Hof te Rhode
Interview
Felix Alen: “Je chéris notre patrimoine gustatif”
Voici plus de 40 ans que le chef Felix Alen exerce ses talents au plus haut niveau avec la cuisine régionale flamande en guise de principale source d’inspiration. C’est ainsi qu’il est à l’origine de Xaverius, le premier centre de notre pays consacré à la culture de l’alimentation et de la table. Sa Hof te Rhode, à Schaffen permet aussi bien d’organiser une petite fête pour six convives qu’un évènement rassemblant trois cents personnes.
Qui furent vos grands exemples?
Felix Alen: “Il y a eu Maurice Le Hoeck, un de mes professeur à l’école hôtelière à Bruxelles. C’était un chef de la grande tradition et il avait travaillé dans les plus grands hôtels de la capitale. Il ne m’a pas seulement incité à travailler dur, de manière à la fois efficace et rationnelle, mais aussi à cuisiner de manière classique mais avec des techniques contemporaines. “
D’où tirez-vous votre inspiration?
“Je suis très attentif et je suis de près les évolutions dans la gastronomie car je veux rester dans le coup. Je considère bien entendu les saisons comme très importantes mais je mets au même niveau ce que je considère comme notre héritage gustatif. Je crois sincèrement que notre goût – ce que nous considérons intuitivement comme délicieux – dépend en grande partie de la région où nous, mais aussi nous aïeux, avons été élevés. Chacune possède ses propres spécialités, ses propres sortes de sol, ses animaux spécifiques. Tout ceci constitue les bases de la gastronomie régionale.
C’est dans cette optique que vous avez lancé l’asbl Xaverius en 1999?
“Tout à fait. Aujourd’hui, on donne des cours de cuisines à tous les coins de rue, mais notre projet était nouveau et différent. Et certainement en ce qui concerne sa conception car Xaverius, c’est beaucoup plus que simplement apprendre aux gens à cuisiner. Il s’agit d’un centre culturel culinaire sans objectifs commerciaux. Nous y organisons des activités qui assurent la promotion de notre culture de l’alimentation et de la table. On y trouve un musée de la cuisine ainsi qu’une bibliothèque culinaire. Un de mes hobbys est le dépouillement de vieux livres de recettes. Je recherche essentiellement de vieux plats brabançons et j’essaye d’en faire “quelque chose”. »
Hof te Rhode n’est pas un restaurant classique mais bien une salle de fête. Quelle est la différence?
“J’ai eu la chance d’être remarqué durant mon service militaire en tant que cuisinier dans la Force navale et j’ai ainsi pu travailler dans les cuisines du Palais Royal de Laeken. Là, j’ai été confronté à ce que j’appellerais une « cuisine civile » remarquablement organisée, où l’on travaillait sans avoir droit à l’erreur, ce qui me convenait parfaitement.
Un restaurant se voit éventuellement offrir une deuxième chance si le client est déçu, mais une salle de fêtes, jamais. Les gens viennent à Hof te Rhode pour célébrer le mieux possible les plus beaux moments de leur vie. Si vous ne rencontrez pas leurs attentes, c’est non seulement terrible pour eux mais également très mauvais pour votre commerce. Les difficultés sont aussi différentes de celles d’un restaurant, surtout dans le domaine de l’organisation.”
Comment arrive-t-on à cuisinier pour trois cents personnes ?
“Il y a deux manières. Ou bien on applique la méthode militaire et on « bricole » pour arriver à s’en sortir ou bien on se contente de tout multiplier. Ainsi, si on veut faire une béarnaise pour quatre personnes on a besoin de deux jaunes d’œufs. Mais si on doit réaliser la même béarnaise pour 400 personnes, on a besoin de cent œufs. Ce n’est pas plus compliqué que cela. Et nous nous en tenons toujours à cette règle. Même pour de très grands groupes, nous réalisons encore tout dans la maison. Pour l’instant, nous disposons d’une équipe fixe de huit cuisiniers. .
La force de Hof te Rhode c’est que nous gardons notre personnalité. Nous faisons savoir à notre public que nous suivons les tendances et les évolutions de la gastronomie, mais nous ne nous écartons pas de notre ligne de conduite. Ainsi, on verra bien apparaître une écume dans l’assiette – un tout petit peu ! (rire) – mais l’idée de base tournera toujours autour d’une belle pièce de viande ou de poisson, voire de homard… avec une garniture !
Quelle est l’importance des nouvelles technologies et des nouveaux produits dans la cuisine?
“Tout s’est accéléré voici une quinzaine d’année lorsque un petit groupe de scientifiques s’est intéressé à nos techniques de cuisines qui, il faut le reconnaître, étaient un peu figées. Ainsi, ces gens prétendaient par exemple qu’à la place du citron, on pouvait utiliser de l’acide ascorbique qui, au demeurant, est aussi un produit naturel. Ils ont ainsi ouvert les portes des cuisines à une série de produits utilisés au départ dans la pharmacie, l’industrie de la confiserie ou celle de la charcuterie.
Par ailleurs, une série de machines innovantes comme le pacojet et le thermomix sont désormais tout à fait assimilées. Les produits de texture ont également trouvé leur place. Autrefois, nous ne connaissions que deux liants, à savoir les feuilles de gélatine et la maïzena. Aujourd’hui, il y en a des centaines.”
Pourquoi êtes-vous devenu responsable et coach pour le concours “L’Etoile de la Cuisine Belge”?
“Je suis arrivé à un âge où j’ai envie de transmettre quelque chose aux jeunes générations. J’ai envie de faire la promotion du beau métier que j’exerce et « L’Etoile de la Cuisine Belge » constitue une excellente manière de le faire. »
Quelle importance présente à vos yeux la qualité de “Maître Cuisinier”?
“Il s’agit pour moi en premier lieu d’une reconnaissance ainsi que de l’honneur d’appartenir à un petit groupe de chefs. Ceci me réconforte en tant que professionnel.”
Quels sont selon vous les problèmes les plus aigus du secteur ?
“Sans aucune hésitation, le coût du personnel. Autrefois, à l’école hôtelière, nous apprenions une règle très simple, basée sur une sagesse paysanne ancestrale. Trente pourcents du chiffre d’affaires devaient être consacré aux frais de personnel, trente pourcents aux frais généraux et trente pour cents au coût des marchandises. Les dix pour cents restants pouvaient être considérés comme du bénéfice.
Je viens de faire mon bilan et je me rends compte que les frais de personnel ne représentent pas moins de 42 % du total !”
D’où tirez vous la force pour continuer à aller de l’avant ?
“De la fierté de mon métier. Malgré tous les points négatifs, je continue à croire que notre profession à encore de beaux jours devant elle. Hof te Rhode a commencé comme une minuscule épicerie spécialisée dans les denrées coloniales où ma mère vendait aussi bien des poulets prêts à cuire que du cirage à chaussure. Aujourd’hui, il y a non seulement la salle de fête d’une capacité de 300 personnes mais également notre société de catering qui prépare régulièrement des repas délicieux pour trois à quatre milles personnes !
Mon fils vient de rentrer dans l’affaire et je suis persuadé qu’Hof te Rhode peut encore connaître et faire vivre plusieurs générations!”