Joris Wils

Top Restaurants
chef

Joris Wils

De Repertoire
Poederleeseweg 15
2200 Herentals
T: +32 014 86 97 97
F: +32 014 86 97 98
Facebook link
Interview

Nous nous accrochons en permanence à notre efficacité

Joris Wils est devenu un de nos nouveaux Mastercooks. Son restaurant De Repertoire est considéré comme une des valeurs sûres de Herentals. Avec une carte étendue, qui va des sandwiches, des salades et des pâtes jusqu'aux préparations les plus raffinées, il attire un large public. En tant que président de l’Horeca de la Campine moyenne et fort de sa longue expérience d’entrepreneur, il connait bien les points sensibles de son secteur. Sur base d’une stratégie sophistiquée et la calculette à la main, il gère ses affaires de manière très équilibrée.

Pourquoi êtes-vous devenu cuisinier ?

Joris Wils : “A l’âge de 5 ans, je faisais déjà des crêpes à la maison et je préparais du pudding. Ma mère, qui cuisinait aussi volontiers que bien, a dû bien m’inspirer car dès mes 7 ans je voulais déjà devenir cuisinier. Après la fin de mes primaires, j’ai rejoint l’école hôtelière Spijker où j’ai suivi le parcours durant 8 ans. A partir de l’âge de 16 ans, j’ai, jusqu’à la fin de mes études, travaillé tous les samedis au Hof van Eden, qui était à l’époque le restaurant le plus chic de Beerse. Et tous les vendredi, j’allais donner un coup de main à la Kapelhoeve, une salle des fêtes à Turnhout. Il s’agissait là de deux  jobs intéressants: d’un côté la cuisine raffinée, de l’autre, la cuisine de fête, avec des plats plus simples mais un rythme plus conséquent. Je pense que c’est à l’époque qu’a germé la graine qui a éclos avec ce que je fais aujourd’hui : une brasserie où l’on cuisine à un haut niveau mais pour un grand nombre de convives. Durant mes stages, j’ai atterri au Prieuré de Corsendonck (Oud-Turnhout), un centre de séminaires où étaient également organisées des fêtes. Après un bref passage dans un restaurant à Weelde, je suis revenu relativement rapidement au sein du groupe Corsendonck. Celui-ci était  à l’époque en train de réorganiser l’hôtel Vianne à Turnhout. J’y ai travaillé durant un an dans la cuisine. C’est après cela que l’on m’a demandé de devenir le chef du Prieuré de Corsendonck. J’avais alors 21 ans. Le propriétaire venait de confier la section F&B  à deux jeunes entrepreneurs. J’étais responsable des cuisines. Six mois plus tard, en association avec le comptable de l’époque, j’ai repris les parts. Il est toujours mon associé et mon comptable.  En 9 ans de temps, nous avons fait passer le nombre d’événements organisés au Prieuré de quelques-uns par an à près de 180…. Il s’agissait aussi bien de petites fêtes que d’un walking dinner de 750 couverts. Le Prieuré disposait également d’un hôtel, ce qui nous permettait de disposer de tous les éléments nécessaires à l’organisation de fêtes réussies.

La cuisine ne vous manquait pas à l’époque ?  

Joris Wils: “Assurément. Nous avions un contrat de dix ans au Prieuré. Après neuf ans, le propriétaire a voulu récupérer la partie F&B. Nous sommes alors partis à la recherche de notre propre affaire au sein de laquelle je pourrais à nouveau me mettre aux fourneaux. C’est comme cela que nous sommes arrivés à un bâtiment à Herentals. Il était vide depuis trois ans et était complètement désaffecté mais il disposait d’une localisation intéressante. Nous l’avons entièrement reconstruit depuis le sol jusqu’au plafond. C’était il y a déjà 15 ans, ce qui signifie qu’il nous faut songer à une nouvelle rénovation. Celle-ci est prévue pour 2020. Dans l’Horeca, il ne faut jamais tirer sur la corde et attendre qu’une affaire soit allée trop loin. « 

Votre carte est très étendue, avec aussi bien des sandwiches, du fingerfood, des pâtes et des hamburgers que des plats raffinés. Ceci a été le cas dès le départ?  

