Pierre Romeyer, 1er Président des Maîtres Cuisiniers de Belgique vient de nous quitter

Co-fondateur et premier Président de l’Association des Maîtres de Belgique, le Baron Pierre Romeyer s’est éteint, la nuit dernière, quasiment à l’aube de ses 90 printemps (il en comptait 88).

Né le 28 juin 1930, il était entré en cuisine – dès l’âge de 14 ans – comme on entre en religion et aura gravi les multiples échelons de la notoriété au fil du temps et des décennies. Le plus emblématique de nos cuisiniers, véritable « pape » de la gastronomie belge était alors devenu notre Paul Bocuse national, aussi célèbre chez nous que l’était Paul Bocuse en France.

Seul cuisinier à avoir été anobli en Belgique, le "Baron" comme l'appelait d'ailleurs toute la profession s'en est allé rejoindre son célèbre ami "Monsieur Paul" au cœur d'une voûte céleste aujourd'hui plus brillante que jamais. Alors que les funérailles se dérouleront en toute intimité, une cérémonie d'hommage devrait avoir lieu à la toute fin de ce mois de juillet. L'Association des Maîtres Cuisiniers de Belgique, dont il était co-fondateur et premier président, comme toute la profession, lui rendront assurément un vibrant hommage à cette occasion.

De nombreuses anecdotes et autant de bons mots du « Baron » continueront à émailler les souvenirs des plus anciens chefs cuisiniers du pays, de tous ceux qui l’ont connu ou croisé et des plus fins palais du royaume.

Parmi ces mille et un souvenirs, (re)voici un extrait de la rencontre de Pierre Romeyer et de Frank Fol, l’ancien et l’actuel Président des Maîtres Cuisiniers de Belgique. Rencontre qui s’était déroulée en mai 2014 et que le magazine des Maîtres Cuisiniers (MCM2) avait publié sur le site en juin 2014.

 

MCM2 (Magazine des Maîtres Cuisiniers) – Juin 2014 – Extrait :

Le Baron Pierre Romeyer reçoit le Président Frank Fol

Par un bel après-midi de mai, dans sa jolie villa du Brabant flamand, son accueillante épouse à ses côtés, l’ancien Président des Maîtres Cuisiniers Pierre Romeyer  a reçu le Président actuel, Frank Fol. Une rencontre croisée exclusive pour le magazine des Maîtres Cuisiniers de Belgique.

Aujourd’hui, chef de cuisine le plus honoré du pays en étant devenu Baron, en ayant eu trois étoiles et en ayant reçu dans votre célèbre Maison de Bouche les plus grands de ce monde, vous souvenez-vous de vos débuts dans le métier ?

Bien sûr ! A 14 ans, ma mère m’a envoyé travailler à l’Auberge Alsacienne à Tervueren.  Mon premier travail y a été de … trier le charbon ! Je n’y étais pas payé mais juste nourri ! Ceci dit, exceptionnellement les jours de fête, à la maison, on mangeait des tomates aux crevettes. Ainsi lorsque mon patron m’a dit que je pouvais manger ce que je voulais, j’ai demandé des tomates crevettes et … j’en ai mangé tous les jours pendant un an ! 

Qu’avez-vous fait après « le charbon » ?

Je tenais le chinois quand mon patron passait la sauce. Il la déglaçait avec du cognac mais je n’aimais pas du tout ces odeurs d’alcool !  Plus tard je suis allé travailler dans la marine pour mon service militaire puis au Savoie, puis dans d’autres grandes maisons. C’était une autre ambiance à l’époque et là il fallait filler doux sans quoi les coups de pieds au c… volaient ! Mais j’ai toujours eu mon caractère … ! C’est bien différent dans les cuisines d’aujourd’hui !

Qu’est-ce qui vous a le plus marqué à l’époque ?

A 26 ans, j’ai gagné le Prosper Montagné mais contrairement à l’habitude on n’a pas mis mon plat à la carte … mais je m’en fichais ! Après, je me suis installé à mon compte, j’ai ouvert mon premier restaurant, le Valvert.

Quelles ont été les difficultés d’ouverture ?

L’argent ! Mais j’ai pu avoir un prêt sur mon travail. Pendant trois ans j’ai dû travailler seul pour rembourser le plus vite possible. Il y a avait vingt couverts et c’était déjà une cuisine gastronomique. Je n’ai jamais fait du vilain travail, jamais !

Quels conseils donneriez-vous aux cuisiniers ?

J’ai un jour eu un ouvrier, un Compagnon du Devoir, qui a commencé sa journée à 8 h et qui à 16 h m’annonce l’avoir terminée. Il m’a demandé s’il devait revenir le lendemain et j’ai dit : NON ! C’est un métier dans lequel il ne faut pas compter ses heures. Il faut travailler dur pour arriver sans avoir peur de commencer au début de l’échelle.

Avec votre titre de noblesse de Baron, n’est-ce pas toute la profession qui est honorée ?

C’est même un honneur pour toute la cuisine en Belgique ; c’est une vraie reconnaissance pour nous tous dans le métier.

En regardant l’ensemble de votre carrière, de quoi êtes-vous le plus fier ?

De l’ouverture de mon premier restaurant. Après, j’ai aussi été fier  de pouvoir  cuisiner pour de nombreuses personnalités belges ou étrangères. Mais ma plus belle récompense a été de cuisiner pour Walt Disney ! Et cela, je peux vous dire que ça marque !