Pierre Burtonboy

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Pierre Burtonboy

Interview

Arrivé dans l’Association des Maîtres Cuisiniers de Belgique en mai 2016, Pierre Burtonboy n’est pas pour autant un nouveau venu dans le monde de la gastronomie belge. Loin de là et c’est même en haut lieu que, durant une décennie, il représenta nos couleurs culinaires à l’étranger. A savoir, lorsqu’il occupa, entre 2000 et 2010, la fonction de chef de cuisine de l’Ambassade de Belgique à Washington. Entre deux Capitales, de Bruxelles où il travaille actuellement à Washington où il retournera prochainement, ce nouveau Maître Cuisinier nous dévoile son parcours singulier.

Pierre Burtonboy, comment est née votre passion pour la cuisine ?

Lorsque j’étais enfant, j’étais toujours fourré dans les jupes – ou plutôt dans les casseroles - de ma mère et de ma grand-mère. Elles étaient de très bonnes cuisinières et j’aimais bien les observer et les aider en cuisine. C’est ainsi que très jeune, j’ai commencé à cuisiner en essayant de faire des pop-corn … ce qui n’a pas du tout marché au début puisque je n’avais aucune idée de la technique de cuisson ! Ensuite, il y a eu l’exemple de ma plus jeune sœur qui est entrée à l’Ecole Hôtelière de Namur. C’est là que j’ai pensé que si elle pouvait le faire, je pouvais moi aussi suivre cette voie. 

Vous avez donc suivi votre sœur à l’Ecole Hôtelière de Namur ?

Non, pas vraiment. Je ne sais pas pourquoi, peut-être parce que j’étais un garçon, mais mon père ne voyait pas cela d’un bon œil. Il était médecin et pensait que c’était une passade pour moi et que je ne garderais pas longtemps cette envie de devenir cuisinier. Il m’a alors proposé un marché : je devais passer mes vacances scolaires en faisant un stage dans une cuisine de restaurant. Il était ami avec Aloyse kloos et il m’a envoyé chez lui durant deux mois en lui demandant de tout faire pour me dégoûter du métier. Cela ne s’est pas passé ainsi et à la fin du stage j’ai voulu continuer car ce travail me plaisait toujours autant. Mon intérêt pour la cuisine ne m’a plus jamais quitté et a même été renforcé par d’autres stages que j’ai ensuite suivis, notamment et à plusieurs reprises, chez Alain Passard.

Vous êtes donc directement entré dans de belles maisons pour faire votre apprentissage ?

Oui, car chez Aloyse kloos c’était déjà une très belle adresse avant qu’il ne déménage à Hoeilaart où son fils Thierry (qui est aussi Maître Cuisinier) tient aujourd’hui leur enseigne. Ensuite, sur le conseil du propriétaire du Stekerlapatte, je suis allé travailler chez Jean-Pierre Bruneau comme commis avant de devoir faire mon service militaire. Après celui-ci, j’ai été engagé comme chef de partie chez Jean-Pierre Fleuvy, à l’époque du Chouan puis au Duc d’Aremberg. Après cela ma sœur a repris un restaurant dans le bas du piétonnier Jourdan, "les Capucines". Comme elle a eu un problème de chef, je suis allé la dépanner et j'y suis ainsi resté chef du Montmartre jusqu’en 2000. Nous aurons alors pas mal de reconnaissances pour ce restaurant qui fonctionnera assez bien grâce à un Bib Gourmand, à un Delta d’Or ou encore à une côte de 15/20 au GaultMillau.

Malgré ce succès, pourquoi partez-vous pour les Etats-Unis ?

En 1990, mon autre sœur était partie s’installer aux Etats-Unis pour lancer un traiteur avec son mari. Bien que j’avais, moi aussi, envie d’y aller, je suis resté en Belgique pour travailler au Montmartre. Mais en 2000, je pars en vacances à Washington et c’est lors d’un dîner chez un ami de ma sœur que je rencontre le chef de l’Ambassade de Belgique. Celui-ci n’était autre que Paul Fourier, qui plus tard sera, comme vous le savez, Maître Cuisinier de Belgique. Il me propose le poste que je vais ainsi reprendre directement car je ne voulais pas rater une telle occasion. Le restaurant familial est alors remis et je peux m’envoler pour Washington le 1er novembre 2000.