Joris Wils : ”Au début, la carte était encore plus étendue. Nous l’avons concentrée au fil des années mais de manière très réfléchie. La garniture des sandwiches revient égalemment dans d’autres préparations, comme le saumon fumé, l’américain qui est préparé à la minute pour chaque sandwiche, et la tomate avec de la mozzarella que l’on retrouve également dans les salades et les pâtes. Nous essayons de faire appel à des ingrédients que nous pouvons décliner de façons multiples. Auparavant, nous avons une carte d’été et une carte d’hiver. Depuis trois ans, nous avons opté pour une carte fixe avec des produits qui ne sont pas liés aux saisons. Celle-ci comporte tous nos classiques qui, hormis quelques changements de garniture, ne varient jamais. Ainsi, nous avons des clients qui viennent spécialement ici pour le carpaccio. Par le passé, nous avons remplacé la salade César par une autre salade à base de poulet. Cela ne nous a pas porté bonheur. Nos classiques constituent des valeurs sûres auxquelles il ne faut pas toucher. Pour conserver notre créativité, nous présentons, à côté de la carte classique, une carte de suggestions avec des propositions que nous changeons de manière hebdomadaire en fonction des saisons et du marché. 

Votre carte fait état de votre philosophie concernant le bien-être animal, l’environnement, la durabilté et aussi les allergènes. D’où viennent ces préoccupations ?  

Joris Wils : “Voilà déjà un certain nombre d’années que nous avons été confrontés avec une demande croissante pour une alimentation dépourvue d’allergènes. Je me demandais comment il se faisait que tant de personnes présentaient une allergie à tel ou tel aliment. Une des raisons en est que notre alimentation n’est plus normale. Ainsi, les légumes ne présentent plus les mêmes qualités nutritionnelles qu’ils possédaient du temps où nos aïeux les cultivaient sur des terres engraissées naturellement.  L’emploi d’engrais artificiels fait que la quantité de nutriments subsistant n’est plus la même. Voilà pourquoi je travaille presqu’exclusivement avec des légumes biologiques. Pas encore à 100 %, l’offre étant très variable, mais j’opte pour des légumes et des fruits qui sont cultivés dans le respect de l’environnement. Également, la viande que je mets en œuvre doit provenir d’éleveurs respectueux du bien-être animal. Nous avons poussé ce raisonnement jusqu’à des produits comme le saumon. Nous ne travaillons plus qu’avec du saumon écossais label rouge, qui se rapproche le plus du saumon sauvage.  Pour un morceau de ce poisson je demande, en en étant presqu’honteux, 27,50 €, et encore sans sauce. Et pourtant, je dois commander tous les jours deux grands filets dont je tire entre 7 et 8 portions. Car j’ai des clients qui ne veulent plus manger du  saumon autre part que chez moi. Dans la même optique, je voudrais bien arrêter de travailler les scampis car en ce qui les concerne, il ne peut être question d’élevage durable. Mais je dois bien raisonner d’un point de vue économique. Les scampis restent extrèmement populaires et ils restent donc sur la carte.”

D’où tirez-vous votre inspiration ?

Joris Wils : “De partout. Lorsque je vais manger chez des collègues, il y a toujours bien une garniture, une association ou un mode de préparation qui me marque. Je vois des choses qui me donnent des idées dans les revues, les livres et à l’occasion de salons. Lorsque je travaille un menu, me reviennent alors des choses que jai déjà vues et c’est ainsi que naissent de nouveaux plats.”

Quels sont, selon vous, les défis de votre secteur ?

Joris Wils : “Je suis président d’Horeca pour la Campine moyenne. Chaque mois, nous avons des réunions régionales et provinciales au cours desquelles reviennent régulièrement les mêmes points sensibles :  la boite noire, la rentabilité, le personnel et l’organisation. ”

Comment résolvez-vous ces problèmes dans votre propre entreprise ?

Joris Wils : “Avant l’arrivée de la boîte noire, nous nous étions déjà préparés à ses conséquences. En fait, dès 2011, l’année où son introduction a été programmée. Depuis son arrivée définitive, nous travaillons très fort sur notre rentabilité. Mon partenaire en afffire est comptable, ce qui signifie que nous suivons les chiffres de très près  et que nous opérons des changements de cap lorsque cela s’avère nécessaire. Voici trois ans, nos avions encore 15 personnes à temps plein, maintenant, nos n’en avons plus que 11. Nous avons également modifié nos horaires d’ouverture.  Jusqu’à voici quelques années, nous étions ouvert 7 jours sur 7, maintenant, ce n’est plus que 6 sur 7. Nous avons également supprimé notre service de petit déjeuner, ce qui nous permet de ne plus faire commencer personne en cuisine à 9h00. Ceci nous permet de faire des économies sur les heures de travail.

Une chose avec laquelle se battent bon nombre de professionnels de l’horeca, c’est bien le calcul des coûts. Comment vous y prenez-vous ?  

