Evangelos Triantopoulos

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chef

Evangelos Triantopoulos

Le Gril aux Herbes d'Evan
Brusselsesteenweg / Ch. de Bruxelles, 21
1780 Wemmel
T: +32 (0)2 4605239
F: +32 (0)2 4611912
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Interview

Connu pour être un maître du beau produit, Evan Triantopoulos règne sur deux enseignes emblématiques situées à Bruxelles et à Wemmel. Ainsi, aujourd’hui après d’importants travaux de modernisation, son restaurant initial, Le Gril aux Herbes, se décline en trois versions gourmandes et épicuriennes. Table gastronomique, bar à tapas raffinés et comptoir à sushis sont autant d’espaces où s’attabler à l’intérieur de ce véritable antre du bon goût qui, par beau temps compte aussi sur une superbe terrasse extérieure. En ville, Evan possède cet autre repère pour épicuriens, Le Fourneau, restaurant-bar à tapas gastronomiques orchestré par son beau-fils Gauthier De Baere. Et à l’une comme à l’autre de ses enseignes, Evan affiche toujours les trois éléments-clefs de sa cuisine : le Met, l’Accompagnement, la Sauce ! Pour le reste, tout est chez lui, question d’empathie pour les meilleurs artisans, producteurs et autres excellents vignerons de sa Grèce natale.

Quand et  pourquoi avez-vous rejoint les Maîtres-Cuisiniers ?
Je suis devenu Maître Cuisinier de Belgique en 2004 sous l’impulsion d’Alain Deluc, chef-propriétaire du Restaurant Barbizon, Président des Maîtres Cuisiniers et qui, cette même année 2004 était nommé, en France, Chevalier de l’Ordre du Mérite. C’était une époque en pleine réflexion sur la qualité du produit pour les Maîtres Cuisiniers qui en ont fait, dès ce moment là et jusqu’à ce jour encore, un réel objectif. Cette importante mouvance, cette prise de conscience et ce souci de qualité du produit, au sens large, m’interpellaient déjà depuis un bon moment.

Que pensez-vous de l’évolution de l’Association des Maîtres Cuisiniers ?
L’évolution est bonne mais se fait lentement. L’Association des MC aura été longue à sortir de sa somnolence ce qui est un peu la conséquence d’une caractéristique du métier : l’individualisme. Il faut faire comprendre aux cuisiniers qu’ils sont dans une association, qu’ils ne sont pas seuls mais rassemblés au sein d’un groupe de même ambition.

Quelles sont les qualités que doit avoir un Maître Cuisinier ?
Il lui faut une connaissance pointue, une maîtrise parfaite du métier. Ensuite, chose primordiale malgré l’individualisme encore trop présent, il doit partager ses connaissances. Tant avec sa brigade, qu’avec la génération suivante ; les cuisiniers de demain.

Qui admirez-vous le plus dans la profession ?
Sans hésitation, c’est à Jean-Pierre Bruneau que je pense. C’est un cuisinier qui est chaque jour présent dans sa cuisine et qui est capable d’en sortir des plats formidables ! De plus, il est ouvert à l’échange, au dialogue et il est toujours prêt à prendre le temps de s’asseoir pour une conversation enrichissante sur les sujets qui nous préoccupent et nous passionnent ! 

Où trouvez-vous votre inspiration ?
Dans les voyages et dans la lecture. Je suis passionné de livres anciens et contemporains, j’en ai beaucoup et suis souvent plongé dedans. Ensuite, bien sûr, les produits eux-mêmes sont une grande source d’inspiration pour moi.

Originaire de Grèce vous êtes arrivé en Belgique enfant. Que reste-t-il de grec dans votre cuisine ?
La cuisine de mon enfance, celle de ma mère, était une cuisine que l’on pourrait appeler une cuisine courte, sans fioritures mais très bonne car faite avec des ingrédients, simples et goûteux tels un poulet rôti et une salade à la bonne huile d’olive. D’ailleurs, aujourd’hui encore il coule de l’huile d’olive dans mes veines ! Et bien sûr, cette excellente huile d’olive grecque se retrouve dans ma cuisine et sur mes tables du Gril comme du Fourneau. Je propose également d’excellents crus grecs que je fait régulièrement découvrir à mes clients et j’ai des amis vignerons qui, là-bas, apportent le plus grand soin à leurs vignes et me fournissent un vin très qualitatif.

