Alain V. De Coster

Belgian ambassador in the world
chef

Alain V. De Coster

International Culinary Center of New York
Broadway, 462
10013 N.Y. New York USA
Interview

Installé aux États-Unis depuis 1983, notre compatriote Alain De Coster est l’un des quatre ambassadeurs de l’Association des Maîtres Cuisiniers de Belgique Outre-Atlantique. Plein d’énergie, il a tour à tour orchestré la cuisine de grands restaurants, donné des cours, fournit ses services en tant que traiteur à de grandes personnalités d’ici et de là-bas ou encore endossé le rôle de consultant pour diverses compétitions internationales et ce, toujours avec une grande humilité. Loin de son pays natal alors qu’il est doté de quantité de reconnaissances, ce Maître Cuisinier exilé garde la modestie de ceux que le succès et la fréquentation des grands de ce monde ne risque pas d’étouffer.

Pour revenir à l’origine de votre passion pour la cuisine, quel a été le détonateur qui vous a poussé à devenir cuisinier et où avez-vous été formé à ce métier ?

Vers 8 - 10 ans j’étais déjà attiré par la cuisine. En particulier par celle de ma marraine qui était une très bonne cuisinière. A l’époque, les produits alimentaires étaient plus naturels ; il n’y avait pas de produits chimiques et l’on mangeait de façon plus saine. A la fin de l’école primaire, la cuisine me plaisant plus que toute autre orientation et après avoir passé 6 mois seulement à l’Athénée, je me suis très vite dirigé vers le Ceria. C’est donc là, à Bruxelles, que j’ai pu suivre ma formation.

Quelles sont les maisons pour lesquelles vous avez travaillé en  Belgique ?

J’ai effectué mes stages « Aux Provençaux », à « Old Mario » (Membre du Club des 33) ou encore au « Château de Moortebeek » qui était à l’époque un bon restaurant et où j’ai d’ailleurs fait la connaissance de mon ami Daniel Molmans (ndlr : trésorier de l’Association des MC). Plus tard, j’ai rencontré Daniel Rage et Michel Addons qui étaient à l’époque membres du jury aux examens finaux du Céria. Tous deus étaient chefs du  « Scheltema » (Bruxelles-ville) et ils m’ont tout de suite proposé de m’engager. Je suis resté au « Scheltema » pendant trois ans avant de partir faire mon service militaire dans la marine et dans les cuisines de celle-ci. Après 10 mois, je suis retourné au Scheltema pour ensuite aller travailler à « Mon manège à toi » où j’ai rencontré Remy Jacxsens qui, avec son parrain Attilio Basso de « L’Écailler du Palais Royal », m’ont dirigé vers  les Maîtres Cuisiniers de Belgique. Après, j’ai été engagé à « La Sirène d’Or » dont le chef était Robert Vanduuren, l’ancien président des Maîtres Cuisiniers et qui était étoilé. Je me suis marié en 81 et nous sommes partis faire notre voyage de noces en Amérique !

L’année qui suit votre voyage de noces, en 82, vous retournez vous établir aux Etats-Unis ; une installation facile à l’époque ?

Là-bas, c’est toujours plus facile de travailler si l’on en veut, si l’on est courageux et si l’on n’a pas peur de l’effort et de se lancer. Les contacts et les rencontres que vous pouvez y avoir font le reste. Cela a été mon cas avec une série de rencontres fort bénéfiques pour mes débuts. Un ami joaillier installé à New York  m’a aidé à rencontrer pas mal de monde au début puis c’est la directrice de la Chambre de commerce belge aux Etats-Unis qui m’apprend l’ouverture du Saint-Jean des Prés à New York. J’ai ainsi, à partir d’un simple coup de fil, pu travailler avec un Maître Cuisinier français (Daniel Dunas) au Ritz Carlton. J’ai aussi, travaillé six ans pour Le « Piping Rock Club » (Club Platine) en tant que chef exécutif avec une brigade de 26 personnes, puis par la suite, pour d’autres clubs renommés de voile ou de golf.

Les compétitions culinaires, les food shows, les démonstrations ainsi que le fait d’avoir pu juger un nombre important de candidats ou encore de nombreuses autres représentations culinaires auxquels j’ai participé, m’ont donné l’opportunité de travailler aux côtés de Maîtres Cuisiniers du Japon, des Pays-Bas, de France, d’Allemagne, de Suisse, du Canada, des Etats-Unis bien sûr, d’Espagne, du Brésil, de Norvège et bien d’autres moins connus !

Vous commencez alors à mettre en avant la cuisine belge ; mais de quelle façon ?