Joris Wils : “Une calculette se trouve dans ma cuisine et tout le monde l’emploie. Ainsi, si, par exemple, je me fais livrer 5 kg de poisson, celui-ci est immédiatement portionné et conditionné et, une fois ceci opéré, je veux connaître le coût d’une portion. Ce coût évolue au fil des saisons. Il n’est pas possible de savoir à l’avance combien de portions un poisson va permettre de faire. Imaginons que je tire 30 portions de 5 kg. Et bien dans ce cas, je prends le prix d’achat -par exemple 300 €- et je le divise par 30, soit 10 € la portion. J’en fais de même avec les légumes et les garnitures. Tout est calculé en fonction du prix par portion et je multiplie ce prix par trois plus TVA pour le client. A l’exception des produits chers, comme le homard, sur lesquels j’opère un autre calcul. C’est entre autres pour cela que je n’ai pas de sole à la carte en permanence. Sur les menus d’autres établissements, je vois souvent que ce poisson est annoncé au « prix du jour ». Ça, je ne veux pas le faire. Car un client ne commande pas cela très facilement et va rarement demander quel est ce « prix du jour ». Mais lorsque le prix en est raisonnable sur le marché, alors je la mets en suggestion et je la vends autour des 35 € la portion, ce qui est un prix correct. « 

Est-ce que la période du gibier est populaire auprès de votre clientèle ?

Joris Wils : “Encore toujours. Mais dans le passé, je proposais une carte de gibier séparée avec cinq variétés de celui-ci. Cette année, je procède de manière tout à fait différente. J’ai restreint l’offre à deux suggestions de gibier. J’ai commencé avec le faisan et le cerf. Et je change en fonction de l’évolution de l’avancement de la saison. Ce qui me permet une gestion financière plus précise.”

Est-ce que la combinaison du travail et de la famille est une chose facile pour vous ?

Joris Wils : “Nous n’avons pas d’enfants, ce qui facilite déjà les choses. Ma femme travaille également au sein de la maison et est responsable de la salle. Mais, au fil des années, nous avons pris soin de mieux canaliser le travail. Ainsi, cela faisait longtemps que nous travaillions six jours sur sept et maintenant nous sommes passés à cinq jours sur la semaine. Dans le passé, nous attendions que le dernier client ait quitté l’établissement, c’est-à-dire la plupart du temps vers minuit et demi ou une heure du matin, alors qu’aujourd’hui, nous partons systématiquement entre onze heure et minuit. Je cuisine encore moi-même presque tous les  jours mais je consacre régulièrement un jour aux rendez-vous et aux tâches administratives. Nous avons également une salle de fête mais nous n’y accueillons plus 135 personnes comme par le passé mais 65 maximum. La plupart du temps, il s’agit de petites fêtes mais au même niveau de qualité qu’au restaurant. Et nous avons une équipe de serveurs occasionnels pour assurer un chemin optimal aux produits de la cuisine au cours de ces évènements.

Après deux ans de candidature, vous êtes devenu un Mastercook en bonne et due forme. Quel est votre expérience des réunions jusqu’à maintenant ?

Joris Wils: “Les Mastercooks constituent pour moi un cercle amical très  chaleureux. Au départ j’avais quelques craintes car au sein de l’Horeca, on trouve beaucoup de gens à l’ego surdimensionné. Mais ce n’est absolument pas le cas au sein des Mastercooks. Il s’agit d’un groupe riche de sa diversité au sein duquel chacun peut être lui-même. Il ne s’agit pas seulement de chefs étoilés mais également de traiteurs ainsi que de spécialistes du catering. Il est très intéressant d’échanger des points de vue avec chacun d’entre-eux.”

Comment voyez-vous votre propre avenir ?

Joris Wils : “Nous voulons encore poursuivre notre tâche ici, autrement, nous n’aurions pas décidé de rénover l’établissement. Nous tourner les pouces n’est pas quelque chose qui nous conviendrait. A cause de la boite noire, nous avons dû nous mettre à travailler plus dur avec moins de personnel. Mais avec tous ces efforts, nous sommes à nouveau rentables, avec en plus des boni. 2019 a été pour cela une année pivot.  Ceci a aussi affaire à l’évolution des prix. Les cinq dernières années, les prix dans l’Horeca ont sérieusement grimpé et je pense qu’ils pourraient encore monter un peu. Ceux qui ont le plus profité du noir dans l’Horeca, ce sont les clients. Ceux-ci payaient relativement peu pour leurs repas. Aujourd’hui les prix reflètent plus ou moins le marché. Grâce à la boite noire, est apparue une plus grande transparence et ceci rend le secteur plus attractif pour les investisseurs. Autrefois, la revente d’une affaire constituait une poire pour la soif au moment de la pension. Ceci n’est néanmoins pour l’instant plus à l’ordre du jour. Mais maintenant que j’approche de la cinquantaine, j’espère tout de même un changement. Qu’il soit à nouveau possible d’engager du personnel. Et que ces possibilités d’embauches puissent constituer l’avenir de l’Horeca. ”