Rocky Renaud

Top Restaurants
chef

Rocky Renaud

Le Passage
Av. J. & P. Carsoel 17
1180 Bruxelles
T: +32 2 374 66 94
Facebook link Facebook link
Interview

Dans une belle et vaste maison uccloise des abords de la notoire Place St Job, Rocky Renaud orchestre au Restaurant Le Passage, une élégante cuisine contemporaine teintée d’une personnalité à la constance indétrônable. Depuis longtemps les habitués suivent ce chef étoilé devenu, en mai 2014, Maître Cuisinier de Belgique. Les fidèles de l’Association, quant à eux curieux de nouveaux talents, seront tout aussi enchantés de découvrir l’une des cuisines les plus raffinées du sud de la capitale parfaitement maîtrisée par un chef d’une humilité confondante. Rencontre.

Quelle formation avez-vous et quel est votre parcours ?
Je suis entré au Céria au début des années 80 puis je suis parti faire mon service militaire. A mon retour, j’ai travaillé chez Jean-Pierre Fleuvy dans son restaurant Le Chouan puis chez Jean-Pierre Bruneau durant quelques mois et ensuite à la Villa Lorraine avec Freddy Vandecasserie. Là j’ai été second durant trois ans et c’est à cette époque que la Villa Lorraine a eu deux étoiles au Michelin. En 1994, nous avons ouvert Le Passage, ici à côté de la Place Saint-Job à Uccle, avec Pierre Duqué et en 2009 nous avons déménagé et nous nous sommes installés quelques numéros plus haut dans une nouvelle maison que nous avons totalement rénovée.

Comment êtes-vous devenu Maître Cuisinier et ce seulement en 2014 ?
Je connaissais Frank Fol de La Villa Lorraine où nous avons travaillé au même moment. Cela m’a poussé à entrer dans l’Association qui m’en avait d’ailleurs déjà fait la proposition. Je n’avais pas donné suite à cette époque mais Frank Fol est venu manger ici un peu avant les fêtes de fin d’année et m’a démontré que je faisais partie du lot de cuisiniers qui se devaient d’être membre. Il estimait que je devais en être et je l’ai écouté.

Comment envisagez-vous les choses maintenant que vous êtes membre de l’association ?
C’est gratifiant d’être membre des Maîtres Cuisiniers, surtout lorsque l’on vient vous chercher ! Mais, même si l’on me l’avait déjà proposé, avant ce n’était pas facile pour moi car, comme beaucoup, j’ai eu des moments où il a été difficile de trouver du personnel de cuisine ; le moment n’était donc pas opportun plus tôt. Actuellement, j’ai pu engager quelques bons éléments et la brigade est à nouveau optimale avec, notamment, un chef pâtissier français. Comme l’équipe est en pleine formation, et que je dois aussi ne pas exagérer suite à des soucis de santé que j’ai rencontré il y a presque un an, je n’aurai malheureusement pas beaucoup de temps pour me consacrer à l’Association. Mais j’estime beaucoup le travail qu’y fait Frank Fol et je serai en plein accord avec les démarches actuellement entreprises par les Maîtres Cuisiniers. Ce qui n’empêche que si j’ai quelque chose à dire, même si vous pensez que je suis modeste et effacé, je le dirai ! Je trouve qu’il faut être franc, c’est important dans les relations humaines.

Quel est votre meilleur souvenir dans le métier ?
C’est l’ouverture du Passage en 1994. J’ai beaucoup de plaisir à travailler ici où tout est fait maison où en vivant à l’étage, je suis en permanence sur place et je peux faire le jardin, cultiver des herbes et aller faire le marché matinal de temps en temps. Cela me permet de me tenir au courant des produits saisonniers, de ce qui se fait actuellement. J’ai aussi mes fournisseurs préférés et c’est important pour moi de leur être fidèle et d’avoir le contact directement avec eux pour parler d’un poisson en particulier ou même d’une salade de saison. 

Quel a été votre réaction lorsque vous avez été étoilé ?
Je dois dire que je ne m’y attendais pas du tout même si j’ai toujours essayé de travailler comme il faut, au mieux de mes connaissances et capacités. Une étoile, c’est aussi une fameuse reconnaissance et j’estime que l’on ne remet pas une étoile, on tente de la conserver et de continuer de travailler du mieux possible.

Défendez-vous des valeurs communes avec l’Association des Maîtres Cuisiniers ?
Bien entendu ! Il faut travailler un maximum avec passion, avec amour. Nous attachons tous une grande attention au travail et à valoriser les meilleurs produits même s’ils ne sont pas que du terroir belge. Je suis cependant un fervent défenseur de nos fromages, de nos bières, de nos crevettes nationales ! Il faut aussi toujours être à l’écoute des clients et de leurs attentes.

Que pensez-vous de la cuisine actuelle, des modes et des tendances ?
En cuisine, j’estime qu’il ne faut pas aller trop loin. Pour ma part, je n’ai pas appris la cuisine moléculaire et je préfère que l’assiette présente quelque chose à se mettre sous la dent ! Je connais mes classiques et j’aime m’employer  à les personnaliser.

Vous aussi, vous déplorez le manque d’attention des pouvoirs publics et leur ignorance des difficultés du secteur ?
Je suis parfois agacé par tout ce qui se passe et je trouve qu’il nous faut beaucoup de motivation pour pratiquer ce métier. Il y a beaucoup de difficultés dans le secteur et nous rencontrons beaucoup d’obstacles à le pratiquer au mieux. J’estime qu’il faudrait alléger les contraintes, les charges qui nous sont imposées. Il faudrait aussi revoir à la hausse le financement des écoles hôtelières. Il y a pas mal de choses qui font défaut et c’est difficile aujourd’hui d’être chef cuisinier et patron de restaurant. Je comprends aisément certains qui abandonnent et changent d’orientation.

Avez-vous un maître à penser, un chef que vous admirez et pour lequel vous aimeriez cuisiner ?
C’est d’abord mon chef à la Villa Lorraine, Freddy Vandecasserie et si je devais cuisiner pour lui, ce serait ce qu’il aime agrémenté à ma façon, comme un pot au feu ! J’apprécie aussi beaucoup Olivier Roellinger et ses épices que j’utilise pour améliorer ma propre cuisine.

Quel est le plat mémoire de votre enfance et pour quelle autre préparation feriez-vous des kilomètres ?
Le pain perdu que je mangeais une fois par semaine. Ma mère le faisait lorsque j’étais enfant et j’ai continué à le préparer moi-même par la suite. Quant à mon plat préféré, je pense que c’est pour une très bonne choucroute que je pourrais faire des kilomètres !

interview Joëlle Rochette