En 89, j’ai organisé une « Semaine belge » à New York avec Christian Nihoul et René Stofijn du restaurant « Le Centenaire » qui est décédé depuis mais qui était, lui aussi, Maître Cuisinier. Nous avons rencontré un très large succès avec cet événement. Plus tard, j’ai organisé encore une autre « Semaine belge » lorsque j’étais au Garden City Hôtel qui disposait d’une équipe de 61 personnes en cuisine y compris chocolatier, pâtissiers et tous services disponibles. C’est là que j’ai engagé Steven De Bruyn. C’est un des trois autres Maîtres Cuisiniers de Belgique installés aux Etats-Unis (avec Daniel Joly dans le Colorado et Christian Echterbille au Texas) et c’est lui qui m’y a remplacé

Pour la deuxième Semaine Belge que j’ai organisé, nous avons à nouveau eu la visite de Christian Nihoul, cette fois-ci accompagné de Geert Jan Raven. Peu après, en 1996-1997,  je suis allé au « 4 Seasons Hotel » où j’ai été l’adjoint d’une femme chef qui est Suzan Weaver. C’est elle qui m’a appris le travail de corporation à la façon américaine. J’ai encore été professeur au French Culinary Institut à Manhattan qui est devenu l’actuel International Culinary Center et depuis septembre 2014, je suis Directeur Culinaire au New York Institute of Technology.

Difficile de citer toutes les adresses où vous avez travaillé mais il est aussi des noms prestigieux qui jalonnent votre parcours. Vous nous en donnez l’un ou l’autre ?

J’ai eu beaucoup de chance car mes contacts m’ont permis de travailler pour le Consulat Général de Belgique aux Etats-Unis, pour la Chambre de Commerce et de ce fait pour quasi toutes les personnalités belges se rendant aux Etats-Unis comme les différents ministres, les représentants des missions économiques,  Messieurs Lippens, Fons Verplaets et même pour la Reine Fabiola. J’ai aussi collaboré à l’ouverture des 4 adresses de « La Petite Abeille » ; une enseigne belge qui est devenue très connue aux États-Unis.

Enfin, pour l’anecdote, je peux aussi vous raconter que mon épouse qui est puéricultrice, s’est occupée, durant trois ans, des enfants de l’acteur Dustin Hoffman. Du coup, j’ai pu aller donner des cours de cuisine à ses trois enfants ! Nous avons voyagé avec eux à Malibu, dans le Connecticut et le Colorado. Et nos contacts sont restés très bons ; c’est très sympa d’avoir ce genre de souvenirs et il m’est arrivé de recroiser Dustin Hoffman qui me salue comme un bon vieux copain, de façon très enthousiaste et très sympathique. Cela fait plaisir !

Aujourd’hui quelle est votre actualité ?

C’est l’ouverture d’un grand atrium / théâtre de 14.000 places avec un espace Vip et un restaurant à Long Island, New York. Je suis aussi venu en Europe cet été car j’y ai coordonné un grand événement culinaire à Londres. Pendant deux jours, il y avait là 135 exposants producteurs ; 8 démos, 4 exposés et plusieurs compétitions. La première rencontre de ce type appelée « New York Produce Show & Conference » a été mise sur pieds en 2012 avec 95 participants producteurs et 8 chefs. Le succès étant au rendez-vous, une deuxième édition a eu lieu en 2013. C’est là que j’ai rencontré Frank Fol qui y était avec Daniel Molmans. De nouveau une édition en décembre 2014 a réuni 140 exposants, 12 chefs, 2 écoles en compétition et puis cette édition en juin 2015. Le projet est en route pour l’organiser à New York  en décembre 2015.

Parlez-nous de votre entrée dans l’Association des Maîtres Cuisiniers et de vos impressions

J’ai été intronisé en 1989 par Attilio Basso et Rémy Jacxsens et présenté par René Stoffyn lors de la Semaine de la Cuisine belge. C’était assez inattendu et cela représentait un peu pour moi, le couronnement, le sommet d’une carrière ; même si j’estime aussi que c’est une carrière qui s’est faite dans l’ombre. Il faut dire que j’apprends encore tous les jours, en ce compris également à l’école avec mes élèves. D’ailleurs, je trouve qu’au plus on apprend, au plus on peut enseigner, on peut transmettre et c’est cela qui est aussi très valorisant.

En mot de la fin, comment voyez-vous aujourd’hui l’Association des Maîtres Cuisiniers ?

Il y a toujours quelqu’un pour vous ; une référence, une personne qui vous regarde, qui vous coache et c’est très important. Un enseignant, c’est comme un mentor. C’est une façon de se sentir soutenu, d’être moins isolé dans notre métier. Je n’oublie pas ce que disait Rémy, mon mentor : « Fais du mieux que tu peux en te disant « Qu’est-ce que qu’il va penser de moi ? ». Rémy me manque tous les jours. Que son âme repose en paix ! Et ainsi, on continue toujours à faire son maximum et à pousser les possibilités de notre métier qui sont non seulement infinies mais pleines de challenges quotidiens.


Interview :  Joëlle Rochette
Traduction : Marc Declercq