Philippe Fauchet

Top Restaurants
Wall of Fame
chef

Philippe Fauchet

Philippe Fauchet
Rue de Warfée, 62
4470 Saint-Georges
T: + 32 4 25 95 939
Facebook link Facebook link
Interview

A l’image de son concepteur, la cuisine de Philippe Fauchet est vive et colorée, rafraichissante  et audacieuse. A la fois sauvage et vagabonde, une fois sur assiette elle se montre confondante de saveurs tout en ébouriffant les codes du « bien penser » et du « bien agencer ». Normal, lorsque l’on connaît le parcours de ce cuisinier quasi autodidacte – bien que formé à l’Ecole Hôtelière de Liège - et toujours décidé à sortir des sentiers battus. Et c’est tant mieux car aujourd’hui, ce nouveau venu dans l’Association des Maîtres Cuisiniers, fait toujours preuve d’originalité et est reconnu bien au-delà des frontières de la Province de Liège tant par ses pères que par les plus fins gourmets.

Comment êtes-vous devenu cuisinier ?
Rien ne m’y prédestinait car je viens d’une famille nombreuse dans laquelle personne ne travaille dans le secteur. J’ai toujours fait différemment des autres, un peu bande à part. Enfant déjà, j’aimais passer du temps aux côtés de ma mère en cuisine. C’est donc plutôt la passion qui m’a amené à devenir cuisinier. Aujourd’hui, je peux dire que je me suis fait tout seul.

Vous êtes entré récemment dans l’Association, comment cela s’est-il passé  ?
En 2012, j’ai reçu le titre de Meilleur Restaurant de Légumes au Gault&Millau. C’est donc Frank Fol qui est venu me proposer d’entrer chez les Maîtres Cuisiniers. Jusqu’alors, je n’avais jamais souhaité entrer dans une association quelle qu’elle soit.  Je n’avais pas envie de rentrer dans une case, de suivre une direction commune ; j’ai toujours voulu avoir toute ma liberté.
Ici, c’est différent ; cette reconnaissance de Meilleur Restaurant de Légumes mettait ainsi en avant le travail que j’assure depuis toujours par rapport aux fruits et légumes. Ensuite, la maturité aidant, je n’étais plus si hostile à rejoindre une association et trouvais que c’était bien de s’ouvrir aux autres.

Avez-vous eu facile à intégrer l’Association des Maîtres Cuisiniers ?
Bien que ce soit Frank Fol qui est venu me chercher, mon intégration a été un peu difficile car, il y a quelques mois encore, je n’y connaissais personne. Ce n’est plus le cas aujourd’hui vu que nous sommes plusieurs nouveaux à l’avoir rejoint dont des cuisiniers de ma région comme, entre autres, Arabelle Meirlaen que j’apprécie vraiment beaucoup.

Que vous apporte l’association ?
De la reconnaissance bien entendu. C’est un gage de qualité que de faire partie des Maîtres Cuisiniers. On l’ajoute sur sa carte-menu et les clients sont à leur tour très heureux et fières de fréquenter une maison qui affiche ce genre de titre.

Que pensez-vous de l’évolution de l’association ?
Cette évolution récente est évidente et très intéressante. Je trouve que c’est vraiment très bien de moderniser ce genre d’association, d’y introduire de nouveaux venus emblématiques et de la dynamiser comme cela se fait actuellement. De plus, je trouve très bien aussi les voyages qui y sont organisés et j’aimerais participer à plusieurs d’entre eux, même s’il est difficile pour moi, comme pour beaucoup, de fermer le restaurant. Pour moi, il est hors de question que je quitte mon restaurant – que j’ai ouvert il y a  17 ans – en le laissant ouvert alors que je n’y suis pas.
N’est-ce pas là également une question économique, de personnel ?
Oui, tout à fait. Outre le fait que j’estime que ma place de patron-cuisinier est dans ma cuisine, nous ne pouvons pas nous permettre de fermer. Mon équipe est trop petite et il est toujours plus difficile de trouver du personnel compétent, des jeunes motivés et bien formés.