Comment qualifieriez-vous votre cuisine et quel en est votre « plat signature » ?
Ma cuisine est simple et compliquée à la fois. Outre l’attention pointue à la qualité du produit, je suis particulièrement attentif aux techniques de cuisson. Comme préparation « signature », je dirais le foie gras qui est un produit fin et délicat et qui doit avoir une cuisson courte et brute. Il faut arriver à stabiliser sa cuisson à 190°C pendant 6 minutes afin de provoquer un choc thermique et fixer les parfums. J’ai trouvé cette recette dans un livre ancien et je l’accommode de façons variables au gré de mes idées du moment. Actuellement le foie gras ainsi cuit est placé dans un macaron pour une singulière association sucrée-salée à la texture à la fois moelleuse et croquante.

Que pensez-vous des crises alimentaires ?
La crise – alimentaire en général - est là et bien là. Aussi, est-il très important de veiller à la proximité des produits que l’on utilise. Chose plus difficile à Bruxelles qu’en province. Nous devons de plus en plus chercher de petits producteurs. Je pense que pour permettre à ceux-ci d’exister et de se développer, il faut leur offrir une vraie reconnaissance, un confort minimum, une qualité de vie et de travail tout à fait légitimes. Il y va de leur survie et je trouve que l’on devrait les encourager bien davantage en leur donnant un statut, en les identifiant et en les valorisant. Quand je suis arrivé en Belgique à l’âge de 6 ans, tout le monde avait son jardin avec son petit potager ce qui s’est perdu avec le temps mais qui semble peu à peu revenir aujourd’hui.

Etes-vous un vrai passeur de savoir et de passion ?
Je suis comme la croix égyptienne qui, à mon sens, figure la naissance, la connaissance et la diffusion/transmission de cette connaissance. Elle pourrait être mon emblème car il faut toujours transmettre tout ce que l’on peut ou alors ce n’est pas la peine d’être sur terre.

A quel produit, quel ustensile accordez-vous le plus d’importance ?
A la casserole à pression. Pour l’instant j’en ai plusieurs en format mini et je travaille beaucoup avec elles. Quant au produit, je ne pourrais pas me passer d’huile d’olive, de poivre et de sel, tout simplement.

Et dans votre entourage, de qui ne pourriez-vous pas vous passer ?
De ma femme et de mes enfants ; toute ma tribu, en fait. Et je peux vous dire que quand mon fils et mon beau-fils - tous deux cuisiniers également – se mettent à refaire le monde, ce n’est vraiment pas mal du tout !

Quelle évolution voyez-vous dans la cuisine actuelle ?
La cuisine en ce moment est entre deux chemins. D’une part, elle reflète l’héritage de Ferra Adrian, d’autre part, elle a gardé la pureté – sans l’excès de minimalisme – de la « nouvelle cuisine » et évolue sans cesse. Il faut donc attendre. Il y a là de quoi méditer entre les dérives de cette nouvelle cuisine avec son dépouillement à l’extrême et ce que l’on a communément appelé le « moléculaire » qui amène à se demander ce qu’il en restera dans le futur. J’ai apprécié d’en parler avec Sanghoon Degeimbre qui, chez nous, est le premier à avoir osé aller si loin dans cette approche du moléculaire. C’est très enrichissant de dialoguer avec lui car San est un cuisinier intelligent et très fin ; il a beaucoup de choses intéressantes à dire sur le sujet.

Qu’en est-il, à vos yeux, du rôle des pouvoirs publics en matière de culinaire ?
Les pouvoirs publics ne se rendent pas compte de la puissance de notre secteur. L’énorme travail qu’il draine à travers sa capacité d’embauche, de son pouvoir économique, de son dynamisme. Il y a vingt ans, le chef notoire qu’était Eddy Van Maele le disait déjà : que se passerait-il si on fermait tous notre restaurant ?

Pensez-vous que la cuisine soit un art ? Fait-elle partie du patrimoine culturel d’un pays ? 
Bien sûr, elle est les deux à la fois et cela d’office partout dans le monde.

Quel est le dernier restaurant à vous avoir épaté ?
« Epicure » le restaurant d’Eric Frechon au Bristol à Paris. J’y ai un excellent souvenir de sa poularde à la truffe et d’une dégustation de Madère exceptionnel proposée et commentée par l’excellent sommelier de cette grande table triplement étoilée.

Avec qui aimeriez-vous dîner ?
Avec Paul Bocuse. J’aimerais beaucoup manger avec lui dans sa propre cuisine.