore plus sérieux que la transparence des caisses, c’est le fait qu’ici à Bruxelles, on puisse trouver des menus complets à 45 euros, comprenant apéritif, entrée, plat, dessert, deux verres de vin et le café. Celui qui fait cela ne peut donner que de la crasse à ses clients et ne peut payer pas son personnel correctement. Les autorités devraient se pencher sur cette question.”

Que pensez-vous des guides comme Michelin et Gault Millau?
“Je m’en fous! (en français dans le texte...)  Décrocher des étoiles ou des cotations élevées n’a jamais été mon objectif. Je suis libre et je m’amuse avec ce que je fais. En plus, je trouve tout de même étrange que nous, restaurateurs, nous laissions contrôler par des gens qui ont peut-être eu une bonne formation mais qui ne sont pas du tout dans la pratique.
Des problèmes, dans un restaurant, il y en a tous les jours. Deux membres de l’équipe qui sont absents, une panne d’électricité, un appareil qui vous abandonne… Tout cela fait partie de la routine. Nous investissons énormément de temps et d’argent dans notre affaire et puis débarquent des “contrôleurs” qui trouve qu’ils ont tout de même dû attendre leur plat fort longtemps…”

Où trouvez-vous l’énergie pour redémarrer tous les jours?
“Dans le sexe! (rires copieux…). Non, plus sérieusement. Dans le fait d’aller manger avec des amis, de prendre du plaisir, de s’amuser. Dans mon restaurant, c’est ce que j’estime le plus important: le plaisir. Mes clients doivent vivre un excellent moment, bien manger et boire bon. Rien ne me plait plus que d’entendre des rires en fin de soirée, de constater la bonne humeur. Je veux que règne cette ambiance chaleureuse et c’est pour cela que je me bats.

Interview Tine Bral – Traduction Philippe Bidaine