Paul Fourier

Restaurant
Restaurant
Chef: Paul Fourier
La Pomme Cannelle – Le Royal Luxembourg – Hotel and Resort
Boulevard Royal 12
2449
Luxembourg
T: +352 241 6161 ext 778

Interview

Brugeois d’origine aujourd’hui installé à Luxembourg-Ville, Paul Fourier est Maître Cuisinier depuis 2015. Paul est aussi et depuis longtemps, l’un des plus émérites ambassadeurs gastronomiques du sud de notre pays, voire désormais, du Grand-Duché de Luxembourg. Portrait d’un chef belgo-belge ; flamand d’origine, wallon d’adoption et bien sûr désormais, 100 % ardennais !

Comment est née votre passion pour la cuisine ?
Comme toute ma famille, j’habitais à Bruges lorsque j’étais enfant et adolescent. A cette époque, j’allais travailler les week-ends et durant les vacances chez ma sœur qui y tenait un hôtel-restaurant. Je préférais le travail en cuisine plutôt que le service en salle et c’est à partir de là que je me suis intéressé au métier. Je suis alors entré à l’Ecole Hôtelière Ter Groene Poorte à Bruges.

Quel a été votre parcours après cette formation à Bruges ?
J’ai commencé à travailler à Lille dans un restaurant doublement étoilé dont le chef-propriétaire était un MOF (Meilleur Ouvrier de France). C’était très difficile au départ car je n’avais qu’une connaissance scolaire de la langue française. De plus, à l’époque, la Belgique et les belges n’étaient pas bien vus comme aujourd’hui ; nous étions un peu les laissés pour compte. Il fallait donc se battre davantage pour se faire une place dans ce genre de maison. Après, je suis allé travailler à l’Oasis à Bruxelles où j’ai séjourné deux fois. La première fois, j’y étais second puis, après avoir été travailler à La Crave d’Or et à L’Ecailler du Palais Royal, j’y suis revenu comme second mais 24 h après mon retour j’étais nommé chef ! Ensuite, j’ai travaillé durant 9 ans au Château d’Hassonville en Ardenne avant de partir aux Etats-Unis où pendant deux ans j’étais le chef de l’Ambassade de Belgique à Washington. De retour en Belgique, j’ai ouvert mon propre restaurant, La Gourmandine à Nassogne que j’ai tenu pendant douze ans jusqu’en août 2013. Peu après, j’ai été contacté par les investisseurs de l’hôtel-restaurant de La Barrière de Transinne qui transformaient totalement les lieux et qui m’ont proposé de prendre en charge toute la partie cuisine et restaurant. Nous avons alors travaillé, pendant un an, à la rénovation de la maison et j’ai pu donner mes propres indications pour obtenir une belle cuisine fonctionnelle et ouverte sur la salle.

Maître Cuisinier depuis 2015, comment êtes-vous entré dans l’Association ?
C’est Eric Martin (Maison Lemonnier) qui m’a conseillé de me présenter et avec Pierre Résimont, ils m’ont parrainé.

Que vous a apporté votre adhésion à l’Association des Maîtres Cuisiniers ?
C’est très positif pour moi d’en faire partie. Cela me permet de rencontrer d’autres gens du métier et d’élargir les horizons de ma cuisine.  Je ne vais pas nier que c’est aussi une grande fierté et que vis-à-vis des clients c’est une preuve de professionnalisme, une reconnaissance de qualité et de cuisine faite dans les règles de l’art. Je n’aurai peut-être jamais d’étoile mais ce n’est pas grave car cela me fait plus plaisir d’être aujourd’hui Maître Cuisinier. Ceci ne me met pas la pression comme pourrait le faire l’étoile. Enfin, c’est aussi important, pour moi, de faire partie d’une association nationale comprenant des flamands et des wallons ! Il y a maintenant en Belgique des Maîtres Cuisiniers dans chaque partie du pays, on pourrait presque dire aux gens qu’il y a toujours un Maître Cuisinier près de chez eux. Ceci dit, à la Barrière de Transinne, mon poste précédent, comme pour mon poste actuel à la Pomme Cannelle, au Grand-Duché de Luxembourg, le fait que nous soyons aussi hôtel, nous permet d’avoir une large clientèle internationale le we ainsi que des clients venant des entreprises des environs pour le midi en semaine. Ces clients sont eux aussi contents que je sois Maître Cuisinier et n’hésitent pas à me dire que c’est mérité ; ce qui fait toujours plaisir !

Défendez-vous des valeurs communes avec l’Association ? Si oui lesquelles ?
Bien entendu oui avec une cuisine de qualité, de bons produits – de la région ou pas – ainsi que le respect de ces produits, de leurs cuissons. Si ma cuisine n’est pas compliquée, elle est au maximum faite maison et ceci dans le respect du métier que l’on nous a appris à l’école. C’est aussi cela, pour moi, partager les valeurs de l’Association.

Que pensez-vous pouvoir apporter aux MC ?
Je trouve que c’est bien d’avoir un flamand en Wallonie et maintenant au Luxembourg ! Un flamand qui reste dans la ligne des Maîtres Cuisiniers mais ailleurs comme véritable et fidèle ambassadeur de l’Association. Le respect des valeurs de l’Association est assuré aux quatre coins de Belgique et même plus loin. Je crois que je suis représentatif de cet aspect-là ; la preuve que tous les Maîtres Cuisiniers ne sont pas concentrés dans les grandes villes ou dans une région en particulier.

