Viki Geunes à propos de Zilte, de 3 étoiles et de corona

2020 fut une année intense pour le chef étoilé et Mastercook Viki Geunes. En avril, il entreprit de vastes rénovations - ou plutôt une relocalisation – de son restaurant 't Zilte, qui changea également de nom pour devenir Zilte. Et puis vint la crise… COVID. Depuis le début de cette année, une enseigne Michelin affichant *** arbore la façade. Comment tout cela est-il vécu par un chef ?

De ’t Zilte à Zilte

Viki Geunes : « Nous sommes situés à un endroit particulier (rire), littéralement au-dessus d’Anvers. Cela fait 10 ans que nous sommes ici et il y a deux ans, nous avons estimé que le  cadre était dépassé et qu'il fallait donner un nouveau look au restaurant. Nous avons commencé à y réfléchir et un soir l'idée nous est venue : pourquoi ne pas ‘construire’ un nouveau restaurant au même étage, de l'autre côté du bâtiment. Cela nous permettait de donner immédiatement à chaque élément un look et un feeling différents, et à nos clients littéralement une tout autre vue puisque vous contemplez une partie différente d'Anvers, à savoir la vieille ville. L'avantage était que nous pouvions rester opérationnels sur l'ancien site pendant que nous convertissions le côté qui allait devenir le nouveau Zilte. Ce n'était pas sans importance, car le réaménagement aurait représenté un investissement très lourd. 

Le projet a été un incroyable stimulant pour l’ensemble de l’équipe. Une nouvelle cuisine a été créée à côté de la salle ; l'ancienne cuisine a été rénovée et est à présent la cuisine de préparation. La décoration de la salle est devenue plus intime avec du bois et des tons chauds et terre relaxants, afin que les clients se sentent dans leur propre cocon et puissent se concentrer parfaitement sur l'assiette. Vous ressentez toutefois une impression de cosmopolitisme, de monde. Nous avons également laissé de côté le ‘t’ et avons opté pour Zilte, à savoir le goût de la mer qui occupe une place très importante dans ma cuisine. Mais je travaille aussi avec de la viande et des légumes, donc trouver le bon équilibre est important, mais... l'équilibre n'est-il pas le mot le plus important dans la vie ? Soit, rechercher le meilleur dans tout. »


Et puis vint le corona.
 
Viki Geunes : « Corona a clairement fait comprendre que l'HORECA devait de toute façon être scindé, et cela profitera à tout le monde. Vous ne pouvez honnêtement pas comparer un café à un établissement étoilé. Les intérêts des trois parties sont très différents, mais il y a cependant un dénominateur commun : le personnel. Le nombre de personnes est très variable et dépend de l'occupation et dans la plupart des établissements, cette donnée est très aléatoire. Nous n'avons pas un bon système, ce qui ne facilite pas les choses pour être vraiment rentable. Sachant que si vous voulez garantir un certain degré d'hospitalité, il faut beaucoup de mains pour atteindre le niveau souhaité. Le coût de cette main-d’œuvre rend la croissance difficile et vous oblige à toujours mesurer et compter très précisément pour savoir si vous pourrez dégager des bénéfices, et cela est vrai à tous les niveaux de l’Horeca. Je vois qu’à l'étranger il est possible de faire autrement, le prix de revient du personnel y est beaucoup plus bas (gros soupir), c'est dommage.


On ne cesse de répéter que nous devons mettre la gastronomie belge sur la carte du monde, mais c'est l'une des choses qui nous empêche d'y parvenir. C'est là que le bât blesse. J'ai récemment entendu dire que l'HORECA n'est pas un secteur qui contribue à l'économie... Ça fait mal. Nous sommes tous des entreprises belges ! Vous n’allez quand même pas prétendre que toutes ces multinationales contribuent à l'économie belge. L'emploi, c'est bien, mais au-delà, les bénéfices, les impôts... eh bien, ces grosses entreprises font preuve d’une créativité sans borne en ne les laissant pas dans notre pays. Si vous nous demandez si nous voulons embaucher des personnes supplémentaires, la réponse est immédiatement oui. Le problème est le coût effectif d'un membre du personnel. Il ne s'agit pas seulement du salaire, mais de bien d'autres choses...
Pendant les longs mois de fermeture obligatoire, j'ai essayé de garder mon personnel à bord autant que possible par le biais de plats à emporter et d'activités en extérieur - en déplaçant temporairement le restaurant dans le domaine viticole de Valke Vleug à Liezele. J'avoue que moi-même, j'avais également besoin de continuer à travailler. »

Trois étoiles Michelin en plein COVID.

Viki Geunes : « La fête ! C'est l'aboutissement de ces 25 dernières années, quelque chose vers lequel vous avez œuvré, sans savoir si cela arriverait un jour. Oui, l'euphorie était à son comble, quand vous savez combien de *** il y a dans le monde, alors vous êtes très heureux et fier d’en faire partie. Cela amène aussi pas mal de changements. Vous accueillez plus de clients internationaux. Des portes s'ouvrent pour vous permettre de réaliser de nouvelles choses, pour travailler avec de nouveaux produits. Plus de candidats étrangers se présentent aussi pour  travailler dans la cuisine. Mais malgré tout, trouver du personnel n'est pas évident, surtout par les temps qui courent. Nous sommes 10 en cuisine, et il nous en faut encore deux. Il sont six en salle, et j'en voudrais deux de plus là aussi. Par ailleurs, il y a les personnes en coulisses qui ont besoin d'être renforcées. Nous sommes à présent 25 au total, mais ce n’est pas assez. Cela semble beaucoup, mais vous avez besoin de cet encadrement pour que tout puisse être contrôlé et que vous puissiez trouver la paix et la tranquillité afin de vous concentrer sur l’essentiel : votre cuisine. (rires) J'ai aussi l’immense chance que ma fille Gitte ait rejoint l'équipe. Elle et ma femme Viviane sont mes yeux dans la salle. L'ami de Gitte, Aaron Moeraert, est notre sommelier. Nous formons une équipe familiale très soudée.

L’avenir… Vous avez accompli quelque chose et vous devez continuer à vous montrer à la hauteur. Vous devez continuer à croire en ce que vous faites parce que (motivé) n’avons-nous pas l’un des plus beaux, si pas le plus beau métier du monde : rendre les gens heureux en leur préparant à manger et à boire. La gastronomie est une langue que tout le monde parle à travers le monde! »
 

Zilte, Hanzestedenplaats 5, 2000 Antwerpen www.zilte.be

Auteur : Tine Bral