Carl Wens

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Carl Wens

De Pastorie
Plaats 2
2460 Lichtaart
T: +32 (0)14 55 77 86
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À propos de

De Pastorie se trouve au centre du joli petit village de Lichtaart, littéralement à l’ombre d’un arbre séculaire. Là même où habitait anciennement le curé se trouve aujourd’hui un restaurant gastronomique aussi élégant que plein d’ambiance. Tout autour se déploie un jardin magnifiquement entretenu et une superbe terrasse. Vous serez accueillis dans les règles de l’art au sein de la salle à manger. L’hôtesse, Loes et toute son équipe ainsi que Carl Wens et sa brigade vous garantiront une expérience culinaire exceptionnelle.

 

Interview

Carl Wens: “Je suis si triste lorsque j’entends des collègues dire que notre métier nous fait mener une vie de chien…’”

Un vieux presbytère dans un village flamand endormi…. Quel meilleur décor pour un restaurant où la gastronomie et la convivialité forment un couple parfait? Carl Wens savait dès son entrée à l’école hôtelière qu’il voudrait se retrouver à la tête de son propre restaurant. De la même manière que lorsqu’ il vit pour la première fois l’ancien presbytère vide de Lichtaart, il sut que c’est là qu’il s’installerait. Et aujourd’hui il sait encore, après 22 ans aux fourneaux de De Pastorie: il compte bien y rester jusqu’à ses 75 ans et peut être même encore plus longtemps.

Comment êtes-vous devenu cuisinier?
Carl Wens: “Le choix était de devenir jardinier ou cuisinier et je suis devenu cuisinier parce qu’à la maison, nous n’avions pas assez de terrain pour pouvoir jardiner! (Rire…) Bon, maintenant, il faut savoir que mes grands-parents du côté maternel exploitaient un petit hôtel dans une petite cité de la côte normande, plus précisément à Varengeville-sur-mer. Et chez eux mais aussi chez nous à la maison on a toujours très bien mangé et bu. En en plus, nous allions très souvent au restaurant.”

L’hôtel existe toujours?
“Oui mais il n’appartient plus à notre famille. C’est dommage parce qu’il est situé à un endroit magnifique sur la côte, en fait pas très loin d’ici… »

Les premier pas à l’école hôtelière. Ce sera à Ter Duinen, à Coxyde. Pas évident pour un jeune garçon campinois.

“Mes parent voulaient que je fréquente une bonne école qui m’offrirait les meilleures possibilités de stage et Ter Duinen correspondait à ces critères. Le lundi, je partais par le train de 4h30 du matin et je mettais quatre heures pour arriver à l’école. Les weekends étaient donc particulièrement courts.”

Une formation dure?
“Assurément mais également excellente. On devait travailler dur mais il y avait également de très bons moments. Tout le monde état interne et, par le système “chef-commis” – les élèves des dernières années étant les “chefs” des premières – se tissaient de véritables liens. C’est ainsi que se formaient de véritables amitiés pour la vie.”

L’étape suivante, Paris?
“D’abord au Pré Catalan, puis chez Le Nôtre. Après cela, j’ai pu aller chez Boyer à Reims. Ensuite je me suis retrouvé chez Troisgros, à Roanne. Et enfin, pendant deux ans à Bruxelles, chez notre grand chef Pierre Wynants.

Et c’est alors que la perspective d’un propre restaurant a commencé à vous démanger?
“Non, je m’étais donné une ligne de conduite: d’abord me forger une expérience suffisante et ensuite, à mes trente ans, commencer mon propre restaurant. Evidemment, il faut avoir un peu de chance et trouver une femme qui accepte d’embarquer dans l’aventure. Je lui suis particulièrement reconnaissant pour cela.

De Oude Pastorie est magnifiquement située, une maison séculaire dotée d’une magnifique jardin clos.

“Dès la première fois que nous avons vu la maison, nous en sommes tombés amoureux.
Un curé a encore vécu ici jusqu’en 1978. Ensuite, elle a été vendue à un entrepreneur et nous l’avons achetée en 1992.  ”

Il a fallu apporter beaucoup de transformations?
“Les choses se sont bien passées. Il y avait évidemment pas mal de travail mais il n’y avait pas de gros changements structurels à apporter au bâtiment. Notre ambition était d’ouvrir un restaurant à taille humaine. C’est ce qui a permis de garder le caractère de la maison.”

Et le jardin?
“Le jardin fait environ un hectare. La moitié était sous forme de parc, l’autre un peu plus sauvage. C’est là qu’en collaboration avec les Monuments et Sites, nous avons fait un “jardin de curé”. Il faut en effet savoir que tant la maison que le jardin sont classés comme “monument protégé”.

Le classement du bâtiment n’a pas posé de problème?
“Les Monuments et Sites n’ont jamais trouvé à redire à notre projet, pour autant que l’extérieur du bâtiment soit préservé. En ce qui concerne le jardin nous avons fait appel à eux car ils possèdent les connaissances nécessaires à l’édification d’un pareil jardin de curé. C’est ainsi eux qui ont déterminé quelle hauteur et quelle épaisseur devait avoir le mur que nous avons construit autour du site.”

Du jardin à la cuisine… Comment décririez-vous votre style?
“Il faut toujours aller avec son temps. Quelqu’un me montrait récemment un article sur De Pastorie publié dans Knack en 1998. Quand on voit les photos d’époque, on a de quoi un peu rire. Mais attention, s’il faut s’inscrire dans le temps présent, on n’est pas obligé de suivre toutes les modes. Je ne suis certainement pas un rebelle et je ne pratique aucun extrémisme. Ce que j’aime, c’est un beau morceau de poisson ou de viande, une belle garniture, un peu travaillée et avec cela une bonne sauce. Pas d’artifices.”