Un chef flamand en Ardenne et aujourd’hui au Grand-Duché de Luxembourg, voilà qui n’est pas commun. Avec René Mathieu, vous êtes même le deuxième Maître Cuisinier belge à vous être installé au Luxembourg. Quel est votre avis sur la question d’intégration d’un chef du nord dans le sud du pays ou au Luxembourg ?
J’ai eu bien plus difficile à être intégré à Lille, en France, lorsque j’ai commencé à travailler. Loin du nord du pays, je n’ai jamais eu aucun problème d’intégration et je ne voudrais plus retourner vivre et travailler à Bruges. Mes enfants sont dans la région (j’habite à Arlon) et ma vie est ici aussi. Je suis chez moi dans le sud de la Belgique et j’y ai passé plus d’années qu’ailleurs.

Y a-t-il, d’après vous, une différence entre cuisine du nord et cuisine du sud du pays ?
En Ardenne, les gens aiment la quantité. Ils apprécient les assiettes bien garnies ainsi que les plats plus roboratifs, plus riches et peut-être plus inspirés de la cuisine d’antan comme le pot au feu. Mais, même s’il n’y a jamais de problème de quantité, ma cuisine reste la même partout où je la propose. Dans mes plats, il y a toujours suffisamment et personne n’est mécontent.

Où est L’avenir de notre assiette ? Que mangerons-nous demain ?
Je constate un retour au classique, au naturel ; nous sommes sortis du moléculaire qui n’est resté dans notre cuisine qu’accessoirement. Actuellement, c’est le produit avant tout et davantage de légumes aussi comme les légumes oubliés qui sont à nouveau à la mode et qui prendront de plus en plus de place dans l’assiette.

Quelle opinion avez-vous des émissions télévisées consacrées au secteur culinaire ?
Cela banalise notre métier et les gens s’imaginent pouvoir pratiquer ce métier pour lequel nous avons dû apprendre les étapes et que nous avons pratiqué durement pour obtenir de bons résultats. Ce genre d’émissions leur fait croire que tout est réalisable en un temps record et elles ne tiennent pas compte des réalités du terrain. Il faut montrer aux jeunes ce qu’est vraiment ce métier ; ils ne doivent pas se méprendre. C’est aussi le rôle des Maîtres Cuisiniers que de les informer et de leur apprendre que c’est un métier de passion avant tout. Si l’on n’a pas la passion pour ce métier, il ne faut pas le pratiquer, ce n’est même pas la peine d’essayer. 

Que pensez-vous de la grande distribution ?
Elle fait la pluie et le beau temps et nous, nous sommes un peu David contre Goliath. Elle est forte car elle achète en grandes quantités, ce que nous ne pouvons pas faire. Par exemple, pour les fêtes certaines grandes surfaces vont offrir des plats de traiteur à des prix tellement moindres que l’on ne fait pas le poids. Ces enseignes ont tous les feux verts pour ce faire de la part de l’état qui ne les contrôle pas autant que nous ; ce qui n’est pas équilibré. Les pouvoirs publics devraient contrôler davantage les uns et aider un peu plus les autres, les artisans que nous sommes. Nous créons chaque jour du frais, du nouveau, et même de l’emploi qualifié ou non. On devrait donc être aidé pour cela et non être assommés par les contrôles, taxes et autres charges.

Quelles sont vos sources d’inspiration ?
Je les trouve un peu partout, chez mes collègues, dans les livres de cuisine que j’adore feuilleter pour y pêcher des idées et même sur internet. Ceci dit, je n’ai rien inventé, tout a été inventé avant nous. Nous ne faisons que mettre à jour les bases imaginées par Paul Bocuse, Auguste Escoffier et même, plus près de nous, par des chefs comme Pierre Wynants et Pierre Romeyer.

Quel est le produit que vous préférez cuisiner ?
Incontestablement le foie gras ; sous toutes ses formes et compositions.

Quel est le plat-mémoire de votre enfance ?
Le hochepot que faisait ma maman. J’en fais à mes enfants mais ils me disent toujours que ce n’est pas pareil et qu’ils préfèrent celui de leur grand-mère qui malheureusement n’est plus des nôtres !

Que ne mangerez-vous jamais ?
Des tripes ! J’en ai trop mangé lorsque j’étais en France et cela m’en a dégouté !

Par contre, vous feriez des kilomètres pour … ?
Le restaurant que je préfère en Belgique n’est pas très loin ; c’est le restaurant d’Eric Lekeu, Parfums de cuisine à Namur. C’est ma référence dans la région et j’aime toujours répondre que c’est là que je préfère aller manger.

Enfin, pour vous, la cuisine est-elle un art ?
Oui, bien sûr que la cuisine est un art. Même si cela peut paraître prétentieux de le dire, c’est un art qui n’est pas donné à tout le monde. Il n’y a pas 50.000 sculpteurs Rodin il n’y a donc pas 50.000 cuisiniers qui pratiquent leur métier comme un art et qui, dès lors, sont de vrais artistes.

Texte : Joëlle Rochette – Traduction : Mac Declercq