Vous revenez en Belgique en 2010. Quel est alors la suite de votre parcours ?

Au bout de dix ans et avec divers changements à l’Ambassade où les budgets de réceptions, grands dîners, etc. allaient être drastiquement  réduits, j’ai souhaité revenir pour ne pas devoir changer mon style de cuisine. Mais les choses avaient changé ici aussi et j’ai découvert les nouvelles difficultés que le secteur commençait à connaitre. J’ai donc travaillé un peu ici et là, à Bruxelles, à Seneffe pour l’ouverture du « Petit Baigneur » puis à Stockel pour l’ouverture du restaurant-Brasserie L’Harmony et enfin, j’ai repris le poste de chef de cuisine du restaurant « En face de parachute ». Mais celui-ci n’a pas été suffisamment bien géré par le propriétaire et je suis parti fin 2015 avant que les portes ne se ferment définitivement quelques temps plus tard.

Quels sont vos projets actuellement ?

J’ai eu cinquante ans en novembre dernier. C’est l’âge de la réflexion et des remises en question ; des bonnes décisions à prendre. Les choses ayant changé ici, j’ai commencé à me dire que je retournerais bien aux Etats-Unis. J’y ai gardé de très bons contacts et j’ai même un ami qui m’a demandé si je serais intéressé de reprendre le poste de chef de son restaurant qui va, dans les prochains mois, connaître de grands travaux de rénovation. Une fois ceux-ci réalisés, soit l’automne prochain, je retournerai m’installer à Washington. Cette ville est en pleine évolution en matière de gastronomie et durant l’année 2016 plusieurs guides l’ont salué en ce sens. Le Michelin y a même lancé une première édition avec d’entrée de jeu trois restaurants doublement étoilés. Parallèlement, le Guide gastronomique américain Zagat a décrété Washington comme Ville N°1 en matière de gastronomie en 2016 et le magazine « Bon appétit » à également noté le haut niveau des restaurants locaux.

L’ami auquel je vais aller prêter main forte est Claudio Pirollo et son restaurant qui s’appelle « Et voilà » est aussi d’un bon niveau que nous allons encore plus tenter d’élever. Claudio est aussi un ami de Christophe Hardiquest ; comme quoi, le monde est toujours aussi petit !

D’ici l’automne 2017, où pourrons-nous goûter votre cuisine ?

Ce n’est pas vraiment ma cuisine gastronomique que vous pourrez y goûter mais je vais passer quelques mois à relancer la carte de l’une des plus anciennes brasseries de Bruxelles, « La Terrasse ». Cette adresse notoire à Etterbeek est voisine de la rue des Tongres et du Cinquantenaire. C’est une brasserie qui s’est un peu égarée avec des préparations venant d’un peu partout et qui a perdu son identité de vraie brasserie bruxelloise. A la demande de son propriétaire, durant six mois, je vais la remettre sur son axe de très bonne cuisine belgo-bruxelloise dans un cadre typique inchangé mais rafraîchi. C’est un nouveau challenge avec une nouvelle équipe et cela me plaît de redorer le blason d’une enseigne bruxelloise en place depuis 1900 !

Pour en revenir à l’Association des Maîtres Cuisiniers, comment l’avez-vous rejointe et qu’en pensez-vous ?

Jean-Pierre Fleuvy m’en parlait depuis des années et trouvait que j’y ai, moi aussi, ma place. Il m’a donc appuyé, avec Alain Troubat pour que j’y rentre et ce sont donc eux deux qui sont mes parrains. J’estime personnellement que devenir membre d’une telle association est comme décrocher un César d’honneur ; les Maîtres Cuisiniers sont à la gastronomie belge ce qu’est un César au cinéma français ! C’est aussi, à mon sens, l’aboutissement d’une belle carrière et un fameux « plus » sur sa carte de visite. Surtout à l’étranger en général et aux Etats-Unis en particulier. Peut-être même davantage qu’en Belgique ! Aux Etats-Unis les gens attachent plus d’importance à la plaque de membre d’association, aux références et reconnaissances que l’on place sur sa façade.