La formation est, à vos yeux, un grand problème du secteur de la restauration ?
Bien évidemment. Les écoles ne forment plus de façon efficace et sont, la plupart du temps, soumises au lobby des grosses entreprises qui leur fournissent les produits tout à fait finis. Alors que ce sont ces même produits qu’un élève devrait apprendre à faire à l’école. Il en est ainsi pour les fonds de sauce, par exemple. On n’apprend plus aux jeunes comment les préparer, on prend ceux qui sont fournis par les marques sponsors.  C’est désastreux car c’est ce genre d’attitudes qui contribuent à faire perdre les bases de notre métier.
Par ailleurs, les horaires posent aussi problème. Ils sont souvent considérés par les jeunes comme trop lourds. Et puis, il faut dire que nous sommes tellement taxés, on est vraiment pris à la gorge par les contrôles nous tombant dessus de toutes parts et à tous moments. On nous considère comme des voleurs alors que nous travaillons comme des malades et créons de l’emploi ! C’est ainsi que tout devient extrêmement complexe dans ce secteur et que beaucoup renoncent et ferment leur porte.
Enfin, je trouve aussi que les jeunes manquent de passion et « n’en veulent plus » comme on pourrait l’espérer. D’ailleurs, je viens de perdre ma seconde qui, jeune maman, a préféré se retirer pour mieux s’occuper de sa famille. Je peux le comprendre mais j’ai du mal à trouver quelqu’un de bien pour la remplacer. Aussi, si vous entendez un jeune motivé qui soit disponible, même sans aucune formation mais avec une bonne motivation, je serais heureux de le former et de lui apprendre le vrai métier de cuisinier !

Parlant de « jeunes », vous qui avez deux garçons de 11 et 14 ans, rêvez-vous qu’ils vous rejoignent en cuisine plus tard ?
Je ne vois pas les choses comme cela. Je veux qu’ils fassent d’abord des études. Du moins s’ils en sont capables comme l’aîné qui est en latin-grec, qui a de bonnes capacités pour apprendre et qui aime l’école. Après on verra, je ne brusque rien, chacun fera ce qu’il voudra pourvu que cela le passionne et qu’il soit sérieux, soigné et honnête. Je suis cependant intransigeant avec eux et je considère qu’ils doivent travailler et aussi nous aider, en fonction de leurs capacités, à la maison ou même au restaurant. D’ailleurs l’aîné nous aide déjà au restaurant ; je vois qu’il aime cela aussi et nous, sa maman et moi, cela nous fait plaisir. Mais quoi qu’il en soit, il faut qu’il continue l’école et qu’il obtienne un diplôme solide dans un autre domaine avant, peut-être un jour, travailler dans la restauration. A mes yeux, et en fonction de ce que je viens de vous dire, il n’est pas nécessaire aujourd’hui de passer par une école hôtelière pour devenir cuisinier. Travailler dans de belles maisons et avoir la passion et le sérieux sont suffisants vu que l’école hôtelière fait, en général, plutôt défaut.
Il y a un malaise dans notre société actuellement. Je trouve que les jeunes ont accès à tout et trop facilement. Chez nous, ce ne sera jamais ainsi car nous veillons, ma femme et moi, à une éducation stricte de nos fils. C’est très important de les encadrer, de les structurer mais surtout de toujours être là pour eux et ça ils le savent très bien. Alors moi qui suis d’une première génération de cuisiniers, je ne sais pas s’il y en aura une autre après. Je l’espère, mais on verra bien.

Pour revenir à votre cuisine, outre les légumes, quelle sont vos autres particularités ?
Je cuisine beaucoup les poivres ; des poivres différents et des épices également venant d’un peu partout dans le monde. J’aime aussi ajouter à mes plats diverses fleurs qu’une dame des environs fait pousser puis vient m’apporter directement après leur cueillette. Elle les cultive en petites quantités pour quelques restaurants où l’on apprécie la fraîcheur et l’originalité de ces jolis produits de la terre.
Par ailleurs, j’ai aujourd’hui un second espace que j’ouvre le dimanche soir dans l’espace voisin de la cuisine. C’est une salle très rustique modernisée par sa décoration contemporaine personnalisée et très conviviale avec sa longue table d’hôtes sur laquelle donne directement la cuisine.
Là, cette cuisine est plus simple, plus brute, davantage axée sur le produit comme, par exemple, un jambon iberico Bellota, une pièce de bœuf de Salers maturée 30 jours puis passée sur le grill avec une salade croquante et des pommes de terre Charlotte cuites sur la braise. Du simple mais toujours des produits de parfaite qualité aux tarifs abordables pour tous.
Enfin, notre cheval de bataille est le « Menu Plaisir ». Servi midi et soir en semaine ainsi que le vendredi soir et le dimanche midi, il est facturé 45 € pour 3 services avec une série de mises en bouche suivie d’une entée, un plat et de petites dégustations de desserts. C’est amusant mais quasi tous les clients viennent et reviennent – parfois plusieurs fois par semaine - pour ce menu alors que nous avons un lunch à 30 € !
Comme quoi la qualité et l’attention au meilleur rapport qualité-prix est toujours particulièrement apprécié, surtout à l’heure actuelle !