Ou cherchez-vous l’inspiration de vos plats?
“Je regarde ce qui bouge dans le monde. Lire, aller au restaurant, parler de cuisine. Une combinaison d’un peut tout… Et puis je compte également sur mon sous-chef, Bart. Il est jeune et je lui donne l’occasion de me faire part de ses idées.”

De Pastorie existe depuis 22 ans. Comment voyez-vous l’avenir de la gastronomie ?
“Les gens vont devenir de plus en plus sélectifs car aller au restaurant coûte cher. Et cela ne risque pas de devenir meilleur marché… Je suis bien content que la période des petits chipotages et des écumes fumeuses soit terminée. S’il faut poser 16 garnitures sur une assiette plutôt que 4, il y a très logiquement 4 fois plus de travail. Et ceci aussi bien dans la cuisine que dans la salle, car tout cela doit aller dans des petites assiettes et des petits ramequins… Et tout cela doit rester rentable… Heureusement, la tendance est à un retour à des choses plus simples.”

Les nouvelles techniques jouent-elles un rôle dans votre cuisine?
“Auparavant tout était posé dans une poêle et cuit dans un peu de beurre. Puis est arrivée la période de la vapeur, puis celle de la grillade et ensuite celle de la cuisson sous vide. De chacune de ces tendances restera sans doute quelque chose mais si elles se poursuivront toutes, je n’en suis pas certain.

Je suis bien un grand partisan des appareils qui facilitent la vie dans la cuisine. Si vous  parlez des techniques qui permettent de faire de petites gelées ou des sphérifications, elles subsisteront sans doute mais prendront nettement moins d’importance. Ces petites fantaisies survivront sans doute dans les desserts.”

Quels sont les produits que vous travaillez le plus volontiers?
“Je trouve le poisson fabuleux.  Il y a bien entendu de quoi faire avec la viande mais le poisson permet nettement plus de créativité. Nos menus reposent toujours sur une grosse pièce basée sur la viande. C’est traditionnel mais repose sur les attentes de nos clients. Un menu doit faire l’objet d’une construction: on commence par du vin blanc ou du champagne et on évolue ensuite doucement vers le plat de consistance avec du vin rouge. Et après cela un fromage avec une bouteille de rouge encore meilleure.”

Le public a-t-il changé au cours de ces 22 dernières années?
“Il est devenu certainement plus connaisseur. On cuisine plus à la maison et on voit passer énormément de plats “sexy” à la télévision. On sait maintenant à quoi doit ressembler une préparation et on en attend au moins autant au restaurant.”

Comment décririez-vous le rôle d’un chef? Artisan, entrepreneur, artiste?
“Les jeunes chefs qui font l’objet de toutes les attentions de la presse et des  médias se sentiront peut-être artistes. Lorsque j’ai commencé, j’étais un idéaliste, mais trop d’idéalisme n’est pas une bonne chose. (Rires). Plus on avance en âge, plus on est réaliste. Lorsqu’on se trouve à la tête d’une affaire qui occupe 12 personnes, il faut être un entrepreneur. Le rôle dans lequel je me retrouve le plus, c’est celui de coach des jeunes en cuisine.

Nous sommes comme les boulangers et les bouchers: nous bénéficions de crédibilité car nous sommes des professionnels. Et rien de plus.”

D’où tirez-vous l’énergie pour débuter chaque journée?
“Mon fournisseur en vin me le disait encore hier: “chaque fois que j’arrive ici, il a toujours quelque chose qui se passe. Nul part ailleurs je ne trouve la même énergie. Tu me fais penser à un joueur de rugby, toujours sur le ballon.” En fait, je crois que c’est parce que j’aime ce métier.”

Quelle est votre activité de détente?
“Rien de particulier. Un peu de sport, entretenir mon jardin, faire du vélo, aller manger à l’extérieur. Dans notre secteur, il  est très important d’équilibrer les loisirs et le travail. Nous sommes fermés le dimanche soir, le lundi et le mardi. Ceci me permet de laisser le travail derrière moi. Si on ne réussit pas à faire cela, à on est complètement épuisé à 54 ans et on jette un regard négatif sur son métier. 

Je me sens encore très bien d’un point de vue physique. Beaucoup de jeunes dans la cinquantaine pensent qu’ils sont vieux. Si je reste en bonne santé, je veux exercer ce métier au moins jusqu’à soixante-cinq ans et même plus longtemps. Je trouve cela tellement triste lorsque j’entends des collègues dire que notre métier nous fait mener une vie de chien….”

Vous avez un fils de 18 ans. La génération suivante est sur les starting-blocks?
“Pendant un temps, il nous a donné un coup de main au restaurant et n nous sommes dit, ça y est, c’est parti ! Il suivait les émissions de cuisine à la télévision et venait refaire les plats au restaurant, et ça marchait!

Mais ses hobbys se sont multipliés… Entre la chasse, la pêche et les sorties…. (Rires) Il a commencé à ne plus trouver très agréable de travailler tous les weekends. Il est alors allé suivre des cours de mécanique automobile. A noter que notre collègue Alex Clevers a fait de même et cela ne l’a pas empêché de connaitre une vocation tardive. Peut-être que mon fils suivra le même chemin… (Rires)

Beaucoup d’enfants d’indépendants quittent d’abord le navire et goûtent à d’autres choses. Jusqu’à ce qu’ils prennent conscience que le statut d’indépendant n’est pas si mal que cela…”

(Interview Tine Bral – Traduction Philippe Bidaine)