Que pensez-vous pouvoir apporter à l’Association ?

Je pense d’abord partager les mêmes valeurs, le même souci de qualité tant du produit que du savoir-faire. Puis, une fois réinstallé à Washington, je commencerai par aider à la faire connaître aux américains. Il y a déjà notre collègue, Maître Cuisinier, Bart Vandaele à Washington mais aussi d’autres membres-ambassadeurs à New-York (Alain De Coster), au Texas (Christian Echterbille) ou dans le Colorado (Daniel Joly). J’aimerais un jour pouvoir y organiser un voyage pour l’Association. Comme je connais bien Washington, j’aimerais y mettre sur pied une réception à l’Ambassade de Belgique, un dîner de gala composé par des Maîtres Cuisiniers, un tour des membres présents là-bas, des visites et rencontres, … il y a vraiment de quoi faire et je pense que ce serait vraiment sympathique.

Quel est votre avis sur ces grands chefs qui remettent leur étoile ou ouvrent une brasserie, inévitablement plus démocratique ?

Je peux comprendre ceux qui veulent mettre de côté ce stress énorme que représente une étoile. Etre étoilé est aujourd’hui très lourd, à la fois financièrement mais aussi au niveau de la gestion du personnel. Obtenir une étoile n’est pas facile ; la garder est encore plus difficile !

Parallèlement, je pense que les critiques gastronomiques, les médias et les guides devraient faire découvrir davantage de nouvelles adresses, des jeunes, des découvertes car il y en a toujours beaucoup.

Dans un monde de rêve, pour quelle personnalité – vivante ou disparue - aimeriez-vous cuisiner ?

Mon dîner idéal serait celui qui placerait autour de la table Lino Ventura, Jean Gabin et Bernard Blier. Je rêverais de cuisiner pour eux trois mais aussi de venir m’attabler avec eux pour dîner à leurs côtés. C’était des personnalités fantastiques que j’admire toujours autant et ce repas serait certainement extraordinaire tant ils auraient de choses à raconter !

Quel est le produit que vous préférez cuisiner ?

Cette question n’est pas facile … il y en a beaucoup, mais à choisir ce serait la volaille. Je la préparerais uniquement à la rôtissoire. C’est très difficile d’avoir une cuisson parfaite à la rôtissoire. D’ailleurs, je pense que l’on devient cuisinier mais que l’on nait rôtisseur !

Vous vous damneriez pour … ou feriez des kilomètres pour vous attabler chez … ?

Certainement chez Alain Passard ! J’essaye d’y aller au moins une fois par an et j’avoue qu’il est un exemple pour moi et ce à tous niveaux ! Je le connais depuis longtemps ; j’y ai suivi plusieurs stages car il était un ami de la famille. Il cuisine aujourd’hui essentiellement les légumes et je rêve d’organiser un jour une visite de son premier potager et ensuite d’y prendre un repas composé des produits de son jardin. Encore un autre projet qui me réjouis !

Et parmi vos collègues Maîtres Cuisiniers de Belgique, quels sont ceux qui vous impressionnent le plus ?

Certainement Jean-Pierre Fleuvy qui est l’un des chefs qui m’a formé. J’apprécie aussi énormément le travail de Christophe Hardiquest parce qu’il le mérite fameusement et qu’il le vaut bien (rire) !

Je suis ami et je ne voudrais pas oublier Fabrice Vuillemin qui fait un travail formidable dans son petit restaurant de quelques tables seulement, le « Bel-Etage » à Knokke-Heist. Ou encore, afin de parler de toutes les générations, Pierre Wynants pour tout le rayonnement international qu’il a apporté à notre gastronomie belge. Et cela, le travail, l’enseignement, la dynamique de nos prédécesseurs, ce sont des choses que nous ne devons jamais